Médicaments de la rue : Ces produits qui tuent à petit feu

La consommation des médicaments de la rue, des produits qui seraient en grande partie des faux médicaments, n’est pas sans risque sur la santé des populations. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 30 à 70% des médicaments vendus en Afrique, sont contrefaits ». En somme, des faux médicaments qui sont vendus à la sauvette dans la rue, tuant plus de « 800 000 personnes par an », selon la même source.

L’exposition, la vente et la consommation des médicaments vendus à la sauvette, au bord de la rue ont, de nos jours, pris une proportion inquiétante. À Niamey comme partout ailleurs en Afrique, sur les étals au marché, à la sauvette et même dans les stores, ces médicaments, généralement en forme de génériques, se vendent comme de petits pains. Tel un poison, ils tuent à petit feu et cela sans que l’on ne s’en rende compte.

Certes en la matière, chacun a sa propre vision de la chose, à l’instar de Sani, jeune portefaix au marché Dollé de Niamey pour qui, les médicaments de la rue sont à la portée des petites bourses, donc plus accessibles à ceux qui sont vendus à la pharmacie. Sani, tout comme ceux qui utilisent ces médicaments ignorent bien évidemment leurs conséquences sur la santé humaine.

Parlons donc des causes de ce fléau ainsi que des dangers auxquels l’on s’expose en consommant les médicaments de la rue.

Les raisons qui sont souvent avancées

Selon Dr Aliou Amadou Maiga, président du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens du Niger (CNOP), « les motivations qui poussent une bonne partie de la population vers la consommation des médicaments de la rue, sont liées de prime abord, à la pauvreté. Plus l’on manque de moyens, plus on préfère ce qui est peu onéreux, sans toutefois songer aux effets néfastes d’un tel produit dont la qualité est généralement douteuse ».

Par ailleurs, souligne-t-il, « il y a aussi le coût des traitements des maladies chroniques qui demeure élevé par rapport au pouvoir d’achat des populations qui trouvent du coup, plus abordable le prix de ces médicaments vendus dans la rue ».

Dr Aliou Amadou Maiga relève aussi l’ignorance de la population sur les conséquences de ces produits sur leur santé, ajoutée à un laisser-aller des autorités compétentes.

De ce fait, un double challenge se présente vis-à-vis des autorités sanitaires compétentes qui doivent à la fois lutter contre le fléau, mais aussi sensibiliser les populations sur les dangers liés à la consommation des médicaments de la rue.

Même s’il ne faut pas obnubiler la principale cause du problème qu’est la pauvreté, cela ne saurait justifier cette ruée vers ces médicaments de la rue. C’est pourquoi, explique Dr Aliou Amadou Maiga, « les spécialistes déconseillent vivement une automédication à partir de faux médicaments achetés dans la rue et exposés au soleil, à la chaleur et à la poussière ».

Dangers liés aux faux médicaments

L’organisation Mondiale de la Santé (OMS) indique que « les médicaments de la rue ne sont pas susceptibles de traiter ni de prévenir les maladies ». Pour l’usage de ces médicaments, les plus exposées sont les personnes vulnérables, notamment les mères et les enfants. Pour Dr Aliou Amadou Maiga, les dangers de la consommation des médicaments de la rue sont nombreux. Il parle d’intoxication liée à la consommation de faux médicaments, l’insuffisance rénale, hépatique et cardiaque ainsi que la résistance aux traitements antibiotiques et antiviraux. À ceux-là, s’ajoute la toxicomanie, la perte des vies humaines, la dépendance aux drogues, la délinquance juvénile et par ricochet, l’insécurité qui représente tous un véritable danger public.

Que faire alors pour lutter contre le fléau ?

Pour lutter contre le fléau des médicaments de la rue, le président du Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens du Niger, Dr Aliou Amadou Maiga, invite l’État à prendre ses responsabilités, tout en garantissant « un minimum de service de santé aux populations vulnérables », sans toutefois oublier l’application par l’État, des règles de droit liés à la vente et à la détention des produits pharmaceutiques.

Il a en outre exhorté l’État à s’impliquer davantage dans la lutte contre la corruption liée au trafic des médicaments avec les députés nationaux, les douaniers, les médecins et les pharmaciens.

Du reste, il convient de souligner que les professionnels de la santé que sont les pharmaciens, les médecins et ou les aides-soignants, sont les seuls habiletés à prescrire un traitement pour soigner une quelconque maladie. Passer outre ce conseil, « l’on s’expose à une automédication des faux médicaments avec à la clé, des conséquences néfastes sur la santé publique.

Koami Agbetiafa

Niger Inter Hebdo N°55 du mardi 14 février 2022