Au moment où certains se débarrassent de leur organisation écœurés par les échecs et les espoirs perdus, d’autres se bousculent pour occuper ce terrain abandonné, s’estimant capables de siphonner des militants déçus par-ci, avides de sang neuf par-là. Ils se font les porte-paroles d’une jeunesse éclairée, impatiente et peut-être désabusée, comme si la meilleure des solutions consisterait à créer des partis à tour de bras. Cette voracité pour grossir l’encombrement, risque fort de faire flop, parce que ceux qui ont aujourd’hui vieilli avaient tenu les mêmes propos, et ceux qui apparaîtront dans dix ou vingt ans diront pareil.
Sortons donc de l’illusion. Ce n’est pas une démonstration de talent d’orateur d’un plaisantin déversant des belles formules empruntées aux ancêtres ou aux anciens hommes politiques, ni un commentaire superficiel d’un néophyte sur la gouvernance, qui nous convaincrons de la nécessité d’évincer la classe politique actuelle. Une maladresse qui n’est guère mobilisatrice. Que conseiller aux alevins vivant dans une rivière pleine de vieux crocodiles à l’appétit insatiable et obligés de croquer le plus menu des fretins qui se met à leur portée? Il faut espérer qu’ils ne s’aventurent pas sur les plates-bandes des ogres de la politique politicienne, du moment où ceux qui s’y sont frottés n’en ont pas gardé de merveilleux souvenirs. La chance ne sourit pas si facilement: se lever du jour au lendemain, avec quelques tous petits millions qui vous gratouille les méninges, ne vous donne pas » une tête de présidentiable ».
Ces louveteaux, lancés dans leur élan, ignorent qu’ils bénéficieront au tout début, d’une promotion de très courte durée qui, à la fin, se soldera par un gâchis financier et du temps perdu; du fait que s’imposera à eux la triste réalité qui a fait trébucher leurs prédécesseurs. Ces derniers s’étaient pourtant entourés des précautions des plus inimaginables et ont fini par accuser la même vieille classe, de les avoir torpillés. La dure loi de l’impitoyable jungle politique ne peut pas subir une correction à main levée. La grosse erreur est de mal dissimuler leur ardent leitmotiv, celui d’emprunter trop tôt, telle qu’ils la décrivent, la voie ayant permis aux papis et tontons de s’en mettre plein les poches l’argent des contribuables, de se faire une aura, de mettre parents, amis, connaissances et tutti quanti, à l’abri du besoin.
Chaque jeune loup aux dents un peu trop longues s’agrippera donc à sa nouvelle profession, deviendra sous peu, le seul coq de la basse-cour à la tête de » son parti » dont il assistera à la baisse d’intensité puis à la dégringolade et enfin à un anéantissement total dont nul ne serait surpris. Dans le contexte nigérien un rassemblement de toutes ces étoiles montantes autour du plus charismatique des jeunes, aurait donné un peu de frisson à la vieille garde et fait gagner la confiance des électeurs de tout bord. Contribuer ce faisant au désengorgement du milieu.
Qu’ils ne cèdent surtout pas au découragement puisque la réalité s’ouvrira progressivement à eux. Il n’y a pas de mal à vouloir s’élever ou à entraver le cours d’une mauvaise habitude même démocratiquement universelle, sauf qu’il est si rocailleux, le chemin pour y parvenir. Difficile de dissuader une jeunesse déterminée qui s’est engagée à insuffler une nouvelle approche de la chose politique dans notre vie, une approche plus saine pense t-elle, où ni la roublardise ni l’argent n’aideront à conquérir un siège, du plus prestigieux à celui de conseiller municipal. Que de doute sur son obsession à réussir la transformation d’une mentalité scellée dans des esprits désormais rompus aux astuces électorales. Tout un programme! Mais c’est qu’elle l’aura au moins tentée. .
Innocent Raphael D.