Saouna Inoussa, acteur de la société civile

Entretien : Saouna Inoussa répond aux questions brulantes d’actualité

« Les nouveaux ‘’wokistes’’ à la Nigérienne tentent encore d’exploiter les attaques terroristes et les récents évènements de Téra. Mais le peuple nigérien comme par le passé est assez averti », déclare l’acteur de la société civile Saouna Inoussa

Niger Inter Hebdo : Le samedi 27 novembre dernier, il y a eu une manifestation à Téra pour empêcher le passage du convoi militaire français en partance sur Gao. Il y a eu malheureusement 3 morts. Quelle est votre réaction par rapport à cette situation ?    

Saouna Inoussa : Je vous remercie de l’occasion que vous me donnez  de me prononcer sur des questions d’actualité dans notre pays. Avant toute chose, je m’incline devant la mémoire de ces jeunes innocents qui sont morts et je condamne fermement cette bavure. Cette situation est le couronnement d’une campagne d’intoxication alimentée à travers les réseaux sociaux. En effet, depuis le départ du convoi de ravitaillement de la Côte d’Ivoire en direction de Gao au Mali via le Niger, une folle rumeur conspirationniste tendant à faire croire que ce convoi à pour but d’aller renforcer les terroristes en armement, a largement été répandue.

Une situation qui a fortement été entrevue, y compris par des individus supposés éclairés. Naturellement, au vu de la recrudescence des attaques tant au Burkina Faso qu’au Niger et cela malgré la présence des forces françaises mais aussi des autres puissances, les populations ont mordu facilement à cette manipulation.

C’est ainsi que nous avons assisté à une manifestation à Kaya au Burkina durant plusieurs jours pour bloquer le passage de ce convoi. Après des négociations et explications, le convoi a pu pendre sa route. Au même moment au Niger, d’autres agitateurs ont pris le relais à travers toujours les réseaux sociaux pour propager les mêmes idées complotistes sur la ‘’fureur anti française’’.

C’est ainsi qu’on a alimenté une autre rumeur faisant croire à la création d’une nouvelle base militaire française à Dosso. Cela juste pour jeter l’huile sur le feu et à Dosso, d’autres opportunistes se sont saisi de ce mensonge pour organiser une déclaration dite anti base française, complètement imaginaire.

Au vu de toute cette campagne d’intoxication, il fallait donc  s’attendre à un mouvement de protestation, une fois ce convoi sur le territoire nigérien. C’est pourquoi, je pense humblement que les autorités locales ont failli, car elles devraient prendre des mesures idoines pour prévenir et éviter tout débordement.

Niger Inter Hebdo : D’aucuns disent que cette manifestation est spontanée. Qu’en pensez-vous ?

Saouna Inoussa : A première vue, on peut penser qu’il s’agit d’une manifestation spontanée de jeunes. Cependant, quand on voit la logistique utilisée comme par exemple les cocktails molotov, on se rend compte q’il ne s’agit pas d’une manifestation spontanée. Vous pensez vraiment que les cocktails molotov sont fabriqués à Téra ? Moi, je ne le pense pas. Selon plusieurs sources, des bus de transport ont quitté Niamey, remplis des jeunes et d’autres véhicules privés contenant les cocktails Molotov ayant servi aux manifestants pour bloquer le passage du convoi. C’est pourquoi, une enquête est plus que nécessaire pour situer les responsabilités.

Niger Inter Hebdo : A en croire certains, les autorités et les FDS ne font pas assez pour rétablir la situation sécuritaire à Tillabéry.

Saouna Inoussa : Le terrorisme est un phénomène nouveau dans notre pays. Cette guerre asymétrique a été imposée à notre pays à la suite de plusieurs situations que vivent également des pays voisins.  Je ne suis pas stratège militaire mais ma petite expérience du cas de Diffa me permet de vous dire que c’est parce que le Nord du Mali est occupé par les terroristes que la région de Tillabéry est aujourd’hui le théâtre de toutes ces attaques meurtrières qui endeuillent la région. Tant que l’Etat malien ne maitrise pas ses frontières avec le Niger, nous allons faire face à ses terroristes de manière durable et ce, malgré l’engagement de nos forces sur le terrain, y compris les partenaires.

