La fonction publique nigérienne n’a pas bonne presse. Pour cause : ses différentes affaires scandaleuses dans l’organisation des examens et concours. Que de concours frauduleux annulés et par ricochet des dommages à l’encontre de l’Etat et des honnêtes citoyens qui n’attendent que du licite émanant de la sueur de leur front. Ils sont légion ces concours annulés, truqués ou fraudés à l’actif de la tristement célèbre Direction des Recrutements des Agents de l’Etat (DRAE) du Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative.
Le dernier cas qui défraie la chronique c’est très certainement le Concours Direct pour le compte du ministère de la santé publique. Cette affaire louche révélée par la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et Infractions assimilées (HALCIA) dont le premier épisode du procès est déjà connu. En effet, apprend-on, du tribunal des grandes instances de Niamey, le Directeur général du ministère de la fonction publique (DGMFP/RA) vient d’écoper de trois (3) ans de prison ferme, le Directeur des recrutements (DRAE) également 3 ans, l’assistant du DRAE 3 ans, la Secrétaire du Dg un an six mois avec sursis et Rachida chef du personnel du ministère des mines deux ans d’emprisonnement et 100 000 f d’amende pour chacun.
L’on peut se demander que vient faire cette Rachida du ministère des mines dans cette affaire ? Rachida a joué un rôle important puisque c’est par elle que rentre le nerf de la guerre : l’argent et les actes de cession des parcelles des candidats ou leurs parrains. Et Rachida qui n’est pas à son premier coup d’essai dans les affaires scabreuses, a eu la malchance de faire face au même juge qui l’a déjà condamnée à Agadez dans une autre affaire de corruption.
Recrutement des 452 agents, un cas de pourrissement avancé
Dans cette série de scandales saison X ou affaires louches de notre fonction publique, nous avons eu accès au procès-verbal de la délibération du concours de recrutement direct de quatre cent cinquante-deux (452) agents de la fonction publique pour le compte du Ministère de l’Economie et des Finances du 11 au 12 janvier dernier. Il faut noter que cette délibération était également placée sous la présidence du Directeur du Recrutement des Agents de l’Etat (DRAE) du Ministère de la Fonction Publique.
Selon le procureur de la République Chaibou Samna, évoquant les fraudes dans le concours du ministère de la santé, sur toute la ligne c’est justement au niveau de la délibération qu’on avait constaté des défaillances. Juste une parenthèse.
Le concours en question s’est déroulé le samedi 05 décembre 2015 et a été conjointement organisé par le Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative (MFP/RA) et le Ministère de l’Economie et des Finances. Le hic c’est que cette délibération cache également des monstruosités révoltantes.
A l’épreuve des faits, la comparaison entre les notes réelles des candidats et celles qui leur ont été octroyées au finish révèlent un déphasage ahurissant. Des exemples ? Parmi les déclarés « admis par ordre de mérite » l’on peut observer : l’anymat A202 ayant comme notes réelles 13 et 04,5 s’est retrouvé au finish avec 15 et 12 ; l’anonymat A62 est passé de 09 et 09 notes réelles à 13,25 et 13 ; l’anonymat A143 est passé de 16 et 05 à 18 et 17,5 ; l’anonymat A236 est passé de 08 et 00 à 17 et 16,25 ; l’anonymat A288 est admis de 13 et 00 à 15 et 17 ; l’anonymat AS168 est passé de 02 et 05 comme notes réelles à 17 et 16 ; l’anonymat AS204 est passé de 01 et 04 notes réelles à 14,50 et 16 etc.
C’est juste un aperçu des affaires troubles de notre fonction publique où ce jury s’est permis honteusement de falsifier les notes réelles des candidats en leur attribuant des notes qu’ils ne méritent pas juste parce qu’ils avaient des bras longs. C’est également un simple échantillon du mode opératoire des sélectionneurs de la fonction publique. La putréfaction au sein de nos commis à col blanc était telle que des candidats qui n’avaient jamais concouru se sont retrouvés avec des notes fantaisistes de 17/20 comme l’a dénoncé récemment le procureur de la République dans le cadre du concours du ministère de la santé publique.
Dans la même affaire, c’était sans gêne que l’assistant du Directeur du recrutement (DRAE) a eu le culot de révéler au juge comment il avait cyniquement supprimé de la liste d’admis 11 candidats méritants pour les remplacer par des non-méritants à bras longs. Les dix (10) c’était une liste à lui confiée par son supérieur et il a cru bon de rajouter son parent comme onzième, racontait-il, pathétique et honteux au procès. Mais dommage pour lui, le juge l’a condamné lui et son directeur à la même peine à savoir 3 ans d’emprisonnement ferme et 100 000 f d’amende. Au cours du même procès, il est établi que des gens utilisent des gros moyens (argent liquide, actes de cession des terrains) pour se faire recruter.
Et aussi, the last but not the least, il était question de trafic d’influence à savoir ces fameuses listes des personnalités. Le DG de la fonction publique a eu le culot tout de même de citer des noms des personnalités qui avaient des listes. Mais il devait assumer le principe d’imputabilité par manque de preuves. En effet, depuis l’affaire MEBA, cet autre scandale contre l’école nigérienne sous la 5ème République, les nigériens ont vu les limites de notre arsenal juridique. Comment justement dans l’ordre normal des choses un cadre pourrait-il résister à l’interventionnisme des uns et des autres face à certains leaders véreux qui n’hésiteraient pas à faire du chantage aux cadres promus ? Comment justement Monsieur le procureur est-il possible d’exiger des signatures de tous ces bras les uns plus longs que les autres sur toute la ligne d’organisation d’un concours ?
Pourtant à un de ses points de presse, nous avons entendu le procureur de la République évoqué la loi réprimant le trafic d’influence et la peine y afférente. Alors pourquoi justement ne pas procéder à la confrontation pour la manifestation de la vérité à savoir qui a fait quoi et avec qui ? Autant l’assistant du Dg de la fonction publique affirme avoir reçue la liste du Dg autant ce dernier soutient avoir des instructions de ses supérieurs.
On le voit, c’est un véritable casse-tête chinois que constituent ces affaires louches de la fonction publique depuis des décennies. Un problème réel qui interpelle nos magistrats. A quoi bon si on n’arrive pas à attaquer le mal de notre fonction publique à la racine. Plus d’un citoyen se demande si l’affaire du ministère de la santé est à son épilogue avec ce menu fretin ? Si le président de la République donne la latitude à la HALCIA et à la justice d’agir alors pourquoi tant de bruit pour si peu ?
Il est encore permis d’espérer le coup de massue nécessaire de la justice nigérienne pour assainir notre fonction publique. Le procureur de la République dispose présentement de toutes les cartes maitresses, dit-on. A lui donc de jouer franc jeu. Sinon face au pourrissement de la situation, si la justice est incapable d’aller jusqu’au bout alors ne soyons pas étonnés dans quelques années de voir des boulangers opérer dans nos centres de santé. Un monde à l’envers.
Elh. M. Souleymane