Honorable, Saadou Dillé, président du Groupe parlementaire PNDS Tarayya © NigerInter.com

Entretien avec le député Saadou Dillé, président du groupe parlementaire PNDS Tarayya

« L’arrêt de la Cour Constitutionnelle met en évidence la crédibilité et le bon fonctionnement de nos institutions. En tant que démocrate, à mon sens, il n’y a rien à redire», déclare le député Saadou Dillé.

 Le dernier arrêt de la Cour Constitutionnelle est considéré par l’opinion publique comme un camouflet pour la majorité parlementaire. Pour en savoir plus, nous avons interrogé le député Saadou Dillé, président du Groupe parlementaire PNDS Tarayya. Il a répondu également à d’autres questions d’actualité comme la révocation des maires et le grief de bâillonnement des libertés fondamentales. Entretien.

« Je dirais que cet arrêt de la Cour Constitutionnelle met en évidence la crédibilité et le bon fonctionnement de nos institutions. En tant que démocrate, à mon sens, il n’y a rien à redire», déclare le député Saadou Dillé.

Niger Inter : Dans son arrêt n°003/CC/MC du 30 juin 2017, la Cour Constitutionnelle a rejeté le projet de loi organique portant code électoral parce que 12 articles ne sont pas conformes à la Constitution. Quelle est votre réaction à ce propos ?

Député Saadou Dillé : Merci de m’avoir donné la parole et surtout de donner mon opinion par rapport à tous ces sujets d’actualité. Je dois vous dire tout d’abord que les arrêts de la Cour Constitutionnelle en ce qui concerne les lois organiques sont légion. Ce n’est pas la première fois et ce ne sera certainement pas la dernière fois que la Cour Constitutionnelle va rendre un arrêt sur la conformité d’une loi organique. C’est cela sa mission conformément à la Constitution elle-même. Il y a eu déjà plusieurs autres cas  qui sont passés inaperçus. Cette fois-ci soulève beaucoup de débat. Ce qui se comprend aisément parce qu’il s’agit d’une loi relative au code électoral et comme vous le savez le code électoral c’est un sujet très sensible. Telle est mon impression sur cette actualité.

Niger Inter : L’opinion publique perçoit cela comme un camouflet, un revers judiciaire pour votre majorité…

Député Saadou Dillé : Pour ceux qui pensent que c’est un échec ou un revers à l’encontre de la majorité parlementaire c’est leur opinion. En tant que démocrate je sais que la diversité ou la pluralité des opinions constitue un enrichissement de la démocratie. Ceci dit, en tant que parlementaire également je ne considère pas le fait que la Cour Constitutionnelle déclare certains articles non conformes à la Constitution comme un échec quand on sait combien le travail législatif est laborieux. La Cour Constitutionnelle regarde la conformité de tous les articles dans toutes les lois organiques, un à un et analyse leur conformité par rapport à la Constitution. Lorsqu’ils sont conformes, elle les valide. Lorsqu’ils ne le sont pas, elle interpelle l’Assemblée nationale ou les initiateurs de la loi de manière à ce qu’ils procèdent à des corrections. Tout récemment je vous rappelle que certains articles du règlement intérieur ont été recalés par la même Cour. C’est la preuve, si besoin est, que la Cour Constitutionnelle ne fait que le travail que la Constitution lui a demandé de faire conformément justement aux dispositions qui régissent les différents pouvoirs. Je pense que ceux qui prétendent que la Cour Constitutionnelle serait une Cour aux ordres sont bien servis. C’est pour moi une façon de dire aux uns et aux autres d’avoir une posture de démocrates en acceptant le libre jeu démocratique à savoir qu’une décision de justice peut être par moments pour ou contre nos intérêts politiques. Pour répondre précisément à votre question, le revers je n’en vois pas. On procèdera comme par le passé pour le cas d’espèce, on prendra les articles qui ont fait l’objet de rejet qui sont  au nombre de 12. On va les revoir un à un et trouver une rédaction qui soit conforme aux dispositions de notre constitution. Je profite pour dire à l’opinion que faire une loi c’est un travail très laborieux et complexe parce que en même que vous rédigez un article, sans le savoir vous pouvez empiétez une disposition d’une autre loi de la constitution ou d’un autre texte réglementaire. Il s’agit plutôt de faire en sorte que tout l’arsenal judiciaire soit cohérent. Il y a lieu tout de même de signaler que parmi les 12 articles rejetés, une bonne partie (articles 90, 129, 140, 157, 105, 107, 113) d’entre eux sont relatifs aux délais d’organisation des différents scrutins. Le motif de leur rejet est qu’ils sont contraires à l’article 59 de la constitution qui reconnait au président de la République le droit de dissoudre le parlement tout en lui faisant obligation d’organiser des élections anticipées dans un délai de 45 à 90 jours. Or, tous les nouveaux délais proposés vont de 90 à 120 jours. La troisième insuffisance majeure qui a été relevée dans la loi soumise au contrôle de la Cour est relative aux recours pour excès de pouvoir en matière électorale. En effet, la nouvelle loi prévoit de soumettre tous les recours à la Cour Constitutionnelle à ses articles 129, 165 et 170 en violation des articles 120 et 166 de la constitution.

Niger Inter : que répondez-vous à ceux qui disent que le but recherché à travers ce projet de loi portant code électorale vise simplement à disqualifier Hama Amadou de la prochaine élection présidentielle à travers l’article 8 du code électoral ?

Député Saadou Dillé : Très malheureusement pour ceux qui nous font ce procès d’intention, il faut rappeler simplement que cette disposition n’est ni nouvelle, ni une invention de la 7ème République. Elle existe déjà dans les codes électoraux antérieurs ; vos lecteurs peuvent se référer au code actuellement en vigueur pour le vérifier.

Niger Inter : d’aucuns reprochent également au gouvernement et à la majorité parlementaire d’avoir manqué de vigilance. Est-ce que parce que tout s’est passé en une journée marathon, comme le prétendent certains ?

Député Saadou Dillé : Je dois rappeler à ceux-là que ce travail a commencé il y a plus de six (6) mois. Il y a d’abord des séminaires à l’initiative de la  Commission électorale nationale indépendante (CENI) après avoir rendu son rapport après les dernières élections qui avaient mis en évidence un certain nombre d’incohérences du code électoral. Il y a eu également le rapport des observateurs de nos dernières élections qui ont fait des constats et recommandations pour la mise à jour des lois électorales au Niger. Je dois également souligner que les partis politiques ont fait des observations sur ces insuffisances de nos textes et des suggestions pour apporter des correctifs. C’est donc à l’issue de tout ce travail en amont que le processus de la révision de la constitution a été résolument enclenché. Le texte est passé donc régulièrement au Conseil de cabinet du gouvernement et au Conseil des ministres puis à l’Assemblée nationale. C’est vous vous dire qu’après tout ce processus là on ne peut pas dire que ça été précipité. Si on a eu des obstacles c’est surtout lié au processus de la confection d’une loi qui est très complexe. Au moment où vous rédigez une loi en voulant régler un problème alors il y a le risque d’empiéter d’autres dispositions car il faut tenir compte du tout : la constitution, le code pénal et bien d’autres textes fondamentaux. Le juge constitutionnel considère la cohérence de l’ensemble de ces textes qui ne doivent pas se contredire. A mon humble avis il ne faudrait pas voir cet arrêt de la Cour comme une mauvaise chose. C’est une très bonne chose que la Cour Constitutionnelle ait pu déceler ces erreurs ou ces contradictions en temps réel. En un mot, je dirais que cet arrêt de la Cour Constitutionnelle met en évidence la crédibilité et le bon fonctionnement de nos institutions. En tant que démocrate, à mon sens, il n’y a rien à redire.

Niger Inter : On reproche à votre régime de vouloir instaurer une dictature en sapant les libertés fondamentales avec des menaces et emprisonnement des journalistes, acteurs de la société civile et adversaires politiques. Que répondez-vous ?

Député Saadou Dillé : A ceux qui profèrent ces allégations, je les renvoie aux rapports des institutions qui ont vocation à dresser des rapports sur la gouvernance ou l’état de droit. Qu’il s’agisse d’Amnesty International, Reporters Sans Frontières ou Transparency International notre pays occupe une place de choix parmi les pays les plus respectueux des droits humains et libertés fondamentales. Nous avons suivi avec intérêt la réintégration de notre Commission Nationale des Droits de l’Homme à l’échelle internationale. Je rappelle que celle-ci avait perdu sa place à un moment de notre histoire récente. Si elle a été réintégrée c’est justement grâce aux efforts du régime actuel en matière de respect des libertés fondamentales. Les acteurs qui tiennent ces propos savent très bien ce qui a prévalu auparavant et ce qui prévaut actuellement. Maintenant par rapport à certaines récriminations, je dois dire que nul n’est censé ignorer la loi. Les libertés ont des limites définies par la loi et c’est pourquoi le code pénal existe. Je vous rappelle que le code pénal actuel n’est pas l’œuvre des autorités actuelles. Je ne sache pas que la liberté de presse ou de manifester remettent en cause les limites fixées par le code pénal. Je précise que ce code pénal date des années 1960 alors si ses dispositions ont toujours prévalu pourquoi voudrait-on les remettre en cause maintenant ?  Le code pénal c’est ce qui a toujours régis les rapports entre les individus, entre les individus et les groupes ou même l’Etat. A mon sens l’application des dispositions du code pénal aux contrevenants est loin d’être une innovation de la 7ème République.

Niger Inter : Une autre question d’actualité c’est la récente révocation de certains maires par le Conseil des ministres. Une certaine opinion voit en cela une manœuvre de positionnement pour les prochaines élections. Avez-vous un commentaire ?

Député Saadou Dillé : C’est un secret de polichinelle que c’est à notre corps défendant qu’on avait reporté les élections locales et municipales pour le renouvellement des mandats de ces conseils. Le gouvernement avait bien expliqué le pourquoi de ce report. Mais il faut rappeler que le ministre chargé de l’intérieur qui assure par ricochet la tutelle de ces mairies avait annoncé publiquement que la gabegie et autres indélicatesses ne seraient pas impunies au sein de ces communes. Le ministre d’Etat avait même annoncé des inspections inopinées de la gestion de ces mairies. Et on le sait, l’opération mains propres dite ‘’maiboulala’’ ne saurait s’accommoder avec des maires indélicats. Il vous souviendra que récemment le président de la République avait mis en garde solennellement tous les maires du pays de se reprendre notamment dans la gestion des vivres à prix modéré aux populations. Vous conviendrez qu’il est inacceptable que ces vivres destinées à soulager les souffrances des populations soient lâchement détournés par ces maires et leurs complices qui en font un fonds de commerce. A ce que je sache, il est reproché à tous ces maires révoqués une mauvaise gestion et de détournement des deniers publics constatés par des inspections. Quant à ceux qui nous reprochent de manœuvrer à travers ces révocations, je les défis de vérifier s’il n’y a pas des maires PNDS parmi ces maires. Je pense que autant les maires PNDS sont sanctionnés autant il faut souffrir qu’on applique la même mesure aux autres maires indélicats des partis alliés ou adversaires.

Propos recueillis par Elh. Mahamadou Souleymane