Il n’est un mystère pour personne que la situation des finances publiques est devenue relativement préoccupante ces dernières années. Une situation en partie exacerbée par la crise sanitaire, qui a perturbé de manière non négligeable le fonctionnement des administrations publiques et dont les menaces sur la santé de nos concitoyens et l’impact sur l’activité économique ont suscité des attentes très importantes de la population et des entreprises à l’égard de l’État. En outre, la grave crise alimentaire que traverse le pays et la détérioration du contexte sécuritaire – avec la recrudescence des attaques terroristes dans certaines parties du territoire – ont amplifié les tensions budgétaires.
Face à cette situation, le gouvernement ne ménage aucun effort pour trouver les ressources financières permettant de mieux satisfaire les besoins vitaux de la population et venir en aide à des publics vulnérables ou fragilisés par les différentes crises.
Décaissement de 52,6 millions de dollars : un soutien financier du FMI qui vient à point nommé
En cette période marquée par de nombreuses incertitudes et mauvaises nouvelles, l’approbation le 29 juin dernier d’un décaissement de 39,48 millions de DTS (environ 52,62 millions de dollars, près de 34 milliards de FCFA), faisant suite à l’achèvement de la première revue de l’accord en faveur du Niger au titre de la facilité élargie de crédit (FEC), a de quoi « donner » du baume au cœur.
En guise de rappel, les revues des programmes par le conseil d’administration du FMI jouent un rôle essentiel dans l’évaluation des résultats obtenus dans le cadre des programmes et l’adaptation éventuelle de ceux-ci à l’évolution de la situation économique. L’état d’avancement du programme, notamment au regard des conditions quantitatives et des repères structurels, est évalué dans le cadre des revues. Celles-ci sont programmées à des intervalles de six mois au plus. Quant à la facilité élargie de crédit (FEC), elle fournit une aide financière aux pays qui connaissent des difficultés prolongées de balance des paiements. La FEC a été créée comme guichet du fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (fonds fiduciaire RPC), dans le cadre d’une réforme plus large visant à assouplir le soutien financier du FMI et à mieux l’adapter aux besoins divers des pays à faible revenu, notamment en période de crise. La FEC est le principal outil dont dispose le FMI pour apporter un soutien à moyen terme aux pays à faible revenu (en savoir plus via ce lien https://www.imf.org/fr/About/Factsheets/Sheets/2016/08/02/21/04/Extended-Credit-Facility).
Concernant le Niger et à titre de rappel, un « accord triennal en faveur du Niger au titre de la FEC a été approuvé le 8 décembre 2021 pour un montant de 197,4 millions de DTS, soit environ 275,8 millions de dollars lors de l’approbation du programme ou 150 % de la quote-part du pays (voir communiqué de presse n° 21/366 [du FMI, NDLR]). L’accord devrait permettre de catalyser des financements bilatéraux et multilatéraux supplémentaires ».
Si ce décaissement devrait donc porter le total des décaissements au titre de cet accord à 78,96 millions de DTS (environ 105,24 millions de dollars, soit près de 68 milliards de FCFA), il marque surtout un regain de confiance du FMI vis-à-vis du Niger, pays qui est devenu ces dernières années le « chouchou » des bailleurs financiers internationaux grâce, entre autres, aux réformes démocratiques et structurelles mises en place. Aujourd’hui, à certains égards, l’horizon s’éclaircirait et le pays devra des perspectives économiques favorables, comme en témoigne Mme Antoinette Sayeh, directrice générale adjointe et présidente par intérim du FMI ; témoignage selon lequel elle indique que « les perspectives économiques à court et moyen terme du Niger sont globalement favorables : la croissance devrait rebondir cette année et s’accélérer ensuite grâce au démarrage des exportations de pétrole à travers le nouvel oléoduc (…) ».
Il convient également de souligner que le Niger a pu satisfaire bon nombre de critères établis par l’institution, comme le précise dans un communiqué la directrice adjointe par intérim « l’intégralité du communiqué est à lire via ce lien https://www.imf.org/fr/News/Articles/2022/06/29/pr22237-niger-imf-executive-board-completes-first-review-ecf-arrangement-approves-disbursement ». « Dans l’ensemble, les résultats du programme sont satisfaisants et tous les critères de réalisation quantitatifs et objectifs indicatifs à fin décembre 2021 ont été respectés. Toutefois, trois objectifs indicatifs à fin mars 2022 n’ont pas été atteints. La mise en œuvre du programme de réformes structurelles est également en bonne voie ». En outre, en raison des incertitudes multiples qui pèsent sur l’économie du pays, Mme Antoinette Sayeh estime qu’« une déviation provisoire par rapport aux cibles budgétaires de la période 2022–23 se justifie pour répondre aux besoins urgents de dépenses liées à la crise alimentaire et par la baisse de dons budgétaires de la part des bailleurs de fonds ». Elle rappelle, enfin, que « la mobilisation des recettes intérieures est essentielle pour dégager l’espace budgétaire nécessaire aux dépenses prioritaires. Les autorités entendent prendre des mesures pour réduire les exonérations et l’évasion fiscales, réviser le code des impôts pour simplifier le régime et élargir l’assiette fiscale, et renforcer l’administration des recettes grâce au passage au numérique. Les autorités mettent également en œuvre des réformes visant à renforcer la qualité des dépenses afin d’améliorer la fourniture de biens publics. Il est impératif de renforcer la gestion des finances publiques afin d’accroître et de mieux cibler les dépenses qui s’imposent en matière d’éducation et de protection sociale, pour développer le capital humain et mieux protéger les personnes vulnérables ».
