Tribune : ISSOUFOU ET BAZOUM, LA SAINTE AVENTURE

 

 

Nous sommes peut-être à un tournant décisif de notre histoire politique où les calculs en vue d’une meilleure posture pour les prochaines élections semblent déjà constituer une préoccupation majeure pour une frange de notre classe politique. Les élections seront pour 2026, mais c’est le moins que l’on puisse dire, à en croire la posture désormais jurée de l’opposition politique nigérienne et même celle de ceux qui par le biais de leur plume lui servent de référence.

L’opposition veut à tout prix tenter sa chance en vue de provoquer un problème endogène au sein du PNDS-TARAYYA, entre les principaux leaders, seul gage selon ses calculs, pour arrêter l’irrésistible ascension de ce parti. Elle sait qu’au travers de ce mur en béton, fait d’unité et de résilience politique, le PNDS n’a pas fini de donner au Niger ses présidents. Elle sait aussi et surtout que seule une fracture entre le Président Mohamed Bazoum et l’ancien président Issoufou Mahamadou peut lui ouvrir le boulevard vers le pouvoir. C’est pourquoi elle tient à faire passer l’ancien président Issoufou pour une personnalité encombrante pour l’exercice du pouvoir du Président Bazoum. Peut-être que dans la foudre de ses échecs répétés, l’opposition aime désormais le Président Bazoum plus que ceux qui l’ont élu. Sauf qu’en marge de ce qu’elle sait, il y a surtout ce qu’elle ne sait pas.

Mais si nous nous sommes donnés la peine d’écrire ces mots, c’est que selon notre observation, l’opposition nigérienne est désormais devenue un peu plus intelligente et même plus réaliste. Avant, elle ne croyait qu’à la propagande, au déni systématique. Sa recette avant et après les élections de 2021 était de faire entendre aux citoyens nigériens que tout est faux, que ce qui est petit est supérieur à ce qui est grand, que nous ne voyons pas ce que nous voyons, qu’il n’y a pas de liaison entre l’effet et la cause, que finalement tout est mirage. C’était bien sûr dans cette posture qu’elle s’était même empêchée les moyens de préparer les dernières élections, pour ne préparer que la contestation à coups de matraquage, croyant que cela suffisait pour conjurer le sort. Aujourd’hui, elle commence à comprendre qu’il y a une raison, une explication à tout. Que seules des fractures internes peuvent conduire au déclin d’un parti politique, par opposition à sa manière de vouloir en décider par décret.

Histoire d’une unité de conviction, de vision et de valeurs

A la différence de certains partis politiques de notre pays qui avaient dû céder à la moindre tempête, faute surtout de communauté de vision et de valeurs, le PNDS-TARAYYA a fait preuve d’une incroyable résilience politique durant près de vingt ans de traversée du désert. Les militants, eux-mêmes assez uniques dans leur vision de la politique et du pouvoir étaient restés à l’image de leurs dirigeants, si bien que l’ancien Président de l’Assemblée Nationale Hama Amadou ne put s’empêcher, lors de l’investiture d’Issoufou Mahamadou en Avril 2011, de souligner avec admiration que cette qualité des militants roses, notamment leur persévérance était le précurseur de l’avènement de leur parti au pouvoir.

Mais il faudrait aussi et surtout reconnaitre que l’empreinte de Mohamed Bazoum dans ce ciment de l’unité a été assez singulière et caractéristique de la forte liaison qu’ils ont pu tisser avec Issoufou Mahamadou. L’histoire du Niger retient qu’au moins deux présidents avaient auparavant cherché à obtenir la peau du PNDS-TARAYYA dans des tentatives de débauchage alléchantes le visant. Il leur donna ainsi l’occasion de mesurer qu’entre une aventure dont le ressort est l’intérêt et une autre fondée sur des valeurs, il y a tout un monde. Pour illustrer cette qualité morale dont il a été si fier, le 1er Avril 2021, l’ancien président Issoufou Mahamadou, après avoir remercié ses concitoyens pour l’honneur qu’ils lui avaient fait de l’élire par deux fois à la tête du Niger, s’était exprimé en ces termes : « Les circonstances de la vie m’ont mis en contact avec d’autres compatriotes qui avaient, aussi cette seule ambition. Ces camarades pour lesquels j’éprouve une immense fierté, avec lesquels je partage les mêmes valeurs, ont fait, avec peu, des choses extraordinaires. Toujours unis, ils ont construit, dans l’adversité, un parti puissant, le plus puissant de toute notre histoire démocratique de ces trente dernières années. »

Une troublante similitude

L’histoire est têtue. Les grandes et belles aventures, celles qui façonnent le destin des hommes et des peuples ont assez souvent tendance à être marquées du sceau d’une incroyable similitude. Puisque c’est des deux premiers présidents socialistes du Niger qu’il s’agit, rappelons qu’une rencontre de ce genre s’était produite dans l’histoire et qui avait fini par changer la face du monde pendant près d’un siècle.

Le 28 Août 1844, Karl Marx et Friedrich Engels, deux allemands, les plus grands théoriciens du socialisme se rencontrent à Paris, au Café de la Régence. Marx qui, jusque-là n’avait fait que croiser Engels, croyait être le seul à avoir la vision qui était la sienne, à imaginer le modèle social qu’il caressait. Lorsqu’Engels lui présenta ses travaux sur « La condition de la classe laborieuse en Angleterre », après un séjour dans une firme dans laquelle son père détenait des actions, les deux hommes furent chacun agréablement surpris de constater qu’il avait en face de chacun d’entre eux, une sorte d’alter-ego. Ils se mirent à travailler leur vision commune du monde et produisent un premier ouvrage intitulé « La Sainte Famille », point de départ d’une longue histoire dont le monde se souvient encore d’eux.

De même, dans son discours d’investiture du 2 Avril 2021, le Président Mohamed Bazoum, parlant des conditions de sa rencontre historique avec Issoufou Mahamadou en Août 1990, dans une maison du quartier Nouveau Marché de Niamey, rendait hommage à cette unité de leurs convictions, de leur inébranlable vision commune pour le Niger, lorsqu’il prononça cette phrase empreinte d’humilité : « A l’époque de cette rencontre entre un haut cadre des mines et le professeur de philosophie que j’étais, nous étions loin d’imaginer que quelque chose du destin de notre pays s’y était joué. »

Asmane Saadou

Niger Inter Hebdo N°78 du mardi 06 Septembre 2022