La rocambolesque affaire Ibrahim Moussa, alias Ibou Karadjé, l’ex chef du service transport de la Présidence, écroué depuis un an, pour détournement des deniers publics et faux et usage de faux en écriture publique, est en passe de connaitre son épilogue. Le juge d’instruction ayant bouclé l’information judiciaire, il reste à déterminer le tribunal où Ibou Karadjé et consorts seront jugés, apprend-on.
Ibou Karadjé, ce faussaire hors-pair est aux arrêts avec plusieurs commis du ministère des finances depuis belle lurette. Il est question dans ce dossier du détournement de plus de 8 milliards de Fcfa. Et selon un juriste, à partir de 100 millions de détournement de deniers publics, on est plein dans un cas criminel. Ce qui fait croire que cette affaire sera probablement renvoyée à la chambre criminelle de la Cour d’Appel. « Et comme les présumés coupables sont nombreux, leur cas pourrait faire l’objet d’une Session de la Cour d’Appel », nous renseigne la même source. A en croire notre source, le fait qu’Ibou Karadjé et complices gardent prison et que le juge d’instruction renvoie l’affaire au tribunal, cela voudrait dire que le crime serait constitué et il y aura très certainement des personnes à condamner à l’issue du procès.
Il reste à savoir quel montant a été retenu par le juge. Est-ce que les 8 milliards annoncés par le Chef de l’Etat dans une interview réalisée à l’occasion de ses 100 jours au pouvoir ? Ou bien les 10 milliards annoncés par certains confrères ? La question reste posée.
Rappel des hauts faits de Ibou Karadjé
Des sources concordantes, Ibou Karadjé avait imité la signature des responsables du Ministère des Finances, utilisé de faux cachets et contourné la chaine des dépenses pour établir de fausses Lettres d’Autorisation de Paiement (LAP). Ce, jusqu’au jour où les services du Ministère des Finances l’ont démasqué.
Pris dans un engrenage, le jeune ripou, alias Ibou Karadjé n’avait d’autres choix que de dire toute la vérité ou accepter de prendre son mal en patience en ce sens que « son parti politique, sa base, sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours », à en croire la consigne du Président de la République, Mohamed Bazoum.
La chance n’étant plus de son côté, Ibou Karadjé ne sait pas que la boite de pandore était désormais ouverte. Comme à la caverne d’Ali Baba, il n’est pas étonnant qu’Ibou Karadjé se classe parmi les nouveaux riches de la capitale. Tenez : ses biens immeubles et autres possessions sont estimés à 4 milliards de Fcfa, selon la perquisition de la police judiciaire, apprend-on.
Et comme pour mettre en évidence le caractère sulfureux du personnage, l’on apprend que pour la seule année 2020, Ibou Karadjé aurait détourné environ 3, 8 milliards de Fcfa en reproduisant les signatures des cadres qui interviennent dans la chaine des Lettres d’Autorisation de Paiement par Anticipation (LAP) qui est une procédure d’urgence permettant de sortir de l’argent liquide au trésor public et de régulariser après. Le jeune prévaricateur serait poursuivi pour escroquerie, faux et usage de faux en écriture publique, détournement des deniers publics, blanchiment d’argent, fausse monnaie…
En terrain conquis, Ibou Karadjé opérait de 2017 à 2020. Il a eu le génie de contourner la Direction générale du Budget (DGB), seule habilitée à faire aboutir les procédures de LAP. Selon nos sources, le théâtre d’opérations d’Ibou Karadjé, est bien le ministère des finances où il a fini par prendre ses quartiers. Il serait très difficile pour les complices d’Ibou Karadjé de convaincre qu’ils sont de bonne foi en cautionnant les forfaitures de ce faussaire.
L’opération ‘’basanibasabo’’ en marche…
L’opération ‘’basanibasabo’’, la dénomination de la consigne du Président Bazoum de lutte contre la corruption et l’impunité est en marche, lentement mais sûrement. Selon des sources bien informées, c’est bel et bien le Président de la République qui a ordonné de tirer au clair cette affaire, en ordonnant deux inspections d’Etat. Et lorsque le Chef de l’Etat a informé le Premier ministre de ce dossier, la réaction de ce dernier était de s’assurer si l’agent indélicat est déjà arrêté, apprend-on. En contactant l’inspecteur d’Etat, ce dernier a confié au Premier ministre d’avoir prévenu la police de ne pas laisser Ibou Karadjé sortir hors du territoire national. Le Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou aurait immédiatement demandé au Directeur général de la police nationale de prendre des mesures pour empêcher à Ibou Karadjé de fuir. Ce qui a permis de procéder à son arrestation sur la base des éléments graves révélés par l’inspection d’Etat, nous a confié une source bien informée. Pour le Premier ministre, si jamais Ibou Karadjé prenait la poudre d’escampette, ce scandale allait être une affaire du gouvernement, car personne ne pourra comprendre que c’est une affaire qui s’est passée au trésor national entre un agent et ses complices, apprend-on.
Ses hauts faits, c’est le fait également d’avoir imité la signature d’un responsable du Ministère des Finances, utilisé de faux cachets et contourné la chaine des dépenses pour établir de fausses Lettres d’Autorisation de Paiement (LAP) avant qu’il ne soit démasqué par les services du Ministère des finances. L’enquête en cours sur ce dossier permettra de déterminer le montant exact de ce qu’Ibou Karadjé a détourné au niveau du trésor public et avec la complicité de qui, au sein de l’administration du ministère des Finances.
Nous avons bon espoir que le président Mohamed Bazoum et le gouvernement, sous la direction du Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou, vont poursuivre la lutte contre la corruption, les détournements des deniers publics, la concussion et l’enrichissement illicite. Du reste, le Premier ministre a réitéré cet engagement du président de la République dans sa Déclaration de Politique Générale (DPG), adoptée le mercredi 26 mai par les députés.
On le sait, le Président Bazoum a fait le pari d’asseoir une gouvernance vertueuse après un diagnostic sans complaisance de la façon jusque-là dont les affaires de l’Etat sont gérées. Et comme pour joindre l’acte à la parole, le Chef de l’Etat promet une tolérance zéro à tous ceux qui entendent s’amuser avec les deniers publics. « C’est pourquoi, je voudrais dire clairement ici que quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes. Son parti politique, sa « base », sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre. Pour cela, j’exigerai de tous les responsables aux différents échelons de l’administration que les cadres soient promus sur la base de leur compétence technique et de leur moralité », a averti Mohamed Bazoum.
C’est dire que l’affaire Ibrahim Moussa dit Ibou Karadjé vient de conforter le Président Bazoum et les Nigériens en général qui ont découvert l’ampleur du banditisme d’Etat qui porte la signature de certains cadres concussionnaires de l’administration.
Elh. M. Souleymane
Niger Inter Hebdo N°78 du mardi 06 Septembre 2022