Jean-Marc Gravellