La lutte contre la corruption, le détournement des deniers publics, l’enrichissement illicite et l’abus des biens sociaux restent et demeurent une préoccupation de premier ordre pour le président de la République, Mohamed Bazoum. A l’occasion de la cérémonie de présentation des vœux du nouvel an 2023, le Chef de l’Etat, dans sa réponse aux Institutions de la République a tenu à réitérer ce fort engagement à combattre ces maux qui empoisonnent l’effort du développement du peuple nigérien.
A cet effet, le Chef de l’Etat a fait observer à tous ceux qui doutent encore de la sincérité de son engagement en la matière que « jamais les prisons du Niger, sous aucun régime depuis notre indépendance en 1960, n’ont compté autant de cadres de l’Etat privés de leur liberté pour fait de corruption ou de détournement de deniers publics ». A titre illustratif, le président de la République a fort opportunément évoqué, de l’affaire dite Ibou Karadjé impliquant des cadres du ministère des finances en passant par celles de la Sopamin, de Taanadi, de la CNTPS, jusqu’à celle récente de la BAGRI pour lesquelles plusieurs personnes croupissent en prison.
Par rapport justement à l’affaire BAGRI, cet autre scandale financier où des responsables de ladite banque en complicité avec d’autres personnes, se sont coalisés pour faire main basse sur des fonds publics à hauteur de 5 milliards de Fcfa, des citoyens nigériens, jaloux de la préservation des biens publics, se sont donnés de la voix pour décrier le vol commis à la BAGRI et demander que justice soit rendue au peuple nigérien.
Ainsi, Elh Idi Abdou, acteur de la société civile et farouche combattant contre la dilapidation des deniers publics déclare qu’il n’est guère surpris de cette affaire dans la mesure où l’alerte a déjà été donnée par une employée de cette banque qui, malheureusement, avait été réduite au silence par les auteurs de cette forfaiture.
Créée pour booster le développement rural, c’est à dire promouvoir l’agriculture et l’élevage à travers des crédits ou des investissements, Elh Idi Abdou fait remarquer que « cette banque, au vu et au su des dirigeants, a été dévié de son objectif principal ». Dans ces conditions, a-t-il dit, « on ne peut qu’obtenir ce qui vient de se passer avec un détournement massif des deniers publics ».
Toutefois, Elh Idi dit qu’il « fonde l’espoir que la justice va réserver un traitement à la hauteur de la forfaiture et ce, pour deux raisons ». La première raison, a-t-il expliqué, « c’est qu’il s’agit des deniers publics. Le peuple, à travers sa Constitution a sacralisé les deniers publics et il appartient à la justice de veiller à ce que ces derniers soient sacrés ».
La deuxième raison est que « cette affaire pose la question de la sécurité juridique au niveau des clients, car elle peut inspirer d’autres banques à faire autant, d’où la nécessité qui s’impose à l’Etat d’exercer un contrôle au niveau de toutes les banques où l’Etat est actionnaire ».
Pour lui, en traitant cette affaire de façon exemplaire et conformément à la loi, « la justice sécurise aussi les clients de la banque ». Et en tout état de cause, estime-t-il, « je ne crois pas que les agissements de certaines personnes face à cette affaire n’auront aucun impact sur la justice » avant d’exhorter à « laisser la justice faire son travail en toute sérénité ».
Aussi, tout en gardant espoir, dans le cadre de la manifestation de la vérité que cette affaire de la BAGRI ne subira pas le même sort que certaines affaires de corruption et de détournement des deniers publics, Elh Idi Abdou lance un appel au Président de République qu’il fasse « marquer sa volonté politique à mettre fin à l’impunité ». Selon lui, si tous les actes gravissimes de ce genre continuent à être posés dans notre pays, « c’est du fait de l’impunité et cela ne peut cesser que le jour où on va prendre des mesures sévères contre l’impunité ».
Mais dès lors que l’impunité dicte ses lois, les gens continueront à faire ce qu’ils veulent avec les deniers publics », a averti Elh Idi Abdou, tout en réitérant son appel au président de la République de « faire montre de la volonté politique inébranlable pour mettre la justice dans les conditions d’être un vrai pouvoir et les magistrats d’être intègres et à même de lutter contre la corruption et le détournement des deniers publics sans aucune injonction. Aussi, préconise-t-il, de « dépolitiser la justice, car en la politisant, on ferme les yeux sur les agissements de certains magistrats et quand on utilise les magistrats à des fins précises, celui qui les a utilisés aura du mal à les réprimander ». Mieux, en dépolitisant la justice, renchérit-il, « les magistrats aussi ne sont pas au-dessus de la loi, et quand ils se mettent au travers de la loi, qu’ils rencontrent toute la colère de la loi ».
Se prononçant aussi sur cette rocambolesque affaire de la BAGRI, M. Inoussa Souana, également acteur de la société civile, a d’abord déploré que « ce détournement ait été opéré par une chaîne, composée de la hiérarchie de la banque dont le Directeur général qui a pourtant fait carrière au sein de cette institution, dès sa création et à qui, les autorités au plus haut sommet de l’Etat ont fait confiance ». Une confiance qu’il a malheureusement trahie en utilisant son pouvoir pour mettre en place un réseau de détournement, d’escroquerie et de blanchiment au détriment de la banque, donc au détriment de l’Etat ».
