Politique énergétique au Niger :   L’énergie, l’élément majeur du développement durable

 

 

 

Depuis son arrivée à la Magistrature Suprême en avril 2021, le Président Bazoum Mohamed ne ménage aucun effort pour améliorer la situation du Niger, tout domaine confondu. Cela se traduit par une importante mobilisation au niveau des « organes clés » de l’Etat susceptibles de contribuer significativement à la réalisation des différents objectifs que s’est fixé le Chef de l’Etat.

Parmi ces objectifs, on retrouve la question de l’accès à l’énergie en général et de l’électricité en particulier. Cette problématique se pose encore avec beaucoup plus d’acuité au regard du fait que, d’une part, notre pays reste le 9è pays au monde dont la population consomme le moins d’énergie en 2020 selon Enerdata et ayant un taux d’accès de 19.5 selon la Banque Mondiale la même, soit l’un des plus faibles aussi malgré les multiples sources d’énergie que regorge le pays.

D’autre part, ce manque d’accès à l’énergie fait peser d’importantes contraintes sur les activités économiques modernes, la fourniture des services publics, et la qualité de vie, ainsi que sur l’adoption des nouvelles technologies dans divers secteurs tels que l’éducation, l’agriculture et les finances. Ce qui risque de compromettre donc la volonté affichée par les autorités nigériennes de faire figurer le pays, dans un futur proche, parmi les « Fauves africains », c’est-à-dire ces économies africaines qui bruleraient les étapes de la croissance en profitant des « greffes » technologiques, grâce aux innovations importées des pays développés. Un développement version 2.0 permettant aux pays de gagner des décennies à l’image des croissances fulgurantes des pays asiatiques à savoir Corée du Sud, Taïwan, Hongkong et Singapour, dans la deuxième moitié du XXe siècle. Ce que les économistes anglosaxons avaient qualifié de « advantage of backwardness » ou « avantage de l’arriération ».

Sans oublier la récente interview du Président Bazoum parue dans la presse internationale, notamment Le Figaro pour ne pas le citer, dans laquelle le président de la République a estimé à tort ou à raison mardi 14 juin que les pays africains étaient « punis » par les décisions de pays occidentaux visant à mettre fin au financement de projets liés aux énergies fossiles dès cette année. « Nous allons continuer à nous battre, nous avons des ressources fossiles qui doivent être exploitées », a-t-il plaidé à Abidjan, en clôture de l’Africa CEO Forum, un sommet économique réunissant 1500 chefs d’entreprises et décideurs politiques. Une prise de position loin d’être anodine quand on sait que l’énergie est l’élément majeur du développement durable. Elle accélère les progrès sociaux et économiques et améliore la productivité. Autant dire qu’elle peut être un atout de taille pour aider le Niger à mieux faire face à ses défis et donc sortir par le haut.

Rehausser le niveau d’accès, comme nous allons le voir plus bas, suppose de consentir des investissements conséquents pour accroitre la production électrique et améliorer sa fiabilité, obtenir des prix abordables pour les consommateurs et de tarifs soutenables pour les compagnies électriques, favoriser la réduction de la pauvreté afin d’entraîner une transformation économique du pays.

Ce qu’il faut savoir sur la politique énergétique.

La politique énergétique est tout simplement la stratégie adoptée par une entité (Etat, institution, entreprise…) quant à la gestion de l’énergie. Le site Planète Energie en propose une définition plus pointue : « la politique énergétique d’un pays est l’ensemble des orientations et décisions prises en matière de production et de consommation d’énergie ».

