Monsieur Hamadou Adamou Souley, ministre de l’intérieur et de la décentralisation

Interview exclusive : « Face à la guerre asymétrique, le Niger s’est doté des unités spéciales anti-terroristes et polyvalentes »

« Le bilan est globalement positif, car les dispositions prises par les autorités au premier rang desquelles SEM Mohamed Bazoum, ont permis de préserver l’intégralité du territoire de notre pays», déclare Hamadou Adamou Souley

 

Monsieur Hamadou Adamou Souley est ministre de l’intérieur et de la décentralisation depuis le remaniement technique du gouvernement du 29 Novembre 2021. Précédemment ministre de l’équipement, il fut Directeur de Cabinet adjoint du président Issoufou Mahamadou. C’est également un homme du sérail de l’establishment du PNDS Tarayya. Dans l’entretien qui suit, ce ‘’sécurocrate’’ du président Bazoum brosse le bilan d’un an du Chef suprême des armées concernant le volet sécurité intérieure

Niger Inter Magazine : Le Président de la République SEM Mohamed Bazoum vient de passer le cap d’un an aux commandes du Niger. Peut-on avoir une idée des réalisations en matière de sécurité intérieure au cours de cette première année de la mandature du Chef de l’Etat ?

Monsieur Hamadou Adamou Souley : Merci bien de nous permettre de partager avec vos lecteurs les actions du président de la République au cours de cette première année de son mandat. Comme vous l’avez rappelé, du 02 avril 2021 au 02 avril 2022, cela fait un an jour pour jour que SEM Mohamed BAZOUM, est aux commandes de la République du Niger. Conformément aux engagements pris à travers le Programme de renaissance Acte III, et énoncés dans son discours d’investiture, notamment celui de faire des ‘’secteurs éducatif et de la sécurité’’ qui constituent la priorité des priorités pour garantir l’épanouissement du peuple et le développement harmonieux du pays. Nous pouvons affirmer aujourd’hui que ces promesses sont en train d’être tenues.

En matière de sécurité intérieure, je puis affirmer que beaucoup de réalisations ont été faites au cours de cette première année, et ce pour faire face à la recrudescence de l’extrémisme violent et barbare des Groupes Armés Terroristes et des bandes criminelles qui sévissent dans l’extrême sud-est, sud, ouest et nord-ouest de notre pays. Le bilan est lourd car nous avons enregistré des pertes en vies humaines dans les rangs de nos vaillantes Forces de Défense et de Sécurité et des populations civiles.

Je m’incline pour saluer la mémoire de nos illustres disparus que sont les agents des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) tombés sur le champ d’honneur ainsi que nos concitoyens également tués. C’est pour moi l’occasion de réitérer l’appel du Gouvernement pour renouveler notre confiance et encourager les vaillants fils du pays dans la lutte contre le terrorisme et le banditisme transnational.

A titre de rappel, entre autres missions dévolues à mon département, il y a la mission de la sécurité intérieure. Pour mener à bien cette mission, le Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation dispose de trois forces qui ont la charge d’assurer la quiétude sociale, la tranquillité et la salubrité publique. Il s’agit principalement de la Police Nationale (PN), de la Garde Nationale du Niger (GNN) et de la Protection Civile (Sapeur-Pompier).

Au cours de cette première année du mandat de Son Excellence Monsieur le Président de la République, plusieurs réalisations ont été accomplies au niveau de la PN, de la GNN et de la Protection Civile notamment en matière de :

  • recrutement et formation des personnels ;
  • renforcement du dispositif financier, de la logistique, de l’armement et des munitions ;
  • renforcement des capacités institutionnelles, infrastructurelles et surtout des NTIC (vidéo surveillance) ;
  • multiplication des patrouilles départementales, communales et urbaines ;
  • accompagnements des veuves et d’orphelins ;
  • stabilisation accélérée des régions du Bassin du Lac Tchad et du Liptako-Gourma.

Niger Inter Magazine : A l’occasion de la conférence des cadres qu’il a animée le 25 février dernier, le Président de la République a annoncé le choix de la formation et l’équipement pour relever le défi sécuritaire. Peut-on avoir une idée de l’évolution du personnel dans le secteur de la sécurité intérieure ?