Toutefois, Inoussa Saouna se réjouit que « la justice s’est immédiatement saisie de l’affaire et les principaux responsables de cette affaire sont sous mandat dépôt et que l’enquête se poursuit pour démanteler tous ceux qui sont impliqué dans cette affaire, car au-delà des agents de la banque, il y a des clients véreux qui étaient en complicité avec cette banque pour détruire cette institution que l’Etat s’est dotée pour venir en appui aux paysans et à la production agricole ».
Pour Inoussa Saouna, cette affaire est « un acte gravissime qui a été posé par le Directeur général et ses collaborateurs, mais nous faisons confiance entièrement à la justice, car convaincu que rien, absolument rien ne peut entraver l’enquête ouverte sur cette affaire ».
Mais ce que Inoussa Saouna trouve de bizarre depuis la révélation de cette affaire, est le fait que des « individus, pourtant très bien connus sous les réseaux sociaux pour leur véhémence contre le gouvernement en cas de corruption, de détournement ou autre, mais qu’on découvre dans le cas de cette affaire en train de défendre le Directeur général et ses complices ». Une situation que « je trouve excessivement grave pour des gens qui se font appelés pompeusement lanceurs d’alerte et qui se sont autoproclamés acteurs de la société civile contre la corruption mais qu’à notre grande surprise, ils se mettent à transformer des individus escrocs en victimes, parce que pour une fois, l’Etat a très bien agi, ce qui échappe à leurs manipulations habituelles ». Et plus loin, relève Inoussa Saouna, « nous avons découvert que parmi cette bande d’individus, il y en a parmi eux, ceux qui ont suffisamment bénéficié des largesses de ce groupe de malfrats qui ont vainement tenté de détruire la Banque agricole du Niger (BAGRI) ». Plus grave, a déclaré Inoussa Saouna, « parmi eux, il y a même des journalistes qui ont été mis de service pour les défendre au cas où la situation venait à se faire découvrir ».
Malheureusement pour eux, s’est-il félicité, « la diversion qu’ils ont tenté de faire n’a pas marché et la justice continue à faire son travail dans le traitement de cette affaire ».
L’occasion pour Inoussa Saouna de saluer la probité des autres agents de la BAGRI qui ne se sont pas laissés divertir. Ces derniers se sont aussitôt mis à la tâche pour sauver la banque. Aujourd’hui, nous avons des informations assez positives que la BAGRI se porte très bien, malgré le lynchage médiatique et les actes qui ont été posés par des individus de cette banque au plus haut sommet de la banque ».
C’est pourquoi, nous demandons au gouvernement de « soutenir cette banque, de soutenir ses agents dévoués afin que très rapidement, la situation puisse redevenir à la normale et que tous ceux qui ont causé ces actes remboursent l’Etat et s’il le faut, écoper des peines que la loi a prévu en pareille circonstance », a-t-il déclaré.
En ce qui est de la lutte contre la corruption de façon globale, Inoussa Saouna rappelle d’abord que « ce combat, comme l’a si bien souligné le président de la République, est un combat de fond, pas une course de vitesse ». Mais pour Inoussa Saouna, en plus des institutions comme la Halcia qui a été créée par Mahamadou Issoufou, l’Inspection générale d’Etat, la CENTIF, la Ligne verte et bien d’autres, sans oublier la société civile et les journalistes qui font les alertes et qui dénoncent, il faut surtout, de « mon point de vue que la justice s’engage plus sincèrement, plus ouvertement et de manière déterminante dans la lutte contre la corruption et les autres tares comme le détournement des deniers publics et autres ».
D’ailleurs, le Chef de l’Etat l’a rappelé à l’occasion de la présentation des vœux que « quelque soit la volonté politique, quelque soit l’engagement des pouvoirs politiques, tant qu’au niveau de la justice, cet engagement ne suit pas, on ne peut véritablement lutter contre la corruption », estime-t-il.
D’ailleurs, selon Inoussa Saouna, « les nigériens se demandent qui empêche aux juges de faire correctement leur travail, alors qu’on les a mis dans les meilleures conditions de travail ? ». Sur ce point, estime-t-il, « on se rend compte souvent qu’ils ne sont que sous la pression de leur propre personne par rapport à la défense de leurs propres intérêts ». De notre point de vue, ajoute-t-il, « nous estimons que le gouvernement est en train de faire tout ce qu’il doit faire, l’engagement du président de la République est très clair, mais le maillon le plus déterminant pour lutter contre la corruption, protéger les deniers publics, c’est bien la justice qui est notre dernier rempart ». En ce qui nous concerne, « nous encourageons les juges à faire sainement leur travail, à ne pas se laisser intimidés ou inféodés par les forces de l’argent ». Pour Inoussa Saouna, « l’Etat a mis autant que possible les magistrats dans les meilleures conditions de travail qu’ils n’ont jamais eu depuis les indépendances. Il leur revient aujourd’hui de démontrer qu’ils sont capables de pouvoir sévir afin de protéger les deniers publics, de protéger les investisseurs car dans un pays, tant que la justice n’est pas efficace, les investisseurs ne peuvent pas venir investir, car ils ont besoin de protéger leur investissement ». Etant donné que le gouvernement a mis toutes les institutions en place, Inoussa Saouna conclue en indiquant que « la justice doit elle aussi faire son travail ».
Oumar Issoufa
Niger Inter Hebdo N°97 du mardi 17 Janvier 2023