Une politique énergétique d’un Etat peut prendre des formes diverses, comme les sélections du mix énergétique, la politique d’aide aux économies d’énergie, la sécurité de l’approvisionnement, les mesures fiscales, les fonds alloués à la recherche…

Les politiques énergétiques dans les pays développés se sont toujours définies par leur volontarisme, c’est-à-dire la volonté de participation croissante de l’Etat dans les prises de décisions. Plusieurs fondements ont été affinés dans le temps afin de recentrer les travaux à mener :

–        Rechercher l’indépendance énergétique nationale : pour pallier les faibles ressources naturelles présentes dans le pays et donc les importations ;

–        Sécuriser l’approvisionnement de l’énergie : ;

–        Préserver l’environnement et lutter contre l’effet de serre ;

–        Rechercher des prix de l’énergie compétitifs ;

–        Donner l’accès de tout le territoire à l’énergie.

Doter le secteur énergétique des moyens à la hauteur des enjeux

La consolidation des institutions démocratiques et le fort engagement du gouvernement pour atteindre ses objectifs de développement permettent au Niger de continuer à bénéficier du soutien financier international. Preuve de cette confiance retrouvée, les ressources extérieures mobilisées pour le secteur de l’énergie durant la période 2011 -2015 se sont élevées à 141 843 350 570 FCFA, soit 4,10% du total. Un montant certes modeste, mais qui témoigne de l’intérêt non négligeable des partenaires techniques et financiers pour ce secteur stratégique. Ce soutien a indubitablement permis à l’investissement public de contribuer largement à la croissance à travers le financement de nombreux projets tels que la centrale de Goroubanda.

Cependant, rapporté à l’année, ce montant n’était que de 28 ,37 milliards de FCFA, (49 millions de dollars EU). Pour l’année 2022, le gouvernement devrait allouer la somme de 67,74 milliards de FCFA contre 60,45 milliards de FCFA en 2021 pour « l’amélioration de l’offre en énergie électrique », soit une hausse de 12% environ.

Malgré cette hausse relative en 2022 des dotations budgétaires, on est loin des besoins réels du pays estimés à 105,86 milliards de FCFA (184 millions de dollars EU) par an pour accroitre fortement le potentiel de développement du pays. Environ 71 % de ce montant devaient être consacrés aux dépenses d’investissement et un peu moins de 30 % aux dépenses d’exploitation (entretien, réhabilitation, réparation des infrastructures, etc.), selon le Consortium pour les infrastructures en Afrique (ICA) en 2017.

Il apparait clairement que le défi reste de taille. Nonobstant, il est à la portée du pays. Pour ce faire, on doit continuer à mettre l’accent sur la mobilisation des ressources extérieures et internes.

Pour les premières, il faudra i) Poursuivre la consolidation des institutions démocratiques et les réformes structurelles permettant au pays de gagner en compétitivité ii) Diversifier les partenaires financiers en privilégiant ceux qui offrent de meilleures conditions de prêts pour combler l’écart de financements évoqué ci-dessus. De nouvelles sources de financements existent, à l’image du fonds souverains (Fonds d’Abu Dhabi pour le développement – ADFD), etc.

Pour les secondes, il serait judicieux d’explorer trois pistes, sans doute non exhaustives, pour mobiliser les capitaux au niveau national i) Mettre l’accent sur la création de la richesse par le travail. De manière concrète, il faudra inciter les Nigériens à travailler davantage et efficacement (assiduité, ponctualité, performance, etc.) pour permettre un sursaut économique et favoriser la création de richesse ii) Poursuivre la mobilisation des ressources internes à travers la formalisation des activités du secteur informel afin d’augmenter le taux de pression fiscal étant actuellement faible :  environ 13% du PIB, soit sept points en deçà du seuil recommandé par le FMI (20%) iii) La gestion rigoureuse des affaires publiques peut contribuer à améliorer l’efficacité de la dépense publique et rétablir la confiance entre les élus et les citoyens, et inciter ces derniers à être plus enclins à participer activement et massivement à la construction du pays, à l’image de ce qu’ont fait les Éthiopiens pour financer le barrage de la Renaissance iv) La création d’un « Livret E » (comme Energie) pour mobiliser les fonds de manière permanente. Les fonds collectés sur les livrets E seront centralisés par une nouvelle structure que l’on dénommera « Caisse des dépôts pour l’Energie » et serviront à financer les besoins et l’entretien des installations du secteur.

