Editorial : Nettoyer les écuries d’Augias !

 

‘’Nettoyer les écuries d’Augias’’.  Cette expression, empruntée à la mythologie grecque, signifie au sens propre (comme au figuré), faire un grand nettoyage en employant des méthodes radicales, selon l’encyclopédie en ligne. En effet, le nettoyage des écuries d’Augias était l’un des douze travaux d’Hercule. Pour cela, il détourna les fleuves Alphée et Pérée afin de leur faire traverser les écuries. Le résultat fut spectaculaire : Hercule a pu nettoyer les déchets de 30 ans de 3000 bœufs !

De scandales en scandales depuis l’érection de la 7ème République, la situation interpella le chef de l’Etat d’alors l’amenant à brandir sans succès l’opération Maiboulala en 2019. L’on peut soutenir que l’ancien Président de la République, Issoufou Mahamadou a eu le mérite,  dans ce domaine,  de poser les jalons de la bonne gouvernance et de la reddition des comptes avec l’éclosion des institutions comme la Haute autorité de lutte contre la corruption et infractions assimilées (Halcia), le pôle économique et financier du Tribunal de grande instance hors classe de Niamey, la CENTIF (Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF), la Cour des comptes sans ignorer la redynamisation de l’Inspection générale d’Etat (IGE).

Au Gabon, par exemple, pour donner confiance aux citoyens, Ali Bongo avait engagé, en 2019, le grand ménage au sein de la haute administration à travers ‘’l’opération scorpion’’. Dans la même lancée, notre voisin feu Idriss Déby du Tchad livrait à la justice le Secrétaire général de la Présidence, de surcroit un ancien Premier ministre pour corruption aggravée.

En République démocratique du Congo, sous le magistère de Félix Antoine Tshisekedi, son Directeur de cabinet, Vital Kamerhe a été jugé et condamné pour faits de corruption et détournement des deniers publics. Il écope de 20 ans de prison en janvier 2020.

Mais au Nigeria voisin, le Président Buhari qui en a fait de la lutte contre la prévarication son cheval de bataille est à son second et dernier mandat  n’a obtenu qu’un résultat mitigé dans ce domaine. En effet, en dépit des efforts déployés dans ce sens, le Nigeria reste et demeure un peu très corrompu dans le classement mondial en terme d’indice de perception de la Corruption: 149ème sur 180 pays classés par transparency International en 2020.

En revenant au Niger, l’on se souvient qu’au premier mandat du Président Issoufou, pour redorer le blason du Gouvernement, des pontes du régime à savoir Monsieur Ouhoumoudou Mahamadou et Monsieur Kalla Ankourao (respectivement ministre des finances et ministre de l’équipement au moment des faits ) ont été démis de leurs fonctions en raison de leur implication dans un processus irrégulier d’attribution d’un marché public.

Entretemps, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Les affaires des plus scabreuses ont été révélées par la presse et la Haute autorité de lutte contre la corruption et infractions assimilées (HALCIA). De proche en proche, l’impunité ou le laxisme dans la répression de la concussion entachait l’image du  Gouvernement de Brigi Rafini.

Avec l’affaire dite MDN (Ministère de la défense nationale) l’image de ce Gouvernement était à jamais écornée. La kyrielle d’affaires impunies a fini par convaincre les Nigériens que la putréfaction de la 7ème République était avancée de sorte que le scrupule et le sens de l’Etat avaient déserté les consciences de certains membres du Gouvernement et responsables des démembrements de l’Etat.

Quand l’on s’intéresse véritablement à l’histoire de la lutte contre la corruption au Niger, on se rend compte, à l’évidence que ce fléau, n’a pas de couleur politique encore moins propre à un régime. Hier comme aujourd’hui, la corruption a toujours sévit au Niger : des individus profitent de leur position institutionnelle ou administrative pour s’enrichir tout en appauvrissant l’Etat ; aggravant, par ricochet les conditions de vie déjà très insupportables des masses populaires laborieuses.

Ainsi, en réponse à un internaute (en janvier 2017) sur twitter, qui voudrait savoir qu’en est-il de l’opération Maiboulala, en son temps, le Président de la République Issoufou Mahamadou répondait en ces termes : « L’opération se poursuit. La corruption est une véritable plaie pour notre société. Des efforts sont faits. Le Niger est passé de la 134e à la 99e place dans le classement de Transparency International. »

Cette réponse du Président Issoufou rappelle une autre. En effet, face à la presse en 2015 et répondant à la question d’un confrère sur la lutte contre la corruption, le Président Issoufou a dit ceci : « Je n’abandonne pas ce combat, mais je le fais avec plus de patience et d’intelligence. » En d’autres termes, face à la réalité, le Président Issoufou s’est rendu compte,  à l’évidence,  qu’il faudrait changer de fusil d’épaule même si, à l’arrivée, son résultat est resté également très mitigé.

En commençant à sévir dès le début de son mandat et conformément à son serment, le Président Mohamed Bazoum voudrait dire aux nigériens qu’il n’est jamais tard pour bien faire. Et en le faisant, il entend tenir ses promesses électorales. C’est justement pour réparer ces impairs de gestion que le Chef de l’Etat entend sévir indistinctement de la coloration politique des indélicats.

N’est-ce pas dans cette même optique que le Président du PNDS d’alors, Mohamed Bazoum avait martelé dans Jeune Afrique que le second mandat du président Issoufou était ‘’propice à la lutte contre la corruption ‘’ ?

Certes face à certaines réalités politiques, il est plus aisé de dire que de faire. Cela est d’autant vrai que la corruption est un phénomène perçu comme un serpent de mer. De temps en temps, on en parle au rythme de l’actualité. Mais en attendant, le constat est clair : l’Etat s’appauvrit mais quelques individus s’enrichissent au détriment du peuple et des attentes et besoins sociaux.

A la vérité, autant des citoyens s’engagent à dégager les immondices dans la ville de Niamey, autant la putréfaction est réelle au niveau des mœurs. Il faut peut-être une union sacrée pour bouter la corruption et restaurer la confiance dans les rapports gouvernants-gouvernés. Mais avec la foi, on peut déplacer des montagnes, dit-on. Et le président Bazoum sait qu’il jouit du soutien total du peuple nigérien dans cette lutte implacable contre le pourrissement du pays. Il faut simplement aider le soldat Bazoum à nettoyer les écuries d’Augias !

Elh. M. Souleymane

Niger Inter Hebdo N°39 du mardi 26 octobre 2021