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Religion : Pour des mosquées viables au Niger

Véritables lieux de culte combinant le sacré et le social, de nombreuses mosquées au Niger font pourtant l’objet de délaissement par leurs fidèles. Faute d’avoir un « modèle économique » viable pour s’autofinancer, certaines mosquées du pays se retrouvent très souvent dans un état déplorable ; une situation aux antipodes des recommandations de l’Islam, qui prône la convenance et l’hygiène en permanence dans la « maison d’Allah », et qui pourrait entamer la sérénité des fidèles dans l’accomplissement de leurs actes d’adoration.

 

La mosquée, au-delà d’être un lieu de culte, revêt un caractère très sacré pour les musulman(e)s. Ces derniers représentent, à titre de rappel, près de 99% de la population du pays. Très attachés à leur foi, les Nigériens et Nigériennes de foi musulmane, dès lors que leurs moyens financiers le leur permettent, sponsorisent la construction de la Maison d’Allah. Deux raisons essentielles expliqueraient ce fort engouement :  1) contribuer à promouvoir la religion musulmane, ainsi que ses valeurs à travers la pratique des actes d’adoration dans la mosquée 2) le fait de construire une mosquée dans le sentier d’Allah constitue ce que l’on appelle une « Sadaqa Jariyah », (comme nous allons le voir plus bas) et permet à de nombreux croyants d’aspirer à la récompense suprême, qu’est l’accès au Paradis.

Quand l’anarchie règne

Si le fait de bâtir un lieu de culte est salutaire, on observe cependant une certaine anarchie à travers le pays, malgré le fait que la construction des lieux de cultes doit obéir à des règles d’urbanisme très strictes. Mais, face au laisser-aller des autorités qui se caractérise par l’absence criarde de contrôle efficace en la matière, on retrouve presque une mosquée dans chaque coin de rue. Faute de statistiques disponibles, il est difficile, voire impossible de déterminer leur nombre. Toutefois, derrière la pléthore de mosquées dans le pays se cacherait de multiples défaillances et insuffisances. Puisque certaines mosquées peinent à exercer les tâches[1] qui leur incombent. Résultat : certaines sont peu ou pas fréquentées par les fidèles à cause notamment du non-respect des normes de construction pouvant exposer ces derniers au risque d’effondrement ou de contracter de maladies en raison de l’insalubrité ambiante.

Qui n’a-t-il pas, au moins une fois dans sa vie, surpris une chèvre ou un autre ovin en train de se « promener » dans la cour ou à l’intérieur de la mosquée de son quartier ? Combien de fidèles, n’ont-ils pas pu effectuer la prière à temps ou dans de meilleures conditions à cause de l’inondation de leur mosquée en périodes de pluies ? Ces deux situations, sans doute non exhaustives, qui témoignent de la négligence dont les fidèles font preuve parfois vis-à-vis de leurs lieux de cultes, résulteraient de l’absence de suivi et de gestion rigoureux et exemplaires de ces derniers.

Par suivi et gestion rigoureux et exemplaires, nous entendons essentiellement trois (3) choses. D’abord, le fait de doter une mosquée d’un statut et d’un comité (officiel) assurant sa gestion de manière irréprochable. Ensuite, s’assurer que ce comité soit en mesure de mobiliser des fidèles[2] ou adhérent(e)s[3] pour participer aux frais de fonctionnement du lieu de culte ainsi que son entretien à travers le versement des cotisations régulières et selon une fréquence définie. Enfin, veiller à ce que ce comité assure sa mission de manière transparente et rendre compte régulièrement aux fidèles ou adhérent(e)s du lieu de culte dont il a la gestion en charge.

     Six bonnes raisons pour soutenir sa mosquée

Les crises que traversent de nombreuses mosquées, exacerbées le plus souvent par l’absence de structuration de celles-ci (doter la mosquée par exemple d’un statut (association) reconnu par les autorités coutumières ou administratives), dans le pays sont de loin une fatalité. En tant que fidèle, on peut agir, ne serait-ce qu’avec les modestes moyens dont on dispose, pour améliorer la situation du lieu de culte que l’on fréquente de manière occasionnelle, ponctuelle ou permanente. Pour ce faire, voici six bonnes raisons[4] pour joindre l’utile au sacré.

Premièrement, le fait de construire une mosquée et/ou participer régulièrement ou ponctuellement aux frais de son fonctionnement est considérée comme une « Sadaqa Jariyah ». A titre de rappel, la Sadaqa Jariyah signifie littéralement « une charité continue, fluide et qui circule ». Alors qu’une simple Sadaqa profite à son destinataire à une seule occasion, la Sadaqa Jariyah lui sera bénéfique à plusieurs reprises et sur un plus long terme[5]. Autrement dit, même après votre décès, les récompenses continueront de s’accumuler aussi longtemps que les gens en bénéficieront, c’est-à-dire tant qu’ils continueront à utiliser la mosquée. « Lorsqu’une personne meurt, toutes ses œuvres sont interrompues sauf trois : une Sadaqa Jariyah (aumône continue), une science bénéfique transmise, ou un enfant pieux qui fait des invocations pour elle[6] ». La Sadaqa Jariyah est donc un don d’espoir de la part d’Allah. Allah (swt) nous dit dans le Coran que certains lui demanderont de leur accorder un peu plus de temps sur Terre pour qu’ils fassent des Sadaqas ; mais donner une Sadaqa Jariyah permet aux croyant(e)s de partir en paix, tout en sachant qu’Allah, le Plus Miséricordieux et Généreux, continue de leur offrir des récompenses pour leur don.

Deuxièmement, être donateur mensuel de sa mosquée, c’est assurer l’indépendance financière de sa mosquée et sa pérennité sur le long terme. Une mosquée qui n’a plus à se soucier de sa gestion financière peut se focaliser plus facilement sur tous les projets sociaux, éducatifs et les activités religieuses qui lui incombent.

Troisièmement, rares sont les fidèles qui savent à combien s’élèvent les charges mensuelles de leurs mosquées : l’eau utilisée pour les ablutions, l’électricité qui permet de prier souvent au frais pendant les périodes de forte chaleur. C’est triste de voir certaines mosquées faire l’objet de coupure d’eau et/ou d’électricité faute de pouvoir honorer leurs factures, privant ainsi leurs fidèles du confort nécessaire à l’accomplissement serein des actes d’adoration, à l’image de la prière ou la lecture du Saint Coran. Sans oublier les entretiens périodiques tels que le nettoyage des tapis ou nattes de prières, la sonorisation, la toiture pour limiter le risque des fuites d’eau pendant la saison hivernale, etc. Seuls les dons réguliers des fidèles et/ou adhérent(e)s peuvent permettre de payer les factures et d’assurer les entretiens périodiques.

Quatrièmement, plus les adhérent(e)s et/ou fidèles seront nombreux, plus la part individuelle à payer serait moins importante. Autrement dit, plus on est nombreux, moins on paye. Puisque si vous ne cotisez pas, quelqu’un pairera sa part et la vôtre, et il sera davantage rétribué par le Tout Puissant.

Cinquièmement, adhérer à sa mosquée est synonyme de responsabilité et d’engagement. En effet, devenir adhérent(e), c’est la possibilité de participer à la vie et aux décisions de l’association lorsque la mosquée bénéficie de ce statut, de voter à l’assemblée générale et de faire partie intégrante de la structure.

Enfin, soutenir sa mosquée, c’est contribuer la sortir de la précarité. C’est aussi faire preuve d’une « meilleure attention à son égard ». Impliquons-nous davantage afin que nos mosquées soient bien entretenues et pouvoir offrir la sérénité dont les fidèles ont besoin pour accomplir leurs actes d’adoration dans de meilleures conditions et multiplier, par ricochet, la chance qu’ils soient agréés par Le Créateur.

Adamou Louche Ibrahim (Economiste, @ibrahimlouche)

[1] Une mosquée est plus qu’un lieu de culte ; elle sert d’institution sociale et éducative : elle peut, ainsi, être accompagnée d’une madrassa, d’une bibliothèque, d’un centre de formation, voire d’une université.

[2] Personne qui a la foi et qui fréquence la mosquée régulièrement.

[3] Personne qui, en plus d’être fidèle, adhère à l’association qui gère la mosquée.

[4] Le présent paragraphe s’inspire des recommandations formulées par Les Musulmans à retrouver sur www.lesmusulmans.fr

[5] Cf. l’article « Sadaqa Jariyah : le don continu de l’espoir » publié en 2020, disponible ici https://muslimhands.fr/actualite/2020/05/sadaqa-jariyah-le-don-continu-de-l-espoir

[6] Hadith rapporté par Muslim. Hadith n°1383 dans Riyâdh As-Sâlihîn