L’année 2021 s’achève dans quelques jours. Le moins que l’on puisse dire, elle restera sans doute une année atypique dans l’histoire récente de notre cher pays, le Niger. D’une part, elle a été très éprouvante à la fois pour le pays, mais aussi pour de nombreuses familles endeuillées à cause de nombreuses attaques terroristes.
D’autre part, elle est synonyme d’espoir au regard de nombreuses victoires remportées par les vaillantes Forces de Défense et Sécurité (FDS), et dont l’engagement sans relâche permet au Niger de connaitre une sécurité relativement meilleure par rapport à certains de ses voisins, mais aussi grâce aux festivités en lien avec les cérémonies du 63è anniversaire de la proclamation de la République du Niger qui se sont déroulées dans la joie et l’allégresse à Diffa (dans le cadre de « Diffa Nglaa ») et à Niamey (avec l’organisation du Gala de la République suivi de divers concerts au Stade Général Seyni Kountché essentiellement au profit de la Jeunesse nigérienne).
L’année 2021, c’est aussi l’arrivée de S.E Mohamed Bazoum à la Magistrature Suprême du Niger et dont la passation de pouvoir, qui s’est déroulée de manière pacifique, constitue une avancée démocratique majeure pour le pays.
Sans surprise, le nouveau président semble mesurer l’ampleur de défis auxquels le pays reste confronté et face auxquels il faudra apporter des réponses fortes.
Pour l’année qui s’annonce, en marge de la question sécuritaire, le Président et son gouvernement seront très attendus sur le traitement des épineuses questions de la corruption ainsi que de l’efficacité de la dépense publique.
Vers une perception moindre de la corruption ?
« Le deuxième grand problème de notre gouvernance réside dans la prévalence de pratiques de concussion et de corruption au sein de l’administration. La corruption prend diverses formes : pots-de-vin, surfacturations, dépenses inopportunes, commandes fictives, commandes partiellement livrées, etc. De telles pratiques ont cours malgré tous les dispositifs administratifs et juridiques mis en place pour les prévenir et les punir. C’est pourquoi la meilleure façon de lutter contre la corruption est de sévir contre ceux qui s’en rendent coupables. Mon credo sera de miser principalement sur la pédagogie de l’exemple en ne tolérant d’aucune façon le principe de l’impunité. Ainsi, je serai implacable contre les délinquants parce que j’ai conscience du tort que porte la corruption au développement du pays », déclarait en substance S.E. Mohamed Bazoum lors de son investiture, le 2 avril dernier.
Un constat sans doute amer mais qui s’accompagne aussi d’une volonté farouche du nouveau président d’endiguer le phénomène de la corruption qui sévit dans le pays. Il y’a en effet urgence ! Malgré l’existence de la HALCIA et le renforcement de ses capacités en 2016, le pays continue d’enregistrer des contre performances inquiétantes en matière de lutte contre la corruption ces dernières années. En cinq ans, le Niger a reflué de 25 places, passant ainsi du 98è rang (son meilleur rang depuis qu’il figure dans ce classement) en 2015 au 123è rang, selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International, classant les pays en fonction du degré de corruption perçue dans les administrations publiques et la classe politique.
Cela n’est pas sans conséquence pour le bon fonctionnement du pays puisque le niveau élevé de corruption continue d’entraver l’accès aux services de base. En 2019, le Baromètre mondial de la corruption –Afrique a révélé que plus d’une personne sur quatre, soit environ 130 millions de citoyens dans les 35 pays africains étudiés, a payé un pot-de-vin pour accéder à des services publics essentiels, comme les soins de santé. Pour le Niger, ce chiffre s’est établi à 23%. A titre de comparaison, ce chiffre est de 15%, 21%, et 16% respectivement pour le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso. Autre élément inquiétant, ce sont des actes de corruption durant la crise liée à la COVID-19 qui ont été rapportés dans le monde entier. Selon Transparency International, « la COVID-19 n’est pas seulement une crise sur le plan sanitaire et économique, mais également une crise sur le plan de la corruption, du fait du grand nombre de vies perdues en raison des effets insidieux de la corruption qui affaiblissent une réponse mondiale juste et équitable ».
