« Je suis audacieux, mais pas téméraire. Je sais à qui j’ai affaire» déclarait Hama

Nous vous repassons chers lecteurs une interview de Hama Amadou du temps de sa déchéance, quand il diabolisait Tandja Mamadou au plus fort de la lutte contre le tazarché. A l’époque, très lucide, il en était arrivé à considérer Tandja comme un vulgaire assassin qui ne se souciait que d’une chose :  «  il cherche un moyen pour me mettre la main dessus pour me tuer » déclarait Hama.   «Je suis audacieux, mais pas téméraire. Je sais à qui j’ai affaire» ajoutait-il. Aujourd’hui tout est bon, Tandja est devenu, par la magie de Hama fréquentable ; candidat unique de l’ARDR, et Tandja y croit ! Ha Ha ! Tout Niamey rit !

Monsieur le Premier Ministre. Vous êtes à Abuja dans le cadre de la médiation de la CEDEAO par rapport à la crise actuelle au Niger. Une crise qui court depuis presque deux ans avec le vent du  »Tazartché ». Avec le recul, analysez-vous la situation politique actuelle du pays ?

Hama Amadou : Je dirais simplement que le Niger se trouve sous un régime de dictature. A la suite d’un coup d’Etat, et qu’en tout état de cause, comme tout coup d’Etat, celui-ci, comme les autres, est encore inacceptable. Dans la mesure où le peuple a fait confiance à cet homme par deux fois. Et la reconnaissance de cette confiance, c’est la trahir au moment où il fallait partir et présenter ses remerciements à ce peuple. Je trouve que le Niger est dans une situation politique très particulière. Elle est inédite dans le monde. Il est dans une situation politique qui, inévitablement, va évoluer vers une catastrophe dont la nature et l’ampleur dépendront du peuple nigérien lui-même.

Le médiateur désigné de la CEDEAO vous a rencontré, durant 48 heures ici à Abuja, pour vous écouter. Qu’est ce que vous pensez de cette médiation ?

Nous sommes venus à Abuja dans le cadre de cette médiation. Et à l’invitation de la CEDEAO et du médiateur de la CEDEAO, le Général Abdousalami Aboubacar, ancien président de la République Fédérale du Nigeria. Nous sommes venus présenter notre analyse de la situation qui prévaut au Niger. Notre vision des perspectives qui s’annoncent sombres pour notre pays et la nécessité d’y remédier très rapidement, afin d’éviter que le Niger ne tombe dans un abîme sans fin. Nous avons d’abord administré la preuve que, contrairement à toutes les allégations, que Monsieur Tandja Mamadou a bel et bien commis un parjure, il a violé son serment, il a violé la constitution, il a trahi le peuple nigérien, il a commis un acte de trahison passible de la Haute Cour de Justice. Voilà la vérité ! Ceux qui s’évertuent à expliquer qu’il n y a pas de violation, ne comprennent rien du tout au Droit constitutionnel ou sont d’une mauvaise foi qui défie l’imagination.

Le monde entier est conscient, malgré toutes les gesticulations dont ils font preuve, qu’au Niger la constitution a bel et bien été violée. Que le serment coranique de Monsieur Tandja Mamadou a été violé par celui-ci. Il est difficile de faire confiance à un partenaire qui est capable de violer la constitution de son propre pays. Parce que dans un pays, l’ordonnancement juridique place la constitution de la République au-dessus de toutes les lois et règlements et au-dessus des individus. Par ce que c’est lui qui attribue le pouvoir et c’est lui qui définit les conditions dans lesquelles le pouvoir doit être exercé. Si la loi fondamentale peut être piétinée par ceux qu’elle a créés, il est évident qu’un tel partenaire ne peut être fiable. Pour aucun autre pays, dans ces conditions c’est le Niger qui sera victime de tout ce qui se passe, de la part de ceux qui se sont arrogés illégalement le pouvoir d’Etat, même pas par les moyens démocratiques qui l’ont porté au pouvoir, mais par des moyens frauduleux et des moyens qui frisent le défi contre Dieu.

