Billet : Impasse sécuritaire et libertés sacrifiées !

Dans la gestion d’une entreprise comme d’un Etat, dresser un bilan, évaluer les actions pour jauger si l’on est sur la bonne voie dans l’atteinte des objectifs, constitue le procédé le plus rationnel. Après la mise entre parenthèses des institutions au Mali et au Burkina Faso, peut-on dire aujourd’hui que les objectifs pompeusement annoncés par ces régimes militaires sont atteints ?

Très malheureusement, les citoyens de ces pays qui ont cédé au populisme sont en train de déchanter : ils ont sacrifié leur liberté pour se retrouver dans l’impasse. Les promesses sécuritaires s’avèrent être un mirage et les libertés publiques sont de plus en plus menacées.

La maxime prêtée à Benjamin Franklin en dit long :« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux ».

Le 7 avril dernier, dans un communiqué de presse, Amnesty international écrit : « face aux attaques répétées, le droit à l’information doit être protégé » au Burkina Faso. Les autorités doivent cesser les attaques et menaces contre la liberté de la presse et la liberté d’expression et protéger les journalistes, déclare Amnesty International après la suspension de médias et l’expulsion de journalistes. Et selon certains observateurs, il y a aujourd’hui au Burkina, comme qui dirait l’autre, la mise en place d’un régime répressif.

En effet, outre le musellement des citoyens, le régime, à travers des arrestations d’opposants politiques et acteurs de la société civile, semble glisser vers « une dérive autoritaire afin d’assurer sa survie », indique-t-on. Une véritable « chasse aux sorcières s’instaure au pays des hommes intègres », apprend-on. Selon une source contactée par nos soins : « Activistes des organisations de la société civile, opposants, bref toutes les personnes considérées comme mal pensants par le régime en place subissent des menaces dans le sens d’obtenir leur silence. Dans ce sens, de nombreux influenceurs rapportent avoir été contactés par des militants du régime et par des forces de police qui leur ont demandé de choisir entre la prison et le soutien au régime ». Il est triste de constater que ni le départ de Kaboré ni celui de Damiba n’ont amené l’embellie attendue au Faso. Ces hommes sont passés, mais le problème sécuritaire demeure.

« La lutte contre les groupes armés et l’insécurité ne sauraient être un prétexte pour restreindre les libertés de la presse et les droits des citoyens à accéder à l’information. L’expulsion des correspondantes des journaux Libération et Le Monde, et la suspension de la chaîne de télévision France 24 marquent un tournant inquiétant de violation du droit à la liberté d’expression par les autorités », s’indigne Samira Daoud, Directrice régionale pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre à Amnesty International.

La situation des droits humains n’est guère reluisante au Mali où le régime a instauré le règne de la pensée unique. Le rapport mondial sur les droits humains en 2023 est cinglant : « Les autorités ont placé en détention plusieurs détracteurs du gouvernement, pour certains pendant plusieurs mois sans procès. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés sur la base d’accusations fallacieuses et torturés en 2021. En janvier, les forces de sécurité ont arrêté et détenu pendant six mois le Dr Étienne Fakaba Sissoko, un professeur d’économie, après qu’il avait critiqué des nominations au gouvernement, qualifiant ses propos de « subversifs ». Le chef du parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI), le Dr Oumar Mariko, aurait quitté le pays après avoir été détenu en décembre 2021, puis menacé d’être placé une nouvelle fois en détention pour avoir dénoncé les abus de l’armée ».

A l’épreuve des faits, la situation sécuritaire du Mali et du Burkina s’est fortement dégradée. En réponse, les maitres de Koulouba et de Kossyam s’emmurent dans une posture iconoclaste avec comme armes : le populisme et la propagande. Roulés dans la farine, les citoyens de ces pays qui ont tout sacrifié ne savent plus à quel saint se vouer.

Tiemago Bizo

Niger Inter N°111 du mardi 23 mai 2023