Femme et politique : L’insécurité, un obstacle pour l’engagement politique de la femme à Tillabéri

Le Niger est situé dans une zone carrefour entre différents pays où la paix se trouve menacée tous les jours. Il n’est donc pas épargné par cette insécurité, nonobstant le fait qu’il est considéré jusque-là comme un ilot de stabilité.  Dans la région de Tillaberi, de nombreux obstacles rendent difficile l’engagement politique des femmes. Parmi ces obstacles, se pointe du doigt la crise sécuritaire liée aux attaques terroristes barbares qui perdurent des années durant surtout dans les zones d’Inatès, Banibangou, Ayorou, Abala, Mangueyzé, Bankilaré, Anzourou pour ne citer que ces dernières.

Question : Parlez-nous de l’engagement politique des femmes de la région

Maimouna Seydou : L’électorat politique de Tillaberi est constitué majoritairement de femmes. Au moment des campagnes électorales comme lors des élections, elles ont toujours battu le record en termes de mobilisation et même pour faire les portes à portes ce sont elles que les hommes utilisent pour joindre l’utile à l’agréable. Pendant la campagne électorale ces femmes se déplacent de zone en zone jusqu’aux hameaux les plus reculés pour la quête des militants et jamais elles ne se déplacent sans pour autant apporter leur soutien à ces derniers d’une manière ou d’un autre.

Nous avons l’impression que toute la mobilisation se fait par les femmes, et cela, en dépit du contexte sécuritaire difficile qui restreint leur mobilité. Quand une femme s’engage politiquement elle le fait correctement et avec conviction, amour et dévotion car elle fera tout pour être à la hauteur. Aujourd’hui sans pour autant me tromper je peux m’affirmer pour dire que ce sont les femmes qui détiennent la survie de certains partis politique tant au niveau régional que national car elles sont à tout moment et en tout lieu avec les militants pour recueillir leurs doléances et voir dans quelles mesures les solutionner. Et si il ne tenait qu’à certains leaders politiques beaucoup des partis allaient disparaître en un clan d’œil car ce ne sont pas eux tous qui accordent de l’importance au social et d’autres le font qu’en période électorale.

Ce sont les femmes qui se mobilisent pour aller aux différentes cérémonies (mariage, baptême, décès) et en même temps elles visitent ceux qui sont malades dans les hôpitaux ou dans leurs maisons. C’est le lieu de féliciter et encourager au passage les femmes de la région de Tillabéri qui œuvrent inlassablement dans la bonne marche des activités politiques de la zone. A tout moment où un problème surgit dans la zone ces vaillantes femmes se mobilisent pour apporter leur pierre à l’édifice et cela à plusieurs reprises et j’en suis témoin de faits. Et ceci leur a valu des postes de responsabilité au plus haut sommet de l’Etat comme postes de Ministre, des députés, des conseillers pour ne citer que ces derniers. A titre illustratif l’actuelle Ministre de la Promotion de la Femme relève de la zone. Malgré les avancées significatives enregistrées ces dernières années l’engagement politique des femmes se pose avec acuité car les défis sont multiples et les obstacles sont énormes.

Question : Quelles sont les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées ?

Maimouna Seydou : A l’instar des femmes des autres régions du pays, celles de Tillaberi sont aussi confrontées à de nombreuses difficultés qui freinent leur engagement politique. Il s’agit entre autres de défis liés au faible niveau d’instruction, à la pauvreté car aujourd’hui pour faire la politique il faut non seulement un niveau d’étude élevé et surtout avoir de moyens financiers conséquents et les deux vont de pair sans oublier les pesanteurs socio-culturelles qui tirent toujours les femmes vers le bas de l’échelle et les confinant à de véritables tâches ménagères et restreignant leurs déplacements.

Il conviendrait de demander à nos agriculteurs combien d’heures par semaine et combien de semaine par année ils travaillent. Il se trouve que ce sont les villageoises qui travaillent soit 12 à 15 heures par jour. Elles travaillent même le dimanche et les jours fériés. Les femmes qui vivent en milieu rural travaillent plus fort que n’importe qui d’autre tandis que les villageois, eux, sont en congé pendant la moitié de leur existence. D’où les raisons pour lesquelles ces femmes rurales doivent être valorisées, encouragées et leur cause doit être prises en compte dans toutes les instances décisionnelles.

En effet, beaucoup de femmes veulent s’engager et s’investir pleinement en politique mais tant qu’elles n’obtiennent pas l’accord de leur mari quel qu’en soit leur conviction ces dernières restent figer sur leurs idées. Une situation aggravée par la crise qui prévaut dans la région placée en état d’urgence depuis plusieurs années.

Les conflits n’ont pas de genre, d’aucuns diront. Pourtant, ils n’affectent pas les hommes et les femmes de la même manière et dans les mêmes proportions. Derrière les statistiques sur les pertes en vies humaines et économiques, se cachent des réalités vécues différemment par les hommes et par les femmes. Au cours d’un conflit, les impacts sur les femmes et les enfants sont différents de ceux qui touchent les hommes. Il en est de même pour leurs besoins et attentes. Les femmes et les enfants constituent 80% des personnes déplacées par les conflits en Afrique. Les femmes accumulent des responsabilités supplémentaires sans nécessairement que des moyens supplémentaires leur soient accordés.

