Face aux allégations de viols dont certains soldats du contingent militaire tchadien basé à Téra dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la zone de trois frontières, la CNDH a effectué une mission d’investigation et d’établissement des faits. Le communiqué de presse publié à cet effet a suscité de nombreuses réactions dont celles du Ministre tchadien des affaires étrangères.
«Il y a eu effectivement des viols sur une fille mineure de 11 ans en classe de CE2 et deux femmes mariées (dont une enceinte) âgées de 23 ans et 32 ans, toutes les deux mères de plusieurs enfants ». C’est ce que révèle la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH) dans un communiqué de presse sur les allégations de viols à l’issue d’une mission d’investigation et d’établissement des faits à Téra, attribuées par la population à certains éléments du contingent militaire Tchadien. Selon le communiqué de la CNDH, pour ces deux femmes, « ces actes odieux ont été commis en présence de leurs maris sous menace d’arme à feu par les agresseurs ».
La mission entreprise du 31 mars au 1er 2021, sur réquisition du président de la CNDH, Khalid Ikri, a également échangé avec « cinq autres femmes ayant fait l’objet de tentative de viol mais qui ont réussi à s’enfuir quand ces hommes armés s’étaient introduits dans leurs maisons ». En outre, « certaines victimes de viols n’ont pas voulu témoigner par peur d’être stigmatisées dans un contexte de pression socioculturelle », indique le même communiqué.
Par ailleurs, la mission d’investigation et d’établissement des faits de la CNDH a constaté qu’en dehors des cas avérés de viols et de tentatives de viols, « des cas d’agression et de confiscation de biens à des paisibles citoyens ». À ces actes s’ajoutent « la présence de ces mêmes éléments du contingent tchadien dans la ville circulant sans encadrement avec des armes lourdes et légères ».
La CNDH rappelle que pour prévenir ces types d’agression, plusieurs textes internationaux, régionaux et nationaux ont été adoptés. L’adoption de ces textes, notamment la 4ème Convention de Genève (art 27, al2) ; la constitution du 25 novembre 2010 (art. 11 et 22) et le code pénal (Art 284), vise la protection des femmes et enfants en période de conflit.
Ainsi, la CNDH condamne « fermement ces crimes odieux exercés sur des personnes innocentes perpétrés par des porteurs d’armes censés les protéger ». Elle exige à cet effet des Autorités compétentes « la mise en place d’une commission d’enquête indépendante en vue de faire la lumière sur ces actes cruels, inhumains et dégradants ». Tout en insistant sur la nécessité de traduire les coupables devant les juridictions compétentes pour que justice soit rendue, la CNDH se félicite de la prise en charge immédiate de la fillette de 11 ans.
Les auteurs arrêtés
Quelques jours après la publication du communiqué de la mission d’investigation et d’établissement des faits de la CNDH, le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Tchadiens de l’extérieur a annoncé dans un communiqué que « les auteurs sont déjà arrêtés et subiront les sanctions qui s’imposent en la circonstance ». Le même communiqué souligne que « c’est un cas isolé qui ne doit pas être exploité pour ternir l’image du contingent tchadien, et d’une manière générale, celle de l’armée tchadienne qui a démontré à suffisance sa discipline sur les différents terrains d’opérations ».
Pour rappel, l’envoi des soldats tchadiens a été annoncé lors du sommet de Pau en France. Le président tchadien, Idriss Déby Itno, l’a confirmé le 15 février dernier en marge du sommet des cinq pays du G5 Sahel avec la France tenu à Ndjamena. À cet effet, 1200 soldats tchadiens ont été déployés dans la zone de « trois frontières » comprenant le Burkina Faso, le Mali et le Niger pour lutter contre le terrorisme. Le contingent est déployé à Téra, retenu pour être la base logistique de la force conjointe G5 Sahel.
Avant son déploiement à Téra, le contingent a été stationné à quelques kilomètres de Niamey où il a reçu la visite du ministre nigérien de la Défense nationale, Pr Issoufou Katambé. Plusieurs fois dans son intervention, face aux soldats tchadiens, il a évoqué des « problèmes » (sans les énumérer) posés par ces soldats. « Ces problèmes qui ont trouvé des solutions », a-t-il souligné. Mais les soldats tchadiens ont également évoqué « d’autres problèmes pour lesquels des dispositions seront prises pour leur trouver des solutions », a dit le ministre de la Défense nationale.
Almoustapha Aboubacar