Parce que celui qui viole son serment coranique ne défie pas seulement les hommes, il défie également Dieu. Aucun être humain, quels que soient sa taille et son poids, quelles que soient ses prétentions, ne peut se comparer à Dieu. Il faut faire preuve d’humilité et savoir que dans un pays, quel que soit le nombre de sa population, aucun individu ne peut prétendre qu’en dehors de lui, il n’existe aucun autre concitoyen capable de faire ce qu’il est entrain de faire ou de faire mieux que lui. Nous avons entendu des propos de ce genre, où Tandja prétend qu’au-delà du Nigér, il est le plus grand président du Monde. Classant ainsi derrière lui les Obama et tous les autres grands dirigeants de cette planète. C’est vous dire, la situation doit inquiéter les Nigériens. Ce qui veut dire que les Nigériens doivent s’attendre, dans les jours à venir, à des perspectives extrêmement difficiles pour leur quotidien

C’est justement pour ne pas en arriver-là que cette médiation a été initiée. Si on parle de médiation, on parle forcement de concessions. Au vu de tout ce que vous avez expliqué, au niveau de la CFDR, quelles peuvent être les concessions que vous pouvez consentir pour que le Niger sorte de la crise ?

Comprenons-nous bien. Est-ce que en tant que citoyen nigérien, vous êtes d’accord qu’on concède l’assassinat de la démocratie ? Qu’on fasse l’économie de la démocratie au Niger et qu’on passe ? La démocratie ne peut être concédée. Vous êtes d’accord que nous concédions la violation de la constitution, afin qu’après Tandja, un autre citoyen nigérien se dise que, puisque çà a marché avec Tandja, nous allons faire la même chose. Sur les principes démocratiques, sur les acquis démocratiques, même si nous le voulons, nous ne pouvons pas faire de concessions. Et nous ne demandons rien d’autre, en ce qui nous concerne, que la restauration de la démocratie et le respect des règles démocratiques qui passent par l’Etat de droit, c’està- dire le respect du droit et que les gouvernants gouvernent sous l’empire de la loi et non sous l’empire de leur seul lobby.

Pendant que cette médiation a été initiée, la justice nigérienne lancé deux mandats d’arrêts internationaux, pour blanchiment d’argent, l’un contre vous, l’autre contre le chef de file de l’opposition, qui lui est rentré au pays. Comment vous avez réagi en apprenant ce 2ème mandat d’arrêt international contre vous ? Et quelles sont les raisons profondes qui vous motivent à ne pas retourner au pays ?

Bon ! Pouf… Ces mandats d’arrêts internationaux, au Niger on dit c’est  »Wassa Kara ». Quand un pays ne peut pas lui-même exécuter ses propres mandats internationaux, comment voulez- vous que les autres pays qui vous regardent les exécutent. C’est des mandats qui font rire le monde entier. Quand on prétend que l’ancien Premier Ministre du Niger, en 2008 et 2009, a blanchi 150 milliards FCFA, pendant qu’il était donc en prison, on fait rire même les vaches. Sur quelles activités illégales pouvez-vous vous procurer un tel montant ? Pendant que j’étais en prison, j’ai volé les armes des gardes pour les vendre ? J’ai vendu de la drogue ? J’ai mené quelles activités illégales pouvant me procurer une telle somme ? Parce que nous sommes bien d’accord, je ne peux pas détourner 150 milliards pendant que j’étais en prison.

Donc, ce sont des dossiers qui ne peuvent convaincre aucun homme sensé en territoire du Niger. Il suffit simplement d’écouter les éléments à partir desquels les dossiers de mandat d’arrêt international ont été lancés pour en rigoler. J’ai honte pour mon pays. Ces mandats d’arrêt international, n’ont d’autres objectifs que de se débarrasser des hommes politi ques et des dirigeants politiques nigériens capables de remplacer Tandja Mamadou demain s’il y a des élections libres et démocratiques. Ces 150 milliards représentent à peu près 15 tonnes de papiers. Est-ce qu’on peut les cacher sous un lit ? Est-ce qu’on peut les mettre sous un matelas ? Il faut au moins 2 TLM pour les prendre. Donc, si j’ai blanchi de l’argent, 150 milliards en un an, je suis un génie. Les Nigériens doivent rapidement faire partir Tandja pour me prendre, puisque je sais fabriquer de l’argent. 150 milliards en un an et en prison. Mais, si je suis libre hors de la prison je peux en fabriqué des milliards encore plus nombreux.

