Dans une interview accordée au magazine Jeune Afrique le Président du Niger Mohamed Bazoum a abordé différents aspects de la situation sécuritaire au Sahel. Il a donné son appréciation et a laissé transparaitre ses sentiments sur les acteurs et les agendas en confrontation dans cet espace sahélo-saharien. Comme à l’accoutumée son légendaire franc-parler l’a amené à dire les choses dans une forme qui suscite des polémiques sur les réseaux sociaux et un déchainement de haine dans les milieux qui ne l’ont jamais accepté comme légitime là où il est.
Certains propos du Président Bazoum interpellent
Ce qui intrigue, c’est moins l’exactitude des propos que l’opportunité de les tenir dans le contexte actuel et surtout en tant que chef d’Etat. Il semble en effet intenable d’affirmer que « ces terroristes, ils sont plus forts que nos armées et sont plus aguerris que nos armées » et ne pas comprendre que les populations victimes de massacres cherchent des solutions pour se protéger. Des centaines de Nigériens ont été massacrés ces dernières années sans que les Forces de défense et de sécurité n’aient pu l’empêcher. Si « les terroristes sont plus forts et plus aguerris » que l’armée nigérienne, on peut se demander alors pourquoi les autorités ne procèdent pas à un recrutement massif dans les FDS pour prévenir d’autres massacres. L’appel à des partenaires internationaux serait ainsi mieux justifié quand le pays est réellement au maximum de ses capacités internes.
Des citoyens volontaires, décidés à pallier les insuffisances des FDS notamment dans l’Azawagh, font face à la menace sans moyens adéquats pour protéger leurs familles. En effet, les exactions se poursuivent même si elles sont sans aucune mesure avec ce qui se passe au Mali et au Burkina Faso. Rien n’indique que le Niger soit à l’abri d’une détérioration de la situation sécuritaire et le dispositif actuel recèle à l’évidence des failles qui nécessitent une attention particulière. Des Nigériens perdent encore la vie, du bétail est enlevé et des « impôts » prélevés ….
Comment expliquer aux citoyens que des jeunes recrutés par les groupes extrémistes au sein de ces mêmes populations massacrées parviennent à surpasser les armées nationales qui disposent pourtant de moyens de formation et d’appui internationaux ? Il y a à l’évidence des stratégies inadaptées ou des non-dits dans la réalité des dispositifs mis en place sur le terrain. S’y ajoute un problème de communication qui fait qu’un esprit ordinaire ne peut comprendre que les Etats sahéliens ne parviennent toujours pas à assurer la sécurité de leurs citoyens malgré leurs moyens, le soutien des populations et de la communauté internationale.
Par ailleurs, le président Bazoum a omis de parler de la mal-gouvernance, de la persistance des injustices et de l’impunité comme autres facteurs d’adhésion de certains jeunes aux mouvements armés extrémistes.
Abdoulahi ATTAYOUB
Lyon (France)
29 mai 2023