Monsieur Hamadou Adamou Souley : D’avril 2021 à aujourd’hui, les personnels de la Police Nationale et de la Garde Nationale du Niger ont nettement évolué en termes d’effectifs tant du point de vue quantitatif que qualitatif. Aussi, leurs capacités cognitives, matérielles, institutionnelles et autres moyens ont été renforcés. A titre illustratif :

  • A la Police Nationale, plus de 1.300 élèves policiers sont sortis en 2021 ; environ 2.000 autres élèves policiers sont recrutés et en cours de formation actuellement ; et 2.000 sont en perspective de recrutement. Plus de 1 milliard 400 millions ont été investis en matière de construction, acquisition et réhabilitation d’infrastructures à la police. Plus de 6,7 milliards ont été investis pour doter les deux corps d’armement, de munitions, de matériel de maintien de l’ordre et d’autres matériels spécifiques. Sur le plan institutionnel, une Stratégie Nationale de Sécurité de Proximité (SNSP) a été élaborée. En outre, la Stratégie Nationale de Sécurité Intérieure (SNSI) dont le plan d’action est expiré en 2021, a fait l’objet d’une révision. Enfin, d’autres matériels tels que des munis bus ont été acquis pour un montant de plus de 400 millions de Francs CFA.
  • A la Garde Nationale du Niger,  3 000 élèves gardes sont recrutés et formés et 700 sont en cours de recrutement. En matière d’infrastructures, plusieurs centres d’instructions (CI), escadrons, et groupements ont bénéficié de constructions et de réhabilitations. Sur le plan de la logistique, plus de 4,4 milliards ont été investis pour l’acquisition de véhicules, motos, pièces détachées et pneumatiques. Aussi, plus de 280 millions ont été injectés pour le maintien du système de vidéo surveillance. Enfin, pour faire face à la menace terroriste qui constitue une guerre asymétrique, des unités spéciales ont été formées, notamment les unités anti-terroristes et les unités polyvalentes avec un sens guerrier et téméraire.

Niger Inter Hebdo : Depuis son séjour au ministère de l’intérieur, le Chef de l’Etat avait mis un accent particulier pour assurer la sécurité des personnes et des biens tout au long de nos frontières. Quel bilan pouvez-vous faire de l’action de l’Etat dans ce domaine ?

Monsieur Hamadou Adamou Souley : Le bilan est globalement positif, car les dispositions prises par les autorités au premier rang desquelles SEM MOHAMED BAZOUM, ont permis au moins de conserver l’intégralité du territoire de notre pays.

En effet, les efforts dans l’exercice des missions dévolues à nos Forces de Défense et de Sécurité dans sa composante de la Sécurité Intérieure, il a été initié d’une part, des opérations conjointes mixtes et d’autre part, des cadres de concertation bilatérale transfrontalier impliquant les populations dans les questions sécuritaires. A ce niveau, l’on peut citer entre autres :

  • Les concertations des gouverneurs frontaliers (Forum des Gouverneurs du Bassin du Lac Tchad et Cadre de Concertation des Gouverneurs de la Région du Liptako-Gourma) ;
  • Les comités locaux transfrontaliers ;
  • Les comités de vigilance et d’alerte frontaliers ;
  • Le cadre de concertation transfrontalier des éleveurs ;
  • Le cadre de paix et de cohésion sociale ;
  • L’adoption d’une politique nationale des migrations ;
  • La création de plusieurs Compagnies Mixtes de Contrôle des Frontières (CMCF) ;
  • La délimitation et le bornage des frontières avec certains pays voisins ;

Niger Inter Magazine : Aujourd’hui nos Forces de Défense et de Sécurité se spécialisent dans plusieurs secteurs. Au niveau de la sécurité intérieure, quels sont les acquis enregistrés ?

Monsieur Hamadou Adamou Souley : les acquis enregistrés au niveau de la sécurité intérieure par nos forces de défense et de sécurité, on peut citer, entre autres :

  • Le professionnalisme et l’aguerrissement des FDS ;
  • La Coordination et l’automatisme des actions des FDS ;
  • L’innovation et l’adaptation pour faire face à la menace terroriste ;
  • L’acquisition de matériel sophistiqué et moderne ;
  • L’obtention de résultats probants et encourageants ;
  • L’allocation d’un pourcentage important du budget national à la sécurité intérieure.

Niger Inter Magazine : vous avez organisé récemment avec les forces vives de cette région un forum sur la sécurité dans la région de Tillabéri. Quelle valeur ajoutée peut-on tirer de cette rencontre ?

