Au Niger travailler dans la presse est un véritable sacerdoce. En plus du déficit d’un réseau de distribution fiable, d’autres aléas viennent compliquer la situation des vrais acteurs des médias. Tenez : des ambassades et bien d’autres institutions publiques et privées préfèrent s’abonner auprès des petits vendeurs à la criée en lieu et place des services commerciaux des journaux.
C’est cette scabreuse affaire dite ‘’panama papers’’ qui vient de lever un coin de voile sur certaines pratiques sulfureuses au détriment de notre corporation. En effet, à la parution du journal L’événement avec son scoop mettant en cause le patron de Rimbo qui serait un abonné des paradis fiscaux, Monsieur X avait décidé d’acheter toute l’édition du journal censée être sur le marché. Ce qui fut fait.
En dehors des abonnés réguliers de L’événement qui avaient reçu leur journal, ce dernier était introuvable. Un confrère avait insinué que c’est la direction de L’événement qui l’aurait retiré. Ce qui est archifaux. Un véritable dommage pour les lecteurs qui ont été privés de ce numéro à scandale.
A la guerre comme à la guerre (j’allais dire au marché comme au marché), quand on met une marchandise sur le marché la moindre des choses c’est d’avoir son juste prix. Et quel patron de presse se réjouirait d’apprendre qu’il a fait zéro invendu ? C’est ainsi qu’on se demande combien X a dû débourser pour priver les citoyens de ce journal paru lundi dernier.
Sans vouloir verser dans une polémique oiseuse, je pense qu’il urge au nom du droit du public à l’information de doter notre pays d’un réseau de distribution des journaux moderne, digne de ce nom. Aujourd’hui c’est une vérité qui crève l’œil : les 99% de la presse nationale restent à Niamey au détriment des autres régions du pays. Une vraie injustice du fait simplement d’un dysfonctionnement, ou disons-le tout net, d’un manque d’une structure de distribution rationnelle qui puisse desservir l’ensemble du territoire national.
Je sais qu’il existe déjà des bonnes volontés qui oeuvrent pour inverser la tendance à savoir assurer la desserte au plan national. Mais ces porteurs de ce projet ont besoin d’être accompagnés. C’est ici le lieu d’interpeller le nouveau bureau de la maison de la presse pour tenir compte de ce dilemme de la presse nationale à savoir la distribution en temps réel comme source de revenus certaine dans l’économie de la presse. Nous avons besoin d’une structure de la dimension d’Edipresse comme en Côte-d’Ivoire ou au Sénégal. Certes ces derniers temps même là-bas, l’économie de la presse est en chute libre mais au moins la situation est de loin plus reluisante que chez nous où une fois loin de Niamey, on se voit couper de la presse.
Pourtant ce trait d’esprit de Thomas Jefferson reste et demeure pertinent : « Puisque l’opinion du peuple constitue le fondement de notre gouvernement, notre premier objectif devrait être de bien l’informer ; et si je devais choisir entre un gouvernement sans journaux ou des journaux sans gouvernement, je retiendrais sans hésiter la seconde solution ».
J’accuse simplement les acteurs à tous les niveaux (corporation de la presse, CSC, et bien d’autres partenaires) qui ont laissé perdurer un problème structurel pour une presse viable. Ce n’est pas étonnant de constater aujourd’hui la baisse du tirage des journaux qui passe pour la majorité à 500 exemplaires au lieu de 3000 ou 2000 au printemps de la presse au Niger.
Et que dire de ces fonctionnaires qui lisent honteusement dans les ministères des journaux à 25f avec la complicité des vendeurs à la criée. Exiger une presse libre et indépendante c’est aussi contribuer à une saine économie de la presse constituée essentiellement de sa vente, la publicité et les abonnements.
On ne le dira jamais assez, au Niger tout est prioritaire. Il faut aussi sauver la presse nigérienne… et aussi ceux qui veulent y travailler honnêtement et sincèrement. Seul gage d’une presse à la hauteur de nos défis de bonne gouvernance pour informer, éduquer et sensibiliser les citoyens sur les enjeux nationaux. Autrement, l’on verra toujours se perpétuer le spectacle désolant d’une presse fade et ininteressante. Des vraies feuilles de choux.
EMS