Çà vous donne une idée de ce qui se passe. Celui-là n’est pas terminé, on lance un autre mandat d’arrêt international pour blanchiment, où on prétend que des Etats souverains ont participé avec nous, en complicité, au blanchiment de l’argent qu’ils nous ont donné. Peut-on accuser ses propres voisins de blanchiment d’argent. Et les banques auprès desquelles on prétend avoir blanchi l’argent, il faut les citer. On dit une banque au Luxembourg, une banque en Suisse,… une banque c’est vague. Chaque banque a un nom dans le monde. Je suis soucieux d’entendre les noms de ces banques. Comme je suis encore libre, pour que j’aille voir ces banques et que je prenne mon argent. Ou encore qu’elles sachent que le gouvernement nigérien les accuse de blanchiment. Je pense que c’est encore d’autres problèmes plus graves pour le Niger. Puisque la guerre avec les institutions bancaires internationales, le Niger ne peut pas la gagner.

Donc accuser des banques internationales de blanchiment d’argent, dans le monde d’aujourd’hui, ce sont des accusations extrêmement graves. Pour se débarrasser des opposants, vous voyez bien qu’ils n’ont pas hésité à monter des dossiers aussi honteux qui dégradent l’image du Niger et transforment le Niger, pas en République bananière, car on n’a pas de bananes, mais en République  »acaciaire » (NDLR : l’arbre acacia), puisqu’on a des acacias chez nous. C’est très grave ce qui est en train de se faire. J’ai honte pour mon pays. J’ai honte pour ceux qui prétendent agir pour l’intérêt du Niger. Mais on est entrain de compromettre l’intérêt du Niger de manière très grave, de manière extrêmement pitoyable. Et ceux qui sont entrain de poser des actes de ce genre doivent savoir que le temps arrive à bout de tous les errements, de toutes les perversions. Et que le temps leur permettra un jour de se rendre compte du mal qu’ils ont fait au Niger.

En apprenant ce mandat d’arrêt, vous avez décidé de ne pas revenir au Niger contrairement à d’autres leaders contre lesquels un autre mandat a été lancé. Quelles en sont les raisons profondes ?

La raison en est simple. Tandja veut me tuer. Tandja ne veut pas m’arrêter. Tandja cherche un moyen pour me mettre la main dessus pour me tuer. Je suis audacieux, mais pas téméraire. Je sais à qui j’ai affaire. Je ne vais pas aller me lancer dans un piège aussi élémentaire. Quand il a fallu aller au Niger, j’y ai été. Personne ne peut m’accuser d’être un peureux. Lui-même Tandja ne peut pas m’accuser d’être un peureux. Parce qu’il sait, les moments les plus difficiles que nous avons traversés ensemble, il ne m’a jamais vu trembler. Il le sait.

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La Communauté internationale accentue sa pression sur le Niger. Le régime en place vous accuse à travers certaines voix d’être à l’origine des sanctions et mesures prises par cette communauté à l’encontre du Niger. Qu’en ditesvous ?

Mais là les Nigériens devant ces propos devraient s’inquiéter. Comment de simples individus, qui ne représentent rien, d’après les propres propos de Monsieur Tandja, peuvent-ils pendant que l’Etat du Niger avec ses gouvernants, ses institutions, son drapeau sont là, avec le plus grand président du monde que des simples individus, qui ne représentent rien, puissent amener la communauté internationale à prendre des mesures contre tout ce beau monde. Çà veut dire que vous avez des incompétents à la tête de l’Etat du Niger. Et que ceux qui sont capables de faire bouger la communauté internationale sont eux chassés. Moi je suis très content d’entendre que Tandja reconnait que je suis capable de faire bouger la communauté internationale. Mais soyons raisonnables, cette communauté internationale, ce n’est pas des instruments avec lesquels des simple individus peuvent s’amuser.