Monsieur Hamadou Adamou Souley : Pour être précis, le forum a été vraiment l’initiative d’un groupe de ressortissants de la région de Tillabéri qui ont décidé de porter le projet. Au regard de la situation sécuritaire dans la région et les enjeux, ce groupe de ressortissants, à qui je rends hommage, a initié une rencontre pour regrouper l’ensemble des filles et des fils de la région de Tillabéri pour réfléchir sur la situation sécuritaire de la région de Tillabéri. Le forum a été tenu du 26 au 27 Mars. Ce forum, il faut le reconnaitre, a drainé beaucoup de monde avec un engouement inattendu. Cela dénote que la question sécuritaire dans la région de Tillabéri tient beaucoup à cœur ses ressortissants. Voilà pourquoi personne n’a manqué à ce forum. Et les débats ont été certes bien animés, souvent houleux mais assortis de pertinentes recommandations qui vont dans le sens d’apaiser les esprits ; d’inviter les communautés à s’approprier les questions sécuritaires ; et d’inviter les populations à une meilleure collaboration avec les forces de défense et de sécurité. Et ce, parce qu’à cause des multiples exactions sur ces populations, la confiance entre elles et les FDS était quasiment rompue en ce sens que les gens avaient du mal à comprendre que ces forces de défense et de sécurité n’arrivent pas à les sécuriser comme il se devait. Beaucoup de leurs animaux ont été souvent enlevés et jamais retrouvés. Cela est difficilement concevable aux yeux des populations. Les appels au secours n’ont pas été souvent suivis d’effets, cela constitue un choc pour ces populations. Evidemment on ne peut pas leur donner tort mais il y a des difficultés souvent objectives qui font que les forces de défense et de sécurité ne peuvent pas intervenir en même temps et partout. Comme vous le savez, nous partageons une longue frontière avec le Mali, et de l’autre côté de la frontière il n’y a aucune présence des forces maliennes. La frontière est poreuse et c’est à peu près le même constat du côté du Burkina Faso de telle sorte que les infiltrations sont difficilement contenables. Les populations ont des difficultés à comprendre cette situation puisqu’elles se disent que dans tous les cas le rôle des forces de sécurité est de les protéger. C’est de là qu’est née cette crise de confiance entre populations et forces armées. L’objectif dudit forum c’est justement de discuter, d’échanger, de reconnaitre souvent les insuffisances en ce qui concerne les opérations qui sont menées par les FDS mais également de reconnaitre quand même qu’elles ont beaucoup fait. Elles ont réussi à défendre l’intégrité du territoire. Aujourd’hui, il n’y a aucune portion de notre territoire au niveau des trois frontières qui soit occupée par des terroristes.

Niger Inter Magazine : Monsieur le ministre, comment justement amener les communautés à adhérer aux recommandations du forum de Tillabéri ?

Monsieur Hamadou Adamou Souley : Je vous ai dit que de ce forum un document en est sorti. Ce document qui comporte un certain nombre de recommandations vient d’être officiellement remis au Chef du gouvernement par le comité qui a été mis en place à l’issue du forum. Le but du forum, est, entre autres, de travailler pour restaurer la confiance entre les communautés et les forces de défense et de sécurité. Mieux, c’est d’amener les populations à une meilleure collaboration avec les forces de défense et de sécurité ; à s’approprier le concept de sécurité intérieure ; à se sentir autant responsables que les forces armées en ce qui concerne la sécurité du pays. Et cela passe par ce dialogue franc que les communautés ont eu entre elles au cours de ce forum et je crois que le message est bien passé. Nous savons que nos FDS réussiront difficilement leur mission si les populations n’acceptent pas de collaborer avec elles. Nous sommes conscients que c’est avec la collaboration, les renseignements auprès d’elles que les forces de sécurité peuvent mener leur mission de la façon la plus efficace possible. Nous constatons qu’aujourd’hui les communautés n’hésitent plus à dénoncer les complices quelque soit par ailleurs ce que cela leur coûte parce que c’est souvent au péril de leur vie mais malgré tout elles dénoncent de sorte que les FDS arrivent à mettre la main sur les complices. Quand les populations acceptent de renseigner les forces de sécurité, cela facilite les opérations en mettant les terroristes hors d’état de nuire. Le forum a également pour but de réconcilier les communautés entre elles et de renforcer la cohésion sociale. Des recommandations ont été émises dans ce sens. Le comité mis en place est chargé de poursuivre le travail en faisant en sorte qu’en organisant des mini fora les communautés peuvent se retrouver pour dialoguer entre elles ; échanger de manière à se pardonner pour qu’on retrouve la cohésion sociale qui a toujours existé. Il y a également les conflits intracommunautaires à résoudre. C’est une préoccupation prise en charge par le forum. C’est dire que globalement le forum a été très positif.  C’était aussi l’occasion pour nous, au cours de cette rencontre, de reconnaitre quand même les efforts consentis. Le gouvernement a beaucoup fait et c’est ce qui nous a amené à cette situation de relative accalmie. Il faut le reconnaitre sur l’ensemble de la région de Tillabéri, il y a une relative accalmie que les populations apprécient. Et cela est dû aux initiatives que le président de la République a personnellement prises de parler à ceux qui sont versés dans la violence, le terrorisme aveugle. Aujourd’hui certains ont accepté de revenir à des meilleurs sentiments de déposer les armes ; nous sommes en tout cas dans un processus dynamique qui puisse permettre le retour de ces concitoyens de renoncer à la violence. Ce n’est qu’après cela que la réconciliation est possible. C’est après cela qu’il faudrait envisager le retour des déplacés dans leurs localités ; la réhabilitation des infrastructures éducatives, sanitaires, hydrauliques qui ont été impactées par le conflit. C’est justement à cette condition que le gouvernement pourra mettre en œuvre un programme de stabilisation avec ses partenaires. Ce processus aboutira sans nul doute, à une paix définitive dans l’ensemble de la région.

