Issoufou Mahamadou : La rançon du succès

Il y a un homme politique qui, du fond de son retranchement, observe avec un certain amusement, toute cette controverse politique au sujet du PNDS-Tarayya, et particulièrement de son ancien président et ancien Président de la République, Issoufou Mahamadou. Cet homme, est bien Mahamane Ousmane, ancien président du parti politique CDS-Rahama et ancien Président de la République. Mahamane Ousmane connait bien cette vague d’agitations avec véhémence contre l’ancien Président de la République, Issoufou Mahamadou, et il sait d’où elle vient.

C’est sûr lui qu’elle a commencé à s’abattre après son élection au pouvoir en 1993, mais pas pour longtemps. « Empereur Vert », « Nafarko premier », ce sont-là quelques sobriquets ironiques et moqueurs que les jeunes militants de l’opposition MNSD-Nassara à l’époque, ont utilisé pour désigner le Président de la République de l’époque.

Qu’est-ce que Mahamane Ousmane n’a pas essuyé comme humiliation. Son parti CDS-Rahama était quasiment présenté comme le temple du régionalisme. Sous la cohabitation, lorsque Hama Amadou est arrivé à la primature, l’expression de la haine contre Mahamane Ousmane s’était décuplée, la violence sur ses militants sans limite, particulièrement avec cette chasse aux sorcières où l’ensemble des cadres CDS installés aux hautes fonctions vont être jetés dans la rue, poursuivis et jetés à terre après un Conseil des ministres, présidé par le Premier ministre Hama Amadou, en lieu et place du Président de la République, Mahamane Ousmane.

Ce jour-là, les cadres CDS sont tous remplacés par les cadres du MNSD, le parti de Hama Amadou. Cette animosité et ce harcèlement est rentré dans l’histoire avec cette phrase lapidaire d’un autre ancien Président de la République, Tandja Mahamadou, à l’époque président du MNSD qui, sur une chaîne de radio internationale, a déclaré ceci :  » zomon zamani saï karen zamani » qui veut dire en français « Hama est le châtiment qu’il faut pour un homme comme Mahamane Ousmane ».

En termes de châtiment ultime, le MNSD-Nassara finira par renverser le régime de Mahamane Ousmane, premier Président démocratiquement élu en 1993. Il n’est même pas resté trois ans au pouvoir. En 1997, Baré Maïnassra qui a fait le putsch décide de rester au pouvoir en organisant des élections qu’il va remporter. Le MNSD-Nassara ne le lui pardonnera jamais. En 1999, il perd la vie dans un coup d’État qui l’a renversé à moins de trois ans de son mandat.

Aux élections de 1999, c’est ce traumatisme qui a forcé Mahamane Ousmane à une alliance électorale avec le MNSD-Nassara. Pour Mahamane Ousmane, la seule garantie pour ne pas être renversé, il faut être avec le MNSD de Hama Amadou. Aux élections de 1999 et 2004, Mahamane Ousmane ne bouge plus du MNSD. Aux termes de deux mandats du MNSD, Mahamane Ousmane a assis ses convictions: l’homme fort du MNSD ne reste jamais longtemps à l’opposition, car il ne tolère pas un autre homme au pouvoir.

