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Gavage des femmes et des enfants : Des risques potentiels sur la santé

Au moment où la tendance vers une alimentation saine est beaucoup plus préconisée par les médecins nutritionnistes, le gavage des femmes et des enfants est encore une réalité dans certains endroits au Niger. Cette pratique traditionnelle qui consiste à ingurgiter ou consommer un excès d’aliments dans le ventre pour avoir une certaine rondeur, n’est pas sans conséquence néfaste sur la santé humaine.

Beaucoup semblent l’ignorer et pourtant la pratique du gavage existe bel et bien. À l’instar d’autres pays d’Afrique, le gavage se pratique encore aujourd’hui chez des femmes et des enfants au Niger, en dépit des risques encourus. Même si l’objectif recherché est de s’offrir une forme potelée, grosse, symbole de ‹‹ beauté africaine ››, dit-on, les médecins font savoir que ses effets néfastes sont aussi graves sur la santé humaine et peuvent conduire jusqu’au décès de la personne.

Selon Madame Issa Fatimé Elhadji Daouda, Secrétaire Exécutive du CONIPRAT, Comité Nigérien sur les Pratiques Traditionnelles Néfastes, la pratique du gavage des enfants se déroule notamment dans les régions de Dosso et Tillabéry vers le Gourma, tandis que dans la région de Tahoua, c’est beaucoup plus le gavage des adultes, femmes mariées et jeunes filles qui se pratique.

Une pratique aux origines traditionnelles

Le gavage des femmes et des enfants se pratique généralement en milieu rural. Chez l’enfant ou le bébé qui n’est même pas encore sevré, la pratique du gavage consiste à lui faire consommer par force, à l’aide d’une louche creuse en calebasse ou en plastique ou carrément avec la main, une grande quantité de substance liquide ou de la bouillie.

Le but c’est de l’obliger à l’avaler en pinçant son nez. Ce faisant, l’on force  l’enfant à ne respirer que par la bouche. Malgré les sensibilisations menées par le CONIPRAT, certaines mères continuent à l’appliquer à leurs bébés, notamment dans la région de Dosso et Tillabéry au Sud-ouest du Niger.

L’autre gavage qui se pratique toujours en milieu rural dans la région de Tahoua, est celui des jeunes filles et des femmes mariées. Là, il est surtout question de ‹‹ se faire belle et bien potelée pour le mari ››, nous renseigne la Secrétaire exécutive du CONIPRAT, Madame Issa Fatimé Elhadji Daouda. Et pour susciter la jalousie de leurs coépouses, ‹‹ certaines femmes n’hésitent pas à se gaver même avec des vitamines, ignorant les inconvénients ››, raconte  Madame Issa Fatimé Elhadji Daouda.

Pour la petite histoire, relate-t-elle, il existe également des spécialistes en gavage, notamment en milieu rural chez qui les parents amènent leurs enfants, filles en particulier, pour leur faire gaver.

Effets néfastes sur la santé

Selon la Secrétaire Exécutive du CONIPRAT, la pratique du gavage a beaucoup d’inconvénients sur la santé des enfants, des jeunes filles et des  femmes mariées qui le font avec toutes les complications majeures qui en découlent. ‹‹ Elle conduit à une fausse route chez l’enfant, ce qui entraîne des détresses respiratoires sévères, voire la mort ››, explique Madame Issa Fatimé Elhadji Daouda.

Car le fait de forcer l’alimentation de l’enfant et surtout le contenu de ces aliments généralement très toxiques pour son foie et  son tube digestif, cela  peut causer complications jusqu’à sa mort.

D’autres effets néfastes tels que la pneumonie, la mort subite par asphyxie et des brûlures de la région péri-buccale, peuvent également survenir, apprend-on.

D’après les explications de la Secrétaire Exécutive du CONIPRAT, il arrive parfois que les mères gavent leurs bébés ou enfants malnutris avec des décoctions afin de leur  susciter de l’appétit.

De l’avis des nutritionnistes, une pratique qui peut provoquer l’intoxication de l’organisme chez l’enfant et la femme doit être évitée.

Le gavage est aussi à l’origine de problème de malnutrition chez l’enfant. Ce qui est curieux, s’étonne Madame Issa Fatimé Elhadji Daouda, beaucoup ignorent même la provenance et le contenu des aliments qu’elles utilisent pour gaver leurs enfants. Un vrai danger pour l’enfant que beaucoup ignorent encore.

Chez la jeune fille ou la femme mariée, les effets néfastes du gavage peuvent aller jusqu’à l’obésité, conséquence logique, ensuite le diabète, l’ulcère et aussi l’hypertension artérielle lorsque la femme va devenir obèse et des problèmes respiratoires chez les personnes âgées. Malheureusement, en Afrique, le concept du gavage est souvent encouragé par certains hommes ou maris qui pensent que la beauté de la femme africaine est celle-là qui possède une forme ronde, potelée et grasse, pour attirer l’attention de son mari.

Nécessité d’abandonner cette pratique néfaste

Pour Cheick Elhadj Oumarou Bachir dit Oustaz Bachir, ‹‹ l’Islam est contre la pratique du gavage, toute pratique qui va à l’encontre du bien-être de l’être humain ››. Et d’ajouter le verset 195 du chapitre La Vache du saint Coran, je cite: ‹‹ Ne vous jetez par vos propres mains dans la destruction  ››. La pratique traditionnelle du gavage affecte la corpulence de la femme et de l’enfant, avec toutes les conséquences néfastes possibles sur leur santé. L’islam déconseille également le gaspillage de sorte qu’en tout l’islam recommande le juste milieu, selon le prédicateur.

Grâce aux multiples sensibilisations menées par le CONIPRAT, Comité Nigérien sur les Pratiques Traditionnelles Néfastes, plusieurs mères ont commencé à comprendre le danger de la pratique et parmi elles, des mamans qui ont perdu leurs enfants à cause du gavage. Déjà, dit-elle, beaucoup ont conscience du danger de cette pratique.

En sa qualité d’agent de santé, la Secrétaire Exécutive du CONIPRAT qui à plusieurs reprises, a été témoin des cas de décès de bébés ayant subi du gavage de la part des mères, estime qu’il faut nécessairement ‹‹ abolir cette pratique du gavage ››, puisqu’elle est néfaste à la santé.

Koami Agbetiafa

Niger Inter Hebdo N°74 du mardi 9 Aout 2022