Recourir à la planification dans le secteur de l’énergie

L’arrivée de S.E Mahamadou Issoufou au pouvoir a permis au Niger de nouer avec la planification. Celle-ci pourrait permettre au Niger de ressourdre en partie le problème de ce secteur grâce à l’optimisation des décisions à prendre surtout pour la production, la gestion de la distribution de l’énergie électrique.

Comme le renforcement de la production et des réseaux électriques est difficile, à cause notamment de la superficie du pays, et coûteux en même temps comme nous l’avons vu précédemment, il est nécessaire d’opter pour une gestion optimale afin de garantir la disponibilité et la fiabilité de l’électricité et assurer la satisfaction des usagers.

La planification dans le sous-secteur de l’électricité pourrait s’avérer déterminante si elle met l’accent sur :

  • L’anticipation des futurs besoins en centrales électriques, lignes, câbles et postes d’un système électrique, dans le but d’adapter les réseaux aux évolutions du système (consommation, mix énergétique), et ce de manière optimale d’un point de vue technico-économique ;
  • Le raccordement de nouvelles unités de production ou de consommation, le renforcement des infrastructures existantes et la création de nouveaux ouvrages.

Mettre l’accent sur la politique d’efficacité énergétique

L’efficacité globale du système énergétique du Niger en 2012, mesurée à travers le ratio « Energie utile (541,4 ktep) / consommation énergétique brute (approvisionnement = 2 530 ktep) » est de l’ordre de 21,4%, contre 30% en moyenne pour la zone CEDEAO. Cette mauvaise performance révèle l’ampleur du chantier qui attend le pays dans ce domaine, ainsi que les économies substantielles que l’on peut réaliser.

Dans un pays où l’approvisionnement énergétique repose essentiellement sur les combustibles fossiles ainsi que la consommation des ressources de la savane, il y a urgence à définir une politique de l’efficacité énergétique visant à répondre aux besoins sans cesse croissants, de manière durable et à des prix abordables. Cela doit englober différents aspects d’efficacité énergétique à savoir :

Agir sur la consommation électrique : Face à la situation de forte dépendance vis-à-vis du Nigéria, le gouvernement a pris pleinement conscience de l’importance de réduire l’exposition du pays aux importations pour son approvisionnement en électricité en adoptant différentes stratégies et investir dans la construction de nouvelles centrales électriques. Des mesures certes salutaires. Néanmoins, nous suggérons d’aller encore plus loin en atténuant la facture électrique à travers la création à très court terme d’une structure que l’on dénommera « Agence nigérienne pour l’économie et la maîtrise de l’énergie (ANEME). Cette structure, qui devrait être rattachée au ministère de l’Energie, aurait pour objectif de définir un plan d’action pour l’efficacité énergétique. Cela devrait inclure un cadre législatif et réglementaire (normes et exigences d’efficacité énergétique, contrôle qualité, audit énergétique obligatoire, etc.), la distribution massive des lampes à basse consommation (LBC), des audits des secteurs résidentiel, commercial, industriel et du transport, ainsi que la normalisation et l’étiquetage des équipements électriques domestique et de bureau. Elle pourrait aussi s’appuyer sur les recommandations formulées dans le Plan d’Action National d’Efficacité Energétique du Niger de 2015 (PANEE) établissant les perspectives en matière d’efficacité énergétique et fixant l’objectif annuel de baisse de 4% de la quantité d’énergie nécessaire pour produire une certaine quantité de biens et de services.

La réalisation de cet objectif devrait permettre de réduire de manière substantielle la facture de l’électricité de plusieurs millions, voire des milliards de FCFA par an. En outre, il faudra mettre l’accent sur la rénovation des bâtiments publics et privés et introduire des normes de constructions favorisant les économies d’énergie.

