La nomination intervenue le 2 juin dernier, en Conseil des ministres, du Dr Issoufou Adamou, maître-assistant en droit public, au poste du Secrétaire exécutif de l’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARMP) en constitue un début de réponse du Chef de l’Etat aux problèmes de dysfonctionnements qui minent cette institution. Considérée comme étant « le gendarme de la régulation de la commande publique », l’ARMP, à l’instar de plusieurs autres structures étatiques contrôlées par la Cour des comptes, a également été épinglée quant à certains aspects de sa gestion.
Outre les faiblesses et le manque de rigueur dans la régulation des marchés publics pour lesquels l’Agence de Régulation des Marchés Publics (ARMP) est régulièrement accusée par les usagers, la Cour des comptes qui l’a audité dans sa gestion de la redevance, au titre des exercices 2016-2018, a relevé d’importants dysfonctionnements, notamment dans la procédure du recouvrement, la répartition de cette redevance et le reversement de l’excédent au Trésor public.
Selon la Cour des comptes, « l’objectif du contrôle de la redevance de l’ARMP consiste à vérifier notamment la gestion de la redevance par l’ARMP, le respect des modalités de son recouvrement, la régularité et la sincérité des opérations de suivi des recouvrements, le respect des opérations de nivellement du compte de dépôt et du versement de l’excédent au Trésor ».
Mais, il ressort de ce contrôle que « les dysfonctionnements relevés sont susceptibles de porter atteinte à la qualité des données financières, à l’utilisation irrégulière de la part revenant aux structures de contrôle et de recouvrement et au faible taux de nivellement du compte BSIC de l’ARMP ». L’analyse de la procédure de recouvrement a permis ainsi à la Cour de relever entre autres manquements, « l’absence de procès-verbaux de rapprochement entre le Trésor, la Direction Générale des Impôts (DGI) et l’ARMP, devant permettre de s’assurer de la sincérité des montants recouvrés et communiqués à l’ARMP par la DGI, de 2016 au 30 avril 2017 ». S’ajoute « l’absence de rapprochements réguliers des situations de marchés entre la Direction Générale du Contrôle des Marchés Publics et des Engagements Financiers (DGCMP/EF) et l’ARMP en vue de dégager les éventuels écarts entre les marchés enregistrés par l’ARMP et ceux immatriculés par la DGCMP/EF ».
Ensuite « l’écart d’un montant de 405, 797 milliards de francs CFA sur les montants des marchés de 2016 à 2018 entre les données de la DGCMP/EF et celles de l’ARMP, correspondant à un manque à gagner d’un montant de 4, 057 milliards de francs CFA de redevance ARMP » ; « l’absence de preuve de reversement au Trésor des montants recouvrés par la DGI de 2016 au 30 avril 2017 » ; « le reversement en 2018, par l’ARMP, de 1,100 milliard de francs CFA d’excédent budgétaire au lieu de 2, 949 milliards de francs CFA, soit un écart de 1, 849 milliard de francs CFA ».
De tous ces manquements relevés, a fait savoir la Cour des comptes, « la réponse de l’ARMP n’a porté que sur le défaut de rapprochement et le non reversement », d’où le maintien de tous les constats qu’elle a eu à faire du fait que « l’ARMP n’a produit aucun procès-verbal de rapprochement entre elle, la DGI et le Trésor ». En plus, souligne la Cour, « le montant cumulé des nivellements de 1 294 448 492 de francs CFA donné par l’ARMP ne concorde pas avec le total des versements s’élevant à 1 299 101 426 de francs CFA ».
En plus de ces dysfonctionnements, la Cour a relevé aussi « une utilisation irrégulière de la part (Ndlr : redevance) revenant aux structures de contrôle et de recouvrement ». Cette part, a souligné la Cour, est « principalement distribuée à leurs personnels (ARMP) à titre de gratification, au lieu de servir de dépenses de fonctionnement des services en violation de l’article 3 de l’arrêté n° 0058/PM/ARMP du 6 avril 2017 portant modalités de recouvrement de la redevance de régulation des marchés publics et des délégations de service public ».
A titre d’exemple, a-t-elle expliqué, « les montants mis à la disposition de ces structures au titre de la gestion 2016 s’élevaient à 74,64 millions pour la DGI et 87, 32 millions de francs CFA pour la DGCMP/EF ». Sur ce point, a renchéri la Cour, « l’ARMP n’a pas daigné donner suite aux constatations de la Cour des comptes ». La Cour a également découvert que « l’ARMP n’a pas produit les données utilisées pour déterminer l’excédent budgétaire de 2018 ».
En guise de recommandations, la Cour des comptes a exhorté pour « la mise en place d’un mécanisme de rapprochement et de suivi des marchés avec la DGCMP/EF » avant de recommander aussi à l’ARMP, de « préciser la nature des dépenses éligibles dans le cadre du fonctionnement du système de passation des marchés et du contrôle a priori ».
Avec la nomination du Dr Issoufou Adamou à la tête de cette importante institution, le président de la République entend « replacer » l’ARMP dans ses véritables missions afin qu’elle puisse jouer pleinement son rôle de gendarme de la commande publique, surtout quand on sait que dans la plupart des cas, c’est à travers les marchés publics que se développent certains maux, tels que la corruption, le trafic d’influence, la concussion et même le détournement des deniers. Assainir l’ARMP permettra ainsi de combattre ces fléaux qui annihilent tous les efforts de l’Etat en matière de développement du pays. Ceux qui connaissent le nouveau Secrétaire exécutif de l’ARMP disent que le Président Bazoum a fait le choix de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.
C’est sans conteste, un début de réponse du président Bazoum pour assainir et prévenir les impairs de gestion des ressources publiques injectées dans les marchés publics.
Oumar Issoufa
Niger Inter hebdo N°66 du mardi 7 juin 2022