Par ailleurs, les avancées obtenues et les efforts à consentir évoqués précédemment risquent d’être vains si la question de la gouvernance n’est pas sérieusement traitée, voire résolue. Ainsi, « les autorités doivent également continuer de faire des progrès sur les questions de gouvernance », insiste-t ’elle. Conscientes des enjeux, les autorités du pays « s’engagent à renforcer le cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, à mettre résolument en œuvre le nouveau modèle de déclaration de patrimoine, à renforcer les mécanismes de contrôle de la chaîne de dépenses afin de réduire sa vulnérabilité aux risques de corruption et de détournement de fonds, et à poursuivre systématiquement les agents publics soupçonnés de corruption ».
Les interventions du FMI non exemptes de critiques
Dans un contexte de tensions budgétaires, nul doute que le soutien financier apporté au Niger ne pourrait que lui être bénéfique, voire essentiel pour surmonter ces périodes difficiles. Toutefois, ce genre d’interventions du FMI vis-à-vis des pays en développement comme le nôtre ne sont pas exemptes de critiques. En effet, on reproche à cet organisme d’être au service de la mondialisation libérale et d’imposer, notamment aux pays du tiers-monde, des politiques économiques fondées sur l’orthodoxie libérale. Selon Thomas PORCHER (2018), « lorsqu’un pays pauvre a besoin d’emprunter, rares sont les banques qui sont disposées à lui prêter. La plupart du temps, il est obligé de se tourner vers le Fonds monétaire international, qualifié souvent de préteur de dernier recours. Or le FMI, à défaut de pouvoir exiger des garanties financières aux pays pauvres, leur impose de mettre en place des réformes structurelles. Se spécialiser dans les biens à l’export, privatiser, diminuer les protections (prestations chômage, retraites), réduire la sphère publique, ouvrir les marchés à l’international ; tels sont les critères imposés aux pays en échange d’un prêt. Et comme ces pays, souvent très endettés, ont besoin de fonds urgemment, ils acceptent sans broncher les conditions du FMI. (…) Résultat : des pays se sont spécialisés dans des biens à l’export pour satisfaire la demande extérieure (principalement des pays riches) plutôt que de satisfaire leur demande intérieure ; des pans entiers ont été privatisés, faisant la joie des grands groupes européens et américains qui ont pu les racheter à moindre prix ; une ouverture des marchés et une baisse de la pression fiscale qui a permis encore plus facilement aux multinationales de s’implanter ; des populations, parfois extrêmes pauvres, qui ont vu leur situation se dégrader. Le FMI, noble institution basée à Washington, n’a pas comme unique but d’assurer la stabilité du système monétaire international et d’éviter les crises – ce qu’il n’a pas réussi à faire en 2008, trop occupé à surveiller les pays en développement plutôt que les Etats-Unis -, c’est également une instance autoritaire visant à imposer une logique libérale qui sert principalement les intérêts des pays riches ». De manière concrète et à titre d’exemple, selon la Coface, « le gouvernement mettra l’accent sur la réduction de la masse salariale, qui absorbe près du tiers des recettes fiscales ». Une aberration au regard des besoins croissants de la population en matière des services sociaux de base.
A l’inverse, certaines auteurs libéraux considèrent qu’en intervenant pour sauver les débiteurs défaillants et pour accorder des prêts à des Etats incapables d’éviter les crises, le FMI contribue à faire naitre une situation d’aléa morale, qui consiste dans le fait qu’un acteur (personne, entreprise ou Etat) assuré contre un risque peut se comporter de manière plus risquée que s’il était totalement exposé au risque.
En définitive, face à la persistance des défis sociopolitiques et sécuritaires, la tâche est loin d’être aisée pour le Président Bazoum Mohamed et son gouvernement. Toutefois, en plus du volontarisme affiché les autorités pour résoudre les défis précédemment cités avec l’appui des bailleurs de fonds, chaque Nigérienne et Nigérien doit agir de manière constructive en apportant sa modeste contribution pour aider le pays à sortir par le haut de cette situation particulière. QU’ALLAH BENISSE LE NIGER ET SON PEUPLE !
Adamou Louché Ibrahim, analyste économique
Niger Inter Hebdo N°71 du mardi 12 juillet 2022