Ce sont partout des grands responsables du monde à qui on ne peut pas raconter des histoires. Ils savent comment agissent les peuples. Ils savent les processus par lesquels les peuples se prononcent. Avant qu’il ne fasse son faux referendum, il a rencontré le peuple où ? Dans quelle salle ? Ou bien sur quel territoire ? Le peuple, il ne l’a vu nulle part. Et il veut faire croire à ces gens là que le peuple lui a dit de rester. Et c’est pour cela qu’il reste. C’est ridicule ! Il suffit de lire simplement les différents traités auxquels le Niger a souscrit sur la démocratie, la gouvernance, aucun pays ne peut aujourd’hui s’isoler et penser faire ce qu’il veut. Surtout quand il n’a rien dans les poches. Nous avons entendu des blasphèmes. Des gens qui viennent à la télévision nationale insulter des institutions internationales. Pour dire que ce que l’Union européenne leur donne n’est rien du tout.

Moi, j’ai été Premier Ministre du Niger, je sais le poids que représente l’aide de l’Union européenne dans le budget du Niger. Et si ils ne le reconnaissent pas aujourd’hui, ils le reconnaîtront bientôt ? Ils prétendent qu’ils vont remplacer l’Union européenne par la Chine. Ou bien je ne sais pas par quel autre pays. Mais le monde est une unité. Aucun pays ne peut prétendre défier tout le reste du monde. Le croire est une ineptie politique. C’est une sorte d’aveuglement de quelqu’un qui a trop bu et qui ne sait pas ce qu’il est entrain de raconter. Le Niger est trop petit pour défier le monde entier. Même les Etats-Unis ne peuvent pas le faire. Parce que si tu le fais, les conséquences, tu les assume. Et là, ce qui est entrain de se passer, le pays le plus pauvre du monde, avec les institutions les plus fragiles du monde, avec les moyens les plus dérisoires, prétend damer le pion au reste du monde entier. S’il n y a pas de la folie, quelque part dans ce raisonnement, il faut quand même reconnaître qu’il y a une absence totale de bon sens dans ce qui s’envisage. Le Niger doit s’inquiéter et les Nigériens doivent s’inquiéter plus que partout ailleurs.

Excellence à quand envisager votre retour au Niger ?

Ben ! Je pense que je pourrais revenir bientôt. Parce qu’un tel régime, quelle que soit sa capacité à corrompre les civils, les Chefs traditionnels, tous ceux qu’il corrompt, la corruption a une limite. Parce qu’on veut bien être corrompu pour pouvoir continuer à vivre, mais quand la corruption est une pilule amère qu’on vous donne pour mourir, je crois que beaucoup de gens n’avaleront plus cette pilule. Donc je suis confiant. Et je sais que Dieu veille sur le Niger et que Dieu fera en sorte de nous débarrasser du système monstrueux, politiquement innommable, qui est aujourd’hui entrain de faire du tort au Niger et qui se prétend le pouvoir en place au Niger.

Excellence quel message avez à l’endroit de tous vos militants du Moden Lumana et en général à tous les Nigériens ?

J’ai plutôt un message à l’endroit du peuple nigérien. Avant d’aller à Koutoukalé, je disais que le lit de la dictature est rembourré avec la soie de la lâcheté des hommes. Les Nigériens ne doivent pas accepter que Tandja continue de faire honte au Niger dans le monde entier. Cette honte, elle touchera leurs enfants, elle touchera les générations à venir et elle les affectera très bientôt. Les Nigériens doivent savoir que leur liberté est beaucoup plus importante que tout ce qu’ils peuvent gagner. Leur souveraineté ne peut pas être spoliée par un homme. La liberté et la souveraineté d’un peuple font sa grandeur et sa fierté. Un peuple qui accepte de subir une dictature aussi honteuse est un peuple qui a le droit de mourir sur le pied du dictateur. Je sais que le peuple Nigérien est trop fier, trop orgueilleux pour accepter qu’un individu qu’il a crée, parce que c’est le peuple Nigérien qui a crée Tandja, accepte de mourir sur la botte de Tandja.

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