Les statistiques de Mahamane Ousmane

Le Président Tandja n’a pratiquement rien fait aux populations tout au long de ces deux mandats à la tête du pays qu’il a laissés entre les mains de son Premier ministre, Hama Amadou. C’est à cette époque que les nigériens ont lancé le slogan « Tandja na kwana, Hama na sata ». Qui veut dire en français « pendant que Tandja dort, Hama organise la mise à sac du pays ». Parce qu’à l’époque, tous les ministères montent des dossiers d’appel d’offres et ce sont les commerçants MNSD, proches de Hama Amadou qui sélectionnent à leurs comptes les marchés les plus juteux, quand de fois ce ne sont pas eux-mêmes qui proposent des marchés adossés aux ministères, des marchés qui, pour la plupart, font l’objet de décaissement alors qu’aucune livraison n’a été effectuée. Sur la place d’un grand commerçant de Niamey où nous avons mené des investigations, le commerçant nous a confirmé qu’ils viennent tous (les commerçants politiques) pour lui demander juste sa signature pour aller décaisser, et qu’il n’a besoin de faire aucune fourniture. Ce qu’il a toujours refusé, préférant leur proposer des marges de profits mais sur un vrai marché. Il n’est jamais disposé à coopérer dans un faux marché sans livraison. Tous les deux mandats de Tandja sont passés dans « les affaires », telles que les affaires « Zeinab », « riz japonais », « fonds d’aide à la presse », « MEBA », « Fausses commandes de la Sonitel », « affaire Petit Boubé et les commandes des équipements miliaires », « faux marché du ministère de la santé », « affaire OPVN », « Génie militaire », « CNUT », « Nitra et affaire magasins sous douane », entre autres.

Tandja qui a fait un passage à vide tout au long de ses deux mandats va vouloir se rattraper. Il va s’éloigner de son Premier ministre Hama Amadou qu’il va finir par jeter en prison sur une affaire de détournement des fonds d’aide à la presse. Par le même coup, Tandja va solliciter un bonus. Aux termes de son deuxième mandat, il obtient une prolongation de trois ans pour réaliser certains grands projets. C’est la fameuse affaire tazarché. Elle va diviser tout le pays. Tandja sera renversé en février 2010 avant les 3 ans qu’il a sollicités.

En 2011, alors qu’Issoufou Mahamadou, candidat du PNDS Tarayya, venait d’être élu Président de la République pour son premier mandat, Mahamane Ousmane statisticien de formation va confier à un diplomate : « dans tous les cas, Issoufou Mahamadou ne restera pas longtemps au pouvoir, parce qu’au Niger, les statistiques ont montré qu’un président élu n’est jamais allé au-delà des trois ans au pouvoir… ».

Mais contre toute attente, contre toutes les statistiques bien établies de Mahamane Ousmane, le président Issoufou Mahamadou va consommer l’intégralité de son premier mandat au pouvoir. Il va rempiler pour un second mandat, et le 22 mars 2016, il est à nouveau élu pour un second mandat qu’il va conduire jusqu’à son terme. Et il va réussir ce que rares hommes politiques ont réussi, l’alternance par son dauphin, un candidat de son parti.

Bazoum Mohamed présenté par Issoufou Mahamadou est élu en février 2021 Président de la République du Niger. En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a toujours échoué à réussir un tel challenge, s’obligeant à des modifications constitutionnelles pour accumuler des mandats. Au Sénégal, voyez ce que dit le magazine Jeune Afrique au sujet de la dernière élection du mois de mars dernier qui a vu l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la tête du pays. « Abdou Diouf et Abdoulaye Wade s’étaient heurtés au même « problème »: si les sénégalais ne veulent plus de vous ou de votre dauphin désigné, malgré votre puissance financière et institutionnelle, malgré vos élus locaux, vos députés, vos grands électeurs soi-disant acquis à votre cause, votre influence supposée sur l’administration ou les corps intermédiaires, la seule issue est…la sortie ».

On dirait que JA parle du Niger où malgré le rejet et l’antipathie des électeurs pour Bazoum, Issoufou Mahamadou a réussi le coup de maître pour le faire accepter par la population. Et cela, c’est de la réussite. Issoufou Mahamadou a pulvérisé toutes les statistiques. Mais les intrigues n’ont pas manqué, les candidats aux putschs sont passés à plusieurs reprises à l’assaut, les intrigues n’ont pas cessé, mais par la grâce d’Allah, toutes les tentatives de renversement d’Issoufou ont été tenues en échec.

Cerise sur gâteau

« Celui pour qui Allah bataille n’a pas besoin de porter les armes », comme le dit un adage du terroir. Imperturbable, calme et visionnaire, Issoufou Mahamadou a porté haut le challenge. Il a survolé les coups d’État mais a réussi aussi là où tous ses prédécesseurs ont échoué, dans les actions de développement. Aucun président ne peut se targuer d’avoir à son actif le volume de réalisations effectuées sous son règne. Le développement du secteur pétrolier, les renégociations de l’exploitation de l’uranium avec Orano, ancien Areva, la démystification de l’ancienne métropole coloniale, la France, en élargissant la gamme des partenaires économiques.

