Clash au M62 : Les raisons de la discorde

Une passe d’armes entre le secrétaire à l’organisation et à la mobilisation et le coordonnateur du M62 occupe depuis quelques jours les débats. La pomme de discorde entre les deux acteurs, chacun appuyé par des structures qui lui sont fidèles, reste la « réussite » de la marche suivie de meeting du dimanche 18 septembre 2022 à Niamey et à Dosso. Une mobilisation qui a ouvert la voie à une guerre de positionnement et une tentative de récupération. Selon notre investigation, la vraie raison du désaccord entre Abdoulaye Seydou et Gamatié Mahamadou Yansambou est politicienne. Deux partis politiques de l’opposition seraient à la manœuvre, apprend-on

Au M62, la lune de miel entre les principales structures composant ce mouvement n’a duré que deux mois, ou presque !  C’est ainsi que le jeudi 13 octobre 2022, le secrétaire à l’organisation et à la mobilisation du M62, Mahamadou Gamatié, appuyé par les représentants de certaines structures de la société civile, rend public une déclaration dans laquelle le mouvement a rappelé l’interdiction des manifestations prévues le samedi 8 octobre à Tillabéri et le dimanche 9 octobre à Niamey et Dosso. « Soucieux du respect de la légalité, le M62 saisit le juge de référé qui à son tour, confirme l’arrêté du maire de la ville de Niamey et nous en avons pris acte », indique la déclaration. Toutefois le mouvement lance un appel à manifestation pour le dimanche 30 octobre 2022 « pour contraindre le gouvernement à revenir sur sa mesure d’augmentation du prix du litre à la pompe du gasoil nigérien » ; prendre des mesures conséquentes pour lutter contre la vie chère au Niger ; faire droit à la demande du peuple du Niger de chasser les forces étrangères installées sur le sol nigérien particulièrement Barkhane du territoire nigérien ».

Vingt-quatre heure après cette déclaration, le coordonnateur du M62, Abdoulaye Seydou, appuyé de certains membres dudit mouvement anime un point de presse. Face à la presse et aux militants du M62, Abdoulaye Seydou, s’est surtout appesanti sur le processus de création dudit mouvement, commencé, explique-t-il, après les évènements de Téra le 27 novembre 2021 où des jeunes militants avaient voulu bloquer le passage à la force Barkhane. « Le processus de la naissance du mouvement tire sa source des tristes évènements du 27 novembre 2022 à Téra », a-t-il expliqué. Mais c’est surtout l’augmentation du prix du gasoil à la pompe par le gouvernement qui va précipiter la naissance du M62, lequel tire son nom de la date anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Niger, célébré le 3 août dernier. D’où d’ailleurs la dénomination M62 qui fait référence au 62ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance du Niger. Une charte fut adoptée avec un certain nombre de caractéristiques « dont son caractère apolitique ».  Les partis politiques sont exclus d’y adhérer « parce que c’est un combat citoyen pour la dignité du peuple », se défend Abdoulaye Seydou soulignant que  « les Organisations de la société civile et les syndicats légalement reconnus peuvent y adhérer et « reste ouvert à tout citoyen, «  à condition de payer sa cotisation ». A noter les deux sorties se sont déroulées dans des endroits différents : au siège du SNAD pour le premier et au siège du REPAD pour le deuxième.

L’idée d’une division du M62 exclue

Avec cette revendication bien fournie (augmentation du prix du gasoil), le M62 s’est dès lors lancé dans les préparatifs de la marche suivie de meeting du 18 septembre. Certains acteurs « qui avaient disparu après la création du M62 ont réapparu à 48 heures de la manifestation après avoir appris que l’interdiction de la marche du 18 septembre a été levée », rappelle-t-il. Tout en affirmant que le M62 n’est pas confronté à une crise de gouvernance, il a insisté sur le fait que le mouvement mène « un combat citoyen pour la dignité du peuple nigérien »,  « Un combat pour le peuple », a-t-il insisté.

Tout comme le coordonnateur du M62, le secrétaire à l’organisation et à la mobilisation, Mahamadou Gamatié, qui se réclame d’être « le père fondateur du M62, soutient que « le M62 n’est pas divisé ». Dans un entretien accordé à la Radio et télévision Saraounia, il affirme que le M62 « est né du mouvement engagé contre l’augmentation du prix du gasoil le 1er août 2022 », suite auquel un appel à la grève des conducteurs des taxis et minibus a été lancé à Niamey, sans un véritable succès. Du reste, la création du M62 est apparue comme l’avènement d’un cadre fédérateur pour les différentes organisations de la société civile, qui n’ont pas pu prospérer dans les différents appels à mobilisations lancé depuis plusieurs années. Selon des sources bien renseignées, certains acteurs du M62 sont mus par un agenda politicien. Deux partis politiques de l’opposition sont derrière cette tentative de récupération de ce mouvement pour des fins subversives, apprend-on. Les activistes porteurs de valises d’argent pour huiler la chienlit sont également connus. C’est dire que la vraie de la passe d’armes entre Abdoulaye Seydou et Gamatié Mahamadou Yansambou est politicienne. Les uns tiennent à préserver le caractère apolitique du mouvement et les autres voudraient être des scieurs de bois et porteurs d’eau pour la cause des partis politiques de l’opposition (dont deux sont identifiés comme bailleurs de fonds).

La marche du 18 septembre comme pomme de discorde

De par les deux interventions, il apparait clairement que la « réussite » de la marche du 18 septembre dernier reste le point de discorde entre les deux acteurs qui revendiquent le M62.  Il faut rappeler que plusieurs appels à manifestation ont été interdits par les autorités en charge de la ville de Niamey pour d’abord des raisons de sécurité, ensuite pour raison de l’état d’urgence sanitaire. La marche suivie de meeting du M62 a été autorisée le dimanche 18 septembre après un certain nombre de garanties données par les organisateurs. Si ce mouvement a « réussi » (de par la mobilisation), c’est surtout parce que les autorités nigériennes l’avaient voulu en l’autorisant avant tout. C’est donc la première manifestation de rue depuis la prise de fonction du président de la République, Mohamed Bazoum. Pour autant, la mobilisation ne peut qu’être au rendez-vous, en ce sens que pour nombre de manifestants, la curiosité était la première motivation tandis que pour d’autres, c’est surtout la joie de se retrouver dans les rues de la capitale.

 L’histoire retiendra que la balade du dimanche 18 septembre leur aura permis (certains pour la première fois) de découvrir la métamorphose de la ville de Niamey engagée sous le régime de Issoufou Mahamadou. Une façon pour eux d’être les témoins vivants et de s’engager aux côtés du président Mohamed Bazoum à consolider pour mieux avancer. Loin donc d’avoir à l’esprit que cette sortie « massive » sera une belle opportunité pour des acteurs de la société civile qui clament engager un combat pour le peuple sans pour autant avoir reçu aucun mandat de ce peuple. En fait au Niger, comme dans certains pays de la sous-région, la mobilisation à l’occasion des manifestations de rue est devenue un véritable business avec lequel les organisateurs cherchent à convaincre les bailleurs d’une part et d’autre part ils cherchent à mesurer le degré de leur popularité. Cette crise du M62 a pour mérite de révéler les noms des bailleurs de fonds au sein du gotha politique nigérien.  Le contrôle de ce mouvement par des forces occultes à dessein putschiste.

Almoustapha Aboubacar