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Rapport Général Public 2021 de la Cour des Comptes Mme Hadiza Kafougou, une ministre qui traine des casseroles !

Le Conseil Nigérien des Utilisateurs des Transports publics (CNUT) se compte parmi les Etablissements Publics à caractère Industriel et Commercial (EPIC) ayant été contrôlé par la Cour des Comptes au titre des exercices 2016 à 2018. Pendant cette période, le CNUT était dirigé par M. ISSOUFOU Oumarou (1er janvier 2016 au 1er août 2016) et Mme DAOURA Hadiza KAFOUGOU (02 août 2016 au 31 décembre 2018). Selon la Cour, « l’objectif global du contrôle effectué est d’examiner la régularité et la sincérité des opérations de gestion et d’apprécier les résultats atteints au regard des missions confiées à l’organisme ».

Ainsi, du contrôle effectué, notamment sur la régularité et la sincérité des opérations de gestion, la Cour a relevé d’importants manquements dans la gestion de cet EPIC, allant des « dysfonctionnements » qui ont provoqué d’importants manques à gagner, évalués à plusieurs milliards de Fcfa. Ces dysfonctionnements portent pour l’essentiel sur « la faible mobilisation des cotisations des membres » ; « le défaut de facturation de certains véhicules manifestés sur le Niger à partir de la représentation de Cotonou » ; « le défaut de facturation au titre de la redevance portuaire de plus d’une centaine de conteneurs » ; « le défaut de facturation au titre de la commission armatoriale, etc. ».

La Cour a également relevé une majoration de la rémunération mensuelle du DG en violation des textes qui régissent le fonctionnement du CNUT. Une situation qui a engendré, selon la Cour des Comptes, « un trop perçu sur salaires au profit de la Directrice Générale d’un montant cumulé de 6, 92 millions de francs CFA, de juillet 2016 à décembre 2018 », ajouté au « paiement de salaire du mois de juillet 2016 à la Directrice Générale entrante d’un montant de 2, 46 millions de francs CFA, alors que la cessation de service du DG sortant datait du 02 août 2016 ».

Autre aberration constatée par la Cour, lors de ce contrôle, « le recrutement direct en Contrat à Durée Indéterminée (CDI), d’un Directeur des Affaires Administratives et Juridiques (DAAJ) et son classement à la catégorie C3, correspondant au niveau BAC +5 ans de la grille de classification catégorielle du personnel du CNUT, sous réserve de fournir un diplôme en gestion des ressources humaines prouvant son classement ». Selon la Cour, « ce diplôme n’a jamais été fourni » et le contrat de travail qui devait lier le CNUT à la personne sus indiquée est « resté non signé par les deux (2) parties ».

En dépit de toutes ces irrégularités, « l’intéressé a même bénéficié d’un avancement au grade en 2018 », en violation de la grille des classifications du CNUT, ce qui a engendré, là aussi, « un trop perçu sur salaire d’un montant cumulé de 0,47 millions de francs CFA pendant la période contrôlée ». A tous ces manquements, est venu se greffer celui relatif à l’existence d’un système d’annulation de factures que la Cour a jugé « non fiable ».  À ce niveau, la Cour a relevé que le montant cumulé des annulations opérées par le CNUT, sans raison valable, au cours de la période 2017 à 2018, s’élève à « 247,12 millions de francs CFA » de manques à gagner.

Pour ce qui est de « l’exécution de dépenses non éligibles ou sans base légale », le contrôle exercé par la Cour des Comptes a fait cas « des dons, des appuis financiers et en nature ainsi que des cadeaux dont les bénéficiaires n’étaient pas, dans certains cas, identifiés ».

Sur la période contrôlée, indique le rapport de la Cour des Comptes, ces dépenses sont d’un « montant total de 972, 11 millions de francs CFA dont 150 millions de francs CFA au profit de la tutelle (soit 50 millions de francs CFA par an) et 466, 26 millions de francs CFA en guise de cadeaux aux partenaires ; – du paiement d’un montant de 15,56 millions de francs CFA de frais de mission, entre 2016 et 2018, à des personnalités ne faisant pas partie du personnel du CNUT, notamment le Ministre des Transports, le Secrétaire Général et le Directeur de Cabinet dudit ministère, ainsi que le PCA du CNUT ; – de la dotation mensuelle en carburant de 1, 55 millions de francs CFA à la Directrice Générale, pour des véhicules à usage personnel, ainsi que deux (2) dotations mensuelles en carburant, l’une de 25 000 francs CFA et l’autre de 75 000 francs CFA par directeur, en violation de la grille des indemnités adoptée par le CA du 13 janvier 2015, qui fixe l’indemnité de transport pour les directeurs à « un véhicule fourni ou 75 000 francs CFA ».

Poursuivant son contrôle, la Cour a constaté que « le CNUT a réceptionné trois (3) véhicules d’occasion d’un montant de 64, 86 millions de francs CFA TTC, en lieu et place de véhicules neufs, objet du contrat n° 0001/CNUT/DG/DAAJ, dont deux (2) présentent des spécifications techniques différentes de celles décrites dans la commande ». Et c’est en dépit de la mention « non conforme » dans le procès-verbal y relatif, que le CNUT a procédé à la réception de ces véhicules », informe le Rapport Général Public 2021 de la Cour des Comptes.

Autre trouvaille faite par la Cour pendant son contrôle, c’est la conclusion par le CNUT, de « contrats pour maintenance informatique avec une personne légalement non autorisée » à qui le CNUT a payé, au cours de la période sous revue, « le montant de 143, 15 millions de francs CFA ».

Pour la quasi-totalité des irrégularités relevées dans la gestion de cet Etablissement Publics à caractère Industriel et Commercial, le CNUT était dans l’incapacité de justifier toute la gabegie commise dans la gestion des fonds publics. Et même pour les cas dont le CNUT a tenté de justifier ses impairs, ses réponses n’ont pas du tout convaincu la Cour des Comptes qui a d’ailleurs maintenu toutes ses observations avant de formuler ses recommandations.

Au regard de l’ampleur des fautes commises dans le fonctionnement et la gestion de cet Etablissement ayant eu pour conséquences, un important manque à gagner chiffré à plusieurs milliards de Fcfa, la dilapidation des deniers publics, le favoritisme, le clientélisme ou encore la rupture d’égalité de chance entre les citoyens, il importe aux autorités compétentes de tout mettre en œuvre pour rétablir l’Etat dans ses droits.

Dans un gouvernement où des ministres traînent des casseroles selon la plus haute institution de contrôle de gestion, autant dire que le premier magistrat a de soucis à se faire par rapport à sa promesse d’asseoir une gouvernance vertueuse. D’aucuns estiment que le rapport de la Cour des comptes étant transmis au Chef de l’Etat, nul doute qu’il saura se démarquer des ministres ripoux dans l’optique de la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale. Wait and see.

Oumar Issoufa

Niger Inter Hebdo N° 65 du 31 Mai 2022