Le président du Front patriotique et ex ministre des Affaires étrangères, Ibrahim Yacoubou, revient sur le code électoral, à travers un courrier au Président du Conseil National de Dialogue Politique (CNDP), par ailleurs Premier ministre, Brigi Rafini. Ce n’est pas pour marquer sa totale satisfaction eu égard à la prise en compte intégrale de ses « revendications » mais pour poser de nouveaux problèmes.
Or, le projet de code électoral est sur la table de l’Assemblée nationale après avoir été consensuellement travaillé par un comité ad hoc tripartite (majorité, opposition et non affiliés) puis par une session du CNDP et enfin par le gouvernement réuni en Conseil des ministres. Ibrahim Yacoubou pose le problème de l’article 8 dont Hama Amadou, depuis son exil, en a fait une affaire personnelle.
A moins qu’il n’ait eu un contrat de sous-traitant, Yacoubou se mêle de ce qui ne le regarde pas. Il aurait pu prendre l’exemple des autres leaders de l’opposition qui font l’impasse sur cette disposition sachant bien qu’elle a toujours figuré dans nos lois électorales depuis l’avènement de la démocratie au Niger en 1992. Depuis cette date, la loi électorale a été modifiée à plusieurs reprises sans qu’il ne vienne à l’esprit de qui que ce soit de modifier cette disposition qui relève de l’ordre de l’éthique et de la morale tout simplement. En effet, un citoyen condamné à un an de prison ferme et qui n’a pas fait l’objet de réhabilitation ne peut prétendre à assumer les charges suprêmes de l’Etat. Cela est le minimum qu’on doit accepter dans une démocratie. Ce n’est pas propre au Niger.
A moins aussi que Yacoubou ne veuille faire les yeux doux aux militants de Hama Amadou sachant bien que ce dernier n’a aucune possibilité légale d’être candidat à l’élection présidentielle de 2021. Dans tous les cas, le Front patriotique et son président se sont fourrés dans un cul de sac sur fond de calculs de boutiquier.
Ce Front aurait pu faire preuve de responsabilité et de dignité en ne sacrifiant pas l’essentiel sur l’autel de l’opportunisme. Il aurait pu rester attaché à ses préoccupations, objet des courriers qu’il a adressés au CNDP les 21 avril 2017, 6 mars 2018 et 1er octobre 2018. Les dispositions qu’il a incriminées concernent les articles 12, 19, 80 et 81. En d’autres termes, ces dispositions ont trait à la sincérité du processus électoral. C’est ainsi que Ibrahim Yacoubou et son front ont obtenu satisfaction sur le fait que les représentants de l’Administration au sein de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) n’ont pas droit de vote.
Deuxième acquis, on reste sur le statu quo pour la désignation des membres des bureaux de vote alors qu’il a été retenu qu’ils doivent l’être par la CENI pour relever leur niveau intellectuel et technique. Troisième acquis, la majorité et l’opposition qui étaient représentées à la CENI par 3 membres chacune ont vu leur quota porté à 5 pour chaque bloc. Les non affilés qui n’étaient pas prévus ont eu droit à 2 sièges. Enfin, les 3 parties du CNDP à savoir la majorité, l’opposition et les non affiliés sont représentées paritairement dans le bureau de la CENI à raison d’un membre par bloc. Voilà les revendications de Yacoubou toutes traitées et satisfaites.
Tout a été fait pour que la question électorale soit une question ouverte et les discussions démocratiques et inclusives avec en arrière-plan l’intérêt général. Le comité ad hoc tripartite a travaillé suivant cette orientation et cette tradition des lois électorales inclusives et impersonnelles. En effet, au cours de ses travaux, le Comité ad hoc a identifié 47 articles du code électoral qui nécessitaient d’être modifiés. Selon nos sources, après plusieurs jours de travaux avec la participation des représentants de la majorité, de l’opposition et des partis non affiliés, le comité ad hoc a créé le consensus sur pratiquement tout le texte sauf les articles 8, 12, 80, 81. Les articles qui n’ont pas fait l’objet de consensus ont été soumis à l’arbitrage de la session du CNDP. En toute démocratie, les débats ont été tranchés.
Le combat de Yacoubou et de ses amis est ailleurs. Ils sont dans une posture de politique spectacle pour apparaitre comme le porte-drapeau de l’opposition en l’absence de Hama Amadou en fuite, d’un Mahamane Ousmane devenu collectionneur de médailles associatives croyant que c’est cela qui va lui donner une envergure internationale ou d’un Amadou Boubacar Cissé qui cherche ses marques.
Yacoubou et ses amis mettent maintenant le curseur sur la revendication de Hama Amadou à propos de l’article 8 parce que les représentants de Lumana et de l’opposition n’ont jamais fait d’objection par rapport à cet article dans le cadre du comité ad hoc comme nous avions pu le constater sur le procès-verbal paraphé par les membres dudit comité. Il a fallu qu’ils soient recadrés par Hama depuis son exil volontaire pour qu’ils reviennent à la charge de façon irresponsable. Par opportunisme, Yacoubou veut faire une OPA sur les militants de Lumana orphelins de leur leader.
En définitive, nul doute que la démarche des opposants est de discréditer le processus électoral donc de le saboter parce que visiblement c’est la seule voie de sortie pour eux pour échapper à la sentence fatale des urnes.
Dans tous les cas, le processus électoral va se poursuivre et les élections auront lieu. Ce qui est aussi rassurant, c’est la détermination du Président de la République, du gouvernement et du CNDP de tout faire pour que la tradition du dialogue politique fécond continue à avoir cours dans notre pays parce que c’est cela qui correspond à l’intérêt des Nigériens.
Tiemago Bizo