L’action publique : L’action publique s’articulera autour de trois axes :

  • Elaborer un soutien financier de l’Etat pour soutenir la politique d’efficacité énergétique évoquée ci-dessus et amorcer une véritable transition vers un large accès aux équipements à faible consommation ;
  • Communication et pédagogie : Il s’avère nécessaire de sensibiliser de façon beaucoup plus massive et intensive la population sur les enjeux et l’intérêt de l’efficacité énergétique, avec pour objectif de faire évoluer les comportements ;
  • Gouvernance et management : Pour qu’il y ait un bon système de gestion et un suivi efficace de la mise en œuvre de la stratégie d’efficacité énergétique, il convient d’accorder une priorité beaucoup plus grande à la collecte de données, aux mesures des progrès réalisés et aux plans d’ajustement ultérieurs nécessaires.

La formation, une étape indispensable pour accompagner le développement des Energies renouvelables

Depuis de nombreuses années, l’un des objectifs des politiques éducatives du pays est de développer les formations professionnelles afin de permettre au plus grand nombre, et particulièrement les jeunes, de poursuivre des études et de répondre aux attentes du système productif.

La poursuite par le gouvernement de la mise en œuvre de la stratégie nationale et son plan d’actions sur les énergies renouvelables adopté par Décret nº2004-031/PRN/MME du 30 janvier 2004, qui s’accompagne par des investissements de plus en plus importants, devrait se traduire par une réforme du système éducatif. Cette démarche est nécessaire quand on sait que le Niger était précurseur en la matière, avec le développement de nombreuses applications depuis les années 70, grâce au Pr Abdou Moumouni Dioffo.

Concrètement, le potentiel considérable en matière du développement des énergies renouvelables ouvre de nouvelles perspectives et invite les autorités de tutelle à repenser et enrichir le catalogue des formations proposées actuellement dans les établissements d’enseignement professionnels et universitaires en intégrant la formation en énergies renouvelables.

Les objectifs de la formation porteront, entre autres, sur les aspects suivants :

  • Acquérir les connaissances de base sur la production d’énergie électrique à partir des énergies renouvelables (éolien, solaire photovoltaïque, pompes à chaleur, etc.) ;
  • Comprendre les problématiques énergétiques de notre société et appréhender les notions essentielles relatives aux différentes sources d’énergies renouvelables ;
  • Pour chacune des technologies, étude du fonctionnement d’une installation, connaître sa mise en œuvre, prendre en compte l’impact environnemental de l’installation et de sa maintenance. Apprendre à réaliser une étude de faisabilité ;
  • Enfin, appréhender les aspects économiques de l’insertion des énergies renouvelables intermittentes dans les marchés concurrentiels de l’électricité.

Face au retard que ne cesse d’accumuler le Niger dans le secteur, la formation s’avère être un levier indispensable pour pallier le manque d’information sur les ressources énergétiques solaire qui constitue un obstacle majeur à l’investissement et rend difficile l’élaboration de propositions de projets solides. En outre, les diplômes obtenus à l’issue de la formation permettraient de pallier l’insuffisance d’opportunités pour les jeunes. D’autant plus que l’incidence du chômage est plus marquée chez les jeunes, avec un taux de chômage de 23,7% pour la tranche d’âge des 15-29 ans. Puisque le développement de projets, la construction et l’installation concernant toutes les technologies qui font appel aux énergies renouvelables ont un important potentiel de création d’emplois. Enfin, à long terme, l’ambition portera sur la maitrise de la chaîne de valeur que le secteur des énergies renouvelables comporte, au nombre de quatre grands volets : la fabrication et la distribution du matériel, le développement de projets, la construction et l’installation, le fonctionnement et la maintenance.

Ibrahim ADAMOU LOUCHE

Economiste

@ibrahimlouche

Niger Inter Hebdo N°73