Les femmes sont le plus affectées par les conflits armés. La plupart des conflits des dernières décennies ont impliqué des violences sexuelles de masse : près d’un demi-million de femmes ont été violées au Rwanda durant le génocide de 1994, 60 000 pendant la guerre de Croitie et Bosnie Herzégovine (UN Chr, 2010). Plus récemment, l’organisation terroriste Daech a organisé la séquestration et le viol systématique de milliers de femmes et de filles de la minorité Yésidie dans le Nord de l’Irak (HRW, 2015).

Premièrement, les conflits entraînent des discriminations à l’égard des femmes et des filles plus qu’en temps de paix, parce que les différentes formes de violences commises à l’égard des femmes en temps de conflit, ne sont que la reproduction et l’amplification de ce qu’elles vivent auparavant dans leurs communautés.

Deuxièmement, les conflits déchirent et dispersent les familles et les communautés, augmentent la pauvreté et la vulnérabilité, et détruisent les règles qui régissent le vivre ensemble.

Cependant, la contribution des femmes aux processus de paix et sécurité impose un autre regard ; on constate que les femmes se ‘’débrouillent’’ pour maintenir une certaine vie dans les camps de réfugiés et déplacés, assurer la cohabitation pacifique, protéger leurs familles, recréer les liens familiaux et communautaires, au moment où les hommes sont au front, ou exilés, et sont affectés par le manque d’activités économiques (commerciales).

Dans un tel contexte, où les femmes ont perdu tous leurs repères et sont atteintes dans leur dignité d’êtres humains, il est apparu nécessaire pour ceux qui œuvrent pour l’égalité, la paix et la justice sociale, que des mesures adéquates soit urgemment prises, en vue de mettre fin au tout au moins d’amoindrir les chocs que vivent les femmes, pendant les périodes de conflit. C’est dans cet esprit que le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté (07) résolution ayant des implications sur la question genre, paix et sécurité.

La Résolution 1325 est la première résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies à porter sur les femmes et le genre. Elle a été adoptée le 31 octobre 2000 grâce à la lutte des ONG soutenues par UNIFEM (devenu ONU FEMMES), et quelques pays (tels que le Bangladesh et la Namibie), qui ont fait pression sur les Etats membres de l’ONU, pour faire inscrire la question des femmes à l’ordre du jour. Elle est devenue depuis un important instrument de plaidoyer pour les organisations et les personnes aux quatre coins de la planète. Malheureusement, elle reste peu connue, même dans le milieu restreint du genre et de la consolidation de la paix.

Dans un pays comme le nôtre, où la lutte pour le respect des droits des femmes est loin d’être gagnée, et où l’égalité hommes – femmes n’est pas acceptable pour beaucoup de gens, l’idéal serait que la vulgarisation de la Résolution 1325 et connexes soit faite aussi bien au niveau des communautés à la base qu’au niveau des couches socio professionnelles, à l’échelle nationale. Ainsi, tous les acteurs de la paix et la sécurité, et bien d’autres citoyens, connaîtront parfaitement la Résolution 1325.

La Résolution 1325 reconnaissait pour la première fois la différence des impacts des conflits sur les femmes et les filles, ainsi que leur rôle important dans la prévention, le règlement des conflits et la consolidation de la paix. Le texte appelle donc, non seulement à une approche spécifique de la gestion des conflits pour mieux répondre aux besoins particuliers des femmes et des filles, mais aussi à leur participation ‘’sur un pied d’égalité à tous les efforts visant à maintenir et promouvoir la paix et la sécurité’’ (CSNU, 2000).

La Résolution 1325 définit également des moyens pour atteindre ces objectifs, notamment le renforcement du soutien financier, technique et logistique et la formation des personnels aux questions de genre.

Question : Comment améliorer la participation politique des femmes ?

Maimouna Seydou : D’abord l’amélioration de la participation politique des femmes de Tillaberi passe par le retour de la paix. Ce qui implique la protection des personnes et leurs biens et l’amélioration des conditions de vie de la population notamment la lutte contre la pauvreté et la promotion du genre néanmoins je m’en vais donner quelques pistes des solutions. Pour améliorer la participation politique des femmes, le politique doit :

Veiller à la mise en œuvre effective de la résolution 1325 et connexe à toutes les instances de prises de décision ;

Veiller à l’application effective de la loi sur le quota à tous les niveaux de prises de décision ;

Favoriser la scolarisation et le maintien de la jeune fille à l’école ;

Faciliter l’accessibilité des crédits aux femmes ;

Renforcer les capacités de femmes en leadership communicationnel et surtout en plaidoirie ;

Négocier des projets aux femmes tout en les accompagnants dans la mise en œuvre ;

Sécuriser les femmes en période des conflits armés et mettre à leur disposition de moyens conséquents adéquats pour pouvoir assurer leurs survies et celles de leurs progénitures.

Propos recueillis par Oumou Gado