Tant que ces problèmes de corruption ne sont pas résolus, le Niger risque de ne pas atteindre ses cibles des Objectifs de développement durable (ODD) d’ici l’horizon 2030.
On peut certes se réjouir du fait que le Président de la République, S.E Mohamed Bazoum ait conscience du préjudice très important que provoque la corruption au développement du pays.
Tout l’enjeu pour l’année 2022 consistera pour le gouvernement à tout mettre en œuvre pour atteindre l’objectif ambitieux que s’est fixé le Chef de l’Etat dans ce domaine, à savoir réduire de manière significative la corruption dans le pays.
Quel que soit l’ampleur de l’engagement du Président et de son gouvernement, il sera sans doute insuffisant face au niveau élevé de la corruption au Niger. Selon Transparency International France, « l’exemplarité de l’action publique et l’intégrité de la vie économique ne dépendent pas de nos seuls élus et de nos seules entreprises. Elles relèvent de la responsabilité de chacun d’entre nous ».
En d’autres termes, il n’y aura pas de progrès notables et durables contre la corruption au Niger sans davantage d’exigence, de vigilance et d’engagement des citoyens. L’engagement citoyen sera donc le levier principal du changement.
L’engagement de tous contre la corruption est essentiel pour :
- Accroître la pression citoyenne sur nos responsables politiques et économiques
- Favoriser la redevabilité de la décision publique et privée et en renforcer le contrôle
- Développer la détection et la sanction effective des atteintes à la probité.
La corruption n’a pas seulement un effet négatif sur l’accès des personnes à des soins de santé de qualité, elle peut altérer la qualité des dépenses publiques et donc les rendre inefficaces. Lutter contre la corruption peut donc contribuer à accroitre leur efficacité.
Dépenses publiques : la quêté de plus d’efficacité en ligne de mire ?
Dans un contexte d’incertitude plus élevé que d’habitude, la question de l’efficacité des dépenses publiques se pose avec beaucoup plus d’acuité. Des dépenses publiques efficaces permettent aux gouvernements de réellement soutenir la réalisation de leurs objectifs de durabilité sociale, environnementale et économique. Autrement dit, la manière dont les gouvernements dépensent leur argent peut avoir des effets positifs considérables. Cela peut favoriser l’innovation, créer des emplois et stimuler la croissance économique.
Pendant longtemps, la question de l’efficacité des dépenses publiques a été occultée, favorisant ainsi la gabegie et limitant au passage le potentiel de croissance économique au Niger. Cela devrait être un lointain souvenir, comme en témoigne l’engagement de S.E Mohamed Bazoum qui entend faire de ce sujet, une priorité majeure de son quinquennat. Le moins que l’on puisse dire, les premières décisions prises dans ce sens depuis son investiture en avril dernier semblent encourageantes. Et cela devrait se confirmer en 2022, année pendant laquelle on devrait assister au renforcement de l’efficacité des dépenses, notamment en capital et dans les secteurs stratégiques pour le développement durable tels que l’éducation (le secteur de l’éducation contribue à la formation du capital humain et implicitement à la croissance et permet de soutenir le développement économique. Le capital humain est à la base de la majorité des modèles de croissance endogène (Barro, 1991)), la santé (les dépenses de santé constituent un investissement dans le facteur travail. Les dépenses de santé peuvent contribuer à une augmentation de l’offre de travail à travers un effet volume de la main d’œuvre disponible) et l’agriculture (dont les investissements permettent essentiellement de lutter efficacement contre l’insécurité alimentaire mais aussi de créer de nombreux emplois).
En définitive, si la quête de l’efficacité semble indispensable pour l’année 2022, elle ne peut tout régler. Pour que notre pays retrouve la croissance, d’autres grandes réformes sont sans doute nécessaires. Elles devraient permettre une refondation du fonctionnement de notre économie autour de l’objectif de rétablissement de sa compétitivité, mais aussi de mieux répondre aux autres défis que le pays fait face.
Adamou Ibrahim Louché, analyste économique