L’autre problème est aussi l’enrôlement de nos jeunes désœuvrés de cette région dans les contingents. Nomades comme sédentaires, toutes les ethnies du nord Tillabéry sont concernées. C’est exactement la même chose dans la région de Diffa depuis 2013 quand Boko Haram occupait la frontière avec Niger.

Les terroristes de Boko Haram ont pu mener plusieurs attaques occasionnant de nombreux morts militaires et civils. A Diffa aussi, beaucoup de jeunes, pour des raisons économiques liées à l’abandon de la production du poivron ont rejoint le groupe Boko Haram. Heureusement, avec la montée en puissance du Nigéria depuis quelques années et nos forces armées, la situation est de plus en plus maîtrisée.

La paix est en train de s’installer progressivement. Il faut aussi noter une nette collaboration de la population avec nos forces de défense et de sécurité. Le bruit actuel entretenu par des marchands d’illusions, qui par opportunisme, soufflent sur chaque braise qui apparaisse pour se faire valoir et tenter de soulever les populations.

Les nouveaux ‘’wokistes’’ à la Nigérienne tentent encore d’exploiter les attaques terroristes et les récents évènements de Téra. Mais le peuple nigérien comme par le passé est assez averti. Tous ces ‘’consultants‘’ qui sont sortis des buissons vont se désillusionner très bientôt. Il faut avoir confiance à nos forces de Défense et sécurité et il faut se souder autour du Président de la République et du gouvernement. La sécurité est un sujet qu’il faut sortir de la manipulation politique et du populisme.

Niger Inter Hebdo : Le mouvement Tournons La Page (TLP-Niger) qui semble prendre la tête du mouvement anti base française au Niger a un mode de fonctionnement unique à son genre. D’aucuns disent que ses animateurs sont financés un peu partout en Afrique dans un but subversif ?

Saouna Inoussa : Tournons La Page, créée en octobre 2014, était d’abord une campagne internationale visant à interpeller la communauté internationale sur l’absence d’alternance démocratique et les risques de modifications constitutionnelles par des dirigeants africains souhaitant se maintenir au pouvoir. Aujourd’hui, il est devenu un mouvement dont le but est justement de se battre pour une alternance démocratique. C’est très bien comme mission.

Mais le plus grand paradoxe au Niger, regarder qui est le représentant de ce mouvement ? Eh bien, c’est un des plus grands et zélés artisans de la modification de la Constitution pour permettre à l’ancien président de la République du Niger, Tandja Mamadou, de se maintenir au pouvoir.

Rien que cette représentation permet à suffisance de comprendre que c’est tout le contraire de sa mission que son représentant a récemment joué comme rôle dans notre pays. Alors où est le sérieux ? D’autre part en 2021, notre pays a connu pour la première de son histoire, une alternance démocratique célébrée par toutes les grandes organisations sérieuses de promotion de la démocratie au monde. Cette alternance dis-je, constitue une des missions de cette organisation. Mais au niveau local, c’est tout le contraire que ses animateurs ont fait. Ils ont passé tout leur temps à pourfendre le Niger et à se maintenir dans la dénégation sur cette avancée importante de notre démocratie. Mon avis est que les structures comme Tournons La Page constituent des succursales de captation de fonds de certains bailleurs naïfs qui n’ont pas suffisamment d’informations sur l’usage qu’on fait de leurs ressources. C’est cela qui justifie leur présence sur des sujets comme la situation sécuritaire dans le but d’avoir une présence médiatique qui les met à la Une de l’actualité, justifiant ainsi les fonds captés. C’est pourquoi, à mon avis, il faut comprendre que ces acteurs jouent un petit jeu. Toute tentative de les arrêter serait une aubaine pour eux d’arnaquer encore davantage les bailleurs innocents sous prétexte qu’ils sont en danger. Ils sont conscients de ce gain médiatique en leur faveur, c’est pourquoi ils excellent dans des excès et provocation à l’encontre des pouvoirs publics.

Propos recueillis par Tiemago Bizo

Niger Inter Hebdo N°46 du Mardi 14 Décembre 2021