Lutte contre la corruption : Les précautions du président Bazoum

Le Président Mohamed Bazoum saura-t-il satisfaire la demande de justice des Nigériens notamment dans la lutte contre la corruption et les infractions assimilées ? L’opération dite « basanibasabo » qu’on lui attribue ira-t-elle jusqu’au bout ou s’arrêtera-t-elle à mi-chemin ? Le chef de l’Etat est-il disposé à frapper, y compris dans son propre camp, ses alliés et ses camarades du parti comme il l’a martelé à l’occasion de son discours d’investiture ? Retour sur les précautions du Président Bazoum comme gage de succès dans la lutte contre la prévarication.

S’il y a un dossier sur lequel l’actuel président nigérien est attendu, c’est bel et bien celui de la lutte contre la corruption et le détournement des derniers publics. La question de la corruption est revenue sur les devants de l’actualité nationale ces derniers temps avec la scabreuse affaire dite « Ibou Karadjé » après le tristement célèbre scandale du ministère de la défense.

On n’en sait d’ailleurs un peu plus sur l’affaire « Ibou Karadjé » orchestrée par ce faussaire hors-pair. Une affaire, disons-le, qui a été révélée au public par les soins des autorités nigériennes.

En effet, après les étapes administratives, l’affaire est pendante devant le prétoire sans qu’aucune tentative d’obstruction ne vienne de l’exécutif. En saisissant la justice sans aucun atermoiement, le Président Mohamed Bazoum vient d’administrer la preuve de son engagement sans faille à lutter contre la corruption et que son message sur ce sujet, lors de son discours d’investiture, n’est pas une simple déclaration de circonstance.

N’a-t-il pas, en effet, affirmé que « quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes ? ».

Le fait que cette affaire ait pu atterrir à la justice en 100 jours de sa gouvernance est une prouesse à saluer à sa juste valeur, selon certains observateurs avertis.

Bannir l’impunité…

Nous avons bon espoir que le président Mohamed Bazoum et le gouvernement, sous la direction du Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou vont poursuivre la lutte contre la corruption, les détournements des deniers publics, la concussion et l’enrichissement illicite. Du reste, le Premier ministre a réitéré cet engagement du président de la République dans sa Déclaration de Politique Générale (DPG), adoptée le mercredi 26 mai par l’Assemblée nationale.

On le sait, le Président Bazoum a fait le pari d’asseoir une gouvernance vertueuse après un diagnostic sans complaisance de la façon jusque-là dont les affaires de l’Etat sont gérées.

Et comme pour joindre l’acte à la parole, le Chef de l’Etat promet une tolérance zéro à tous ceux qui entendent s’amuser avec les deniers publics. « C’est pourquoi, je voudrais dire clairement ici que quiconque a une responsabilité dans l’administration publique répondra désormais tout seul et entièrement de ses actes. Son parti politique, sa « base », sa famille, sa communauté ne lui seront d’aucun secours au cas où son comportement devrait commander une mesure coercitive à son encontre. Pour cela, j’exigerai de tous les responsables aux différents échelons de l’administration que les cadres soient promus sur la base de leur compétence technique et de leur moralité », a averti Mohamed Bazoum.

C’est pourquoi nul n’est surpris de sa rencontre avec les responsables de la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA). Cette institution a, comme qui dirait, du boulot sous le magistère du Président Bazoum. Cette posture augure une belle précaution à prévenir la corruption d’abord dans son propre gouvernement.

A ce sujet d’ailleurs, le Président Bazoum entend « mettre en place une cellule de veille pour débusquer en temps réel, les ministres et autres responsables ripoux », apprend-on. Ceux qui ont des pratiques néfastes ne sauraient prospérer sous la dynamique ainsi insufflée à la gouvernance sous l’ère Bazoum.

Qui aime bien châtie bien

En parlant de la situation au Mali, à l’occasion de sa conférence de presse conjointe avec Emmanuel Macron, l’on a entendu le Président Bazoum dire « qui aime bien châtie bien ». Ce qui constitue une preuve d’affection que d’être dur avec quelqu’un, quelle que soit sa proximité avec vous, de souligner ses défauts.

C’est aussi cela la pédagogie de l’exemple prônée par cet enseignant aux commandes de l’Etat. C’est pourquoi, depuis son discours d’investiture, s’il y a une constante dans son approche concernant la lutte contre le phénomène de la corruption, c’est bien le fait de punir, de châtier les auteurs comme meilleure précaution pour asseoir une bonne gouvernance.

« Le défi de la gouvernance est d’autant plus grand chez nous que prévaut une mentalité pas toujours en harmonie avec les valeurs de l’Etat de droit et ses exigences relatives à la primauté de la loi ainsi qu’à l’égalité de tous les citoyens. Sans verser dans une certaine anthropologie philosophique, mon propos consiste à relever que dans notre société, nous avons tendance pour diverses raisons à nous accommoder même des comportements qui s’écartent des normes définies par nos lois et nos règlements. Or, il est temps que nous nous ressaisissions et que nous fassions preuve de rigueur », a déclaré le Président Bazoum dans son discours d’investiture.

Le pronostic du Président de la République Mohamed Bazoum pour inverser la tendance force l’admiration lorsqu’il dit dans son discours d’investiture : « Ma conviction intime est que notre pays a devant lui un bel avenir, pourvu que nous soyons en mesure d’apporter les bonnes réponses à ses défis. Pour cela, nous avons besoin prioritairement de faire deux choses : promouvoir une bonne gouvernance et repenser radicalement notre système éducatif… ».

Et pour promouvoir la bonne gouvernance, à l’occasion de sa grande interview des 100 jours, le Président Bazoum a dit qu’il entend se donner des moyens d’être efficace, notamment dans la lutte contre la corruption pour qu’il ne soit pas réduit à faire de l’incantation.

Et il va sans dire que l’affaire Ibrahim Moussa dit Ibou Karadjé vient de conforter le Président Bazoum et les Nigériens en général qui viennent de découvrir l’ampleur du banditisme d’Etat qui porte la signature de certains cadres concussionnaires de l’administration. D’aucuns se demandent également jusqu’où ira le Président Bazoum dans son élan à lutter véritablement contre la corruption ?

A cette inquiétude, le Chef de l’Etat a répondu aux confrères de France24 et Rfi, en parlant du scandale au ministère de la défense nationale, que « Nous ferons en sorte que l’impunité cesse lorsque des nigériens commettent des choses de ce genre ».

Après la profession de foi, il est grand temps de faire face à la réalité. Le philosophe à la tête de l’Etat saura-t-il la transformer ou bien optera-t-il à son interprétation pour paraphraser Karl Marx, lorsqu’il dit que « les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde ; il faut désormais le transformer ».

Elh. M. Souleymane

Niger Inter Hebdo N° 32