Niger Inter Magazine : Est-ce que toutes les parties prenantes ont été impliquées dans ce processus notamment le leader du Comité paix de Tillabéri qui a eu un malentendu avec le gouvernement ?

Monsieur Hamadou Adamou Souley : Je puis vous dire que ce malentendu est totalement levé, c’est une histoire qui est derrière nous. Tout le monde a participé y compris les membres les plus actifs du comité auquel vous faites allusion. Ils faisaient partie de l’équipe qui a préparé le forum, ils ont participé activement au forum et ils font partie du comité issu du forum. Tous les ressortissants de Tillabéri se sont retrouvés à la suite de ce forum et à travers le comité qui a été mis en place pour essayer de prendre à bras le corps les difficultés auxquelles la région est confrontée et voir ensemble avec le gouvernement, les autorités administratives comment procéder pour venir à bout du problème d’insécurité dans la région de Tillaberi.

Niger Inter Magazine : « De tous les soucis que nous avons, le souci de l’insécurité dans la région de Tillabéri est la chose qui m’empêche le plus de dormir et sur laquelle je réfléchi le plus », a déclaré le Président BAZOUM à l’occasion de sa visite à Banibangou. Peut-on espérer que les lignes vont bouger malgré l’absence de l’armée malienne le long de notre frontière avec ce pays ?

Monsieur Hamadou Adamou Souley : La sécurité est un domaine complexe qui nécessite la mutualisation des efforts. Pour ce faire, malgré l’absence de l’armée malienne dans la zone, le Niger a renforcé ses capacités opérationnelles à travers l’opération Dongo, l’opération GARSI, l’opération Saki 1 et 2, la coopération des forces étrangères et surtout les nouvelles initiatives de sécurisation des communes (patrouilles communales), la politique de sécurité de proximité qui accompagne les personnes déplacées internes.

Niger Inter Magazine : En tant que ministre chargé de la sécurité intérieure, quel est votre message à l’endroit des nigériens en rapport avec le défi sécuritaire ?

Monsieur Hamadou Adamou Souley : Mon message à l’endroit de mes concitoyens est de continuer à faire confiance à nos Forces de Sécurité Intérieure (FSI) qui se battent corps et âme, nuit et jour pour assurer la sécurité, préserver les biens publics et privés, pour ainsi dire l’intégrité du territoire. Ils sont formés pour cette mission et il n’y aucune alternative meilleure autre que celle de l’intervention de nos forces de défense et de sécurité avec l’appui de nos partenaires étrangers.

En conséquence, je lance un appel pressant à certains de nos compatriotes qui prennent les armes pour l’auto-défense à abandonner cette idée chevaleresque car le monopole de la violence est détenu par nos FDS. Elles s’acquittent de leur part de travail nous devons les aider à accomplir efficacement leur mission à travers l’information.

C’est pourquoi j’exhorte mes concitoyens à raffermir la cohésion sociale, à bannir les conflits inter ou intracommunautaire car force doit rester à la loi et non dans le règlement de compte. J’invite mes frères et sœurs à la collaboration et à soutenir les actions de nos Forces de Sécurité Intérieure.

Ce sont là, quelques-unes des recommandations faites à l’occasion des forums sur la paix et la cohésion sociale de Banibangou, Ouallam, Niamey, Diffa, Tillia, Mangaizé, Tillabéri, etc.

Interview réalisée par Elh. M. Souleymane et Abdoul Aziz Moussa

Niger Inter Magazine n°30  Mai 2022