Issoufou Mahamadou est le premier Président à faire entrer les russes au Niger sur le chantier de kandadji. pour certains analystes, il fait figure de précurseur du panafricanisme, en dénonçant la France dans son option miliaire en Libye et plus tard au Mali. Issoufou a réhabilité la fonction présidentielle en déclenchant un vaste chantier de travaux dans différents secteurs, les ponts, les routes, les échangeurs qui ont changé le visage à toutes les grandes agglomérations urbaines du Niger.

Quand en 2019, Ladan Tchiana est parti chercher Hama Amadou qui est rentré au Niger pour les obsèques de sa mère après un long séjour à l’extérieur du pays, Hama Amadou n’a presque pas reconnu l’éblouissante capitale Niamey qu’il a quittée toute tristounette et en grisaille. Le grand bâtisseur a tout bousculé, à Niamey comme dans les autres recoins du Niger.

C’est à ce moment que Hama Amadou a choisi de reverser toute son aversion sur l’homme politique Issoufou Mahamadou. Tous les assauts que Hama et ses légions ont menés contre Mahamane Ousmane se sont à présent redéployés sur Issoufou Mahamadou. Cet homme qui réussit là où lui a échoué devient la bête noire à abattre. Il faut l’abattre, parce qu’Issoufou Mahamadou est un anti système. Nul doute que si le patron du PNDS a fait une présidence terne ou une présidence au rabais, il n’aurait pas attiré les tirs groupés des adversaires politiques en premier lieu, Hama Amadou. Et les jeunes militants de Hama qui l’ont suivi dans son nouveau parti politique après avoir été chassé du MNSD ne seront pas difficiles à convaincre, ils ont accumulé des ressentiments des suites de douleurs, nostalgies des périodes de fêtes auxquelles la gouvernance Issoufou a mis un terme. « Gari yayi tawri », ou « les temps sont durs » est devenu le nouveau cri de ralliement des militants de l’opposition Lumana, proches de Hama Amadou.

En d’autres termes, ces jeunes déplorent la fin de l’argent facile, l’argent ne circule plus. Les faux marchés qui donnaient lieu au pillage du trésor national, le gouvernement d’Issoufou a fermé les robinets, ces jeunes qui, aujourd’hui s’insurgent sur les carrefours et ronds-points de Niamey ont des raisons de s’en prendre à Issoufou, ils sont pour la plupart des enfants de ces amazones qui, couvertes d’or, dansaient tous les weekends et où les maîtres de cérémonie sont les patrons des différentes régies financières du Niger.

Ce sont ces jeunes nostalgiques de l’âge d’or qui manifestent aujourd’hui contre Issoufou Mahamadou. La base militaire américaine ou française, les affaires du ministère de la défense, tout cela n’est que des éléments de langage, mais le fond de la bataille, c’est cette conjuration entre Hama Amadou, l’autorité morale de Lumana qui a choisi de déverser toute son adversité contre une réussite qui le met à nu dans son échec de gouvernance quand il était aux affaires, et dans son échec quand il a lancé aux trousses d’Issoufou, des escouades de candidats aux putschs qui ont tous fini en prison.

Quand il est rentré à Niamey après le putsch du général Tiani, c’est avec l’espoir qu’il allait être sollicité par le CNSP dans la mission de la transition. Ce qui aurait été un tremplin pour faire son travail contre Issoufou Mahamadou. Les militaires l’ont ignoré et de frustration, il est reparti dans son exil de prédilection. De là-bas, il conjugue entre les manœuvres avec les lumanistes sous couvert de la société civile. Avec bien sûr un soutien de taille, la France qui a juré de punir Issoufou Mahamadou.

Ibrahim Elhadji dit Hima