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Ablation de la luette : Mettre fin à une pratique traditionnelle néfaste  

Pratique traditionnelle très ancienne, l’ablation de la luette qui consiste à couper la luette pour évacuer les humeurs du cerveau existe encore dans plusieurs régions d’Afrique, comme au Niger. Quelles sont les raisons derrière cette pratique, en dépit des douleurs provoquées et des risques graves qui en découlent sur la santé des victimes ?

La luette est cette saillie charnue cylindro-conique qui prolonge la partie du voile du palais et qui s’applique sur la paroi postérieure du pharynx, lors de la déglutition. Malheureusement, l’ablation de cet organe charnu est encore présente dans certaines traditions en Afrique, tout comme elle se pratique dans certaines régions du Niger, notamment à Zinder et à Tahoua.

Selon Madame Issa Fatimé Elhadji Daouda, Secrétaire Exécutive du Comité Nigérien de Lutte contre les Pratiques Traditionnelles Néfastes (CONIPRAT), au Niger, la médecine traditionnelle préconise l’ablation de la luette aussi bien pour des raisons médicales que coutumières. Elle se pratique sur les adultes de même que sur les enfants, généralement aux moyens des instruments non stérilisés et avec tout le risque que cela entraîne.

Des alibis qui ne tiennent pas

Pour procéder à l’ablation de la luette sur le sujet, les proches parents de la victime et les wanzams (coiffeurs traditionnels) trouvent suffisamment une bonne raison pour justifier leur forfait. Des alibis qui, en réalité, ne tiennent pas la route.

Sur l’enfant, les raisons souvent évoquées sont « le vomissement, la diarrhée avec selles liquides, le retard de croissance, l’amaigrissement, l’anorexie, la fièvre, le refus de téter ou encore l’angine », fait savoir la Secrétaire Exécutive du CONIPRAT. Au niveau des adultes, les raisons comme « la fatigue générale, l’angine, le vomissement ou la difficulté d’avaler sont avancées pour passer à l’acte », ajoute-t-elle.

Plusieurs Organisations Non Gouvernementales, à l’instar du CONIPRAT, élèvent la voix pour dénoncer ce genre de pratiques traditionnelles qui sont tout simplement nuisibles à la personne humaine. Puisqu’il s’agit purement d’une forme de violence sur la personne.

« Dès que l’enfant vomit avec la dentition, on demande de lui faire l’ablation (hakinwuya) et c’est les saignements qui s’en suivent. Il arrive même que l’enfant décède », a expliqué Mme Issa Fatimé Elhadji Daouda, précisant que ce sont « les Wazams qui déambulant de maison en maison, pratiquent l’ablation de la luette, de même que la circoncision et l’excision sur les enfants ».

Un cas très récent et sur lequel le Comité Nigérien de Lutte contre les Pratiques Traditionnelles Néfastes intervient actuellement est celui de dame Zeinabou, admise en ORL à l’Hôpital Général de Référence de Niamey, pour la complication des symptômes liés à l’ablation de la luette qu’elle a dû subir en avril 2022 à Tahoua.

Les faits se sont produits dans le mois du jeûne de Ramadan, en avril 2022. Après 15 jours de jeûne, cette dame âgée de 46 ans dit avoir ressenti, en plus des malaises, de la douleur au niveau de la gorge.

« Après la consultation à la CNSS, j’ai reçu une ordonnance pour subir mon traitement. Après une semaine de traitement, il n’y a eu aucune amélioration et c’est là qu’une voisine m’a conseillé de consulter un wanzam. Après plusieurs tentatives, il a pu arracher la luette à la troisième, ce qui a causé toutes ces complications », a-t-elle raconté avant d’ajouter qu’elle a eu ensuite des difficultés à avaler, puisque le traitement du wanzam n’a pas répondu convenablement. Aujourd’hui, elle est admise à l’Hôpital Général de Référence de Niamey pour suivre des traitements.

Dans le cadre de sa mission de lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes au Niger, le CONIPRAT ne ménage aucun effort, allant jusqu’à apporter son soutien moral à Dame Zeinabou en ces moments difficiles.

Mettre fin à cette pratique néfaste

Le rôle que joue la luette dans cette partie de la bouche n’est pas anodin. Le Créateur sait pourquoi il l’a placée en cet endroit. En effet, la science nous renseigne que la luette règle le passage des aliments et de l’air dans la bouche. C’est pourquoi, l’arracher, peut causer d’énormes dégâts, allant des saignements à  l’inflammation de la gorge qui pourrait même causer la mort de la victime.

De l’avis de Mme Issa Fatimé Elhadji Daouda du CONIPRAT, parmi les conséquences néfastes de l’ablation de la luette, l’on peut citer entre autres, les lésions de la langue, des douleurs à l’oreille, des saignements et à cause du manque d’asepsie, l’utilisation d’outils tranchants augmente aussi les risques de transmission des maladies sexuellement transmissibles, les IST et VIH Sida.

Dans le cadre de ses activités, le Comité Nigérien pour la Lutte contre les Pratiques Traditionnelles Néfastes déploie de multiples efforts partout au Niger,  afin d’éradiquer toutes les formes de pratiques traditionnelles affectant le bien-être de la femme mais aussi des enfants. C’est dans cette optique qu’il mène des activités de sensibilisation à l’endroit des populations, la formation des wanzams, par exemple, qui sont ces coiffeurs traditionnels qui pratiquent l’ablation de la luette sur les enfants et les adultes dans les maisons. De plus, le Comité nigérien de lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes a mis en place, des brigades de vigilance, comme dispositif d’éveil et d’alerte sur tout cas d’ablation de la luette. L’objectif est surtout de décourager toutes les pratiques traditionnelles néfastes sur la personne humaine.

Koami Agbetiafa

Niger Inter Hebdo N°96 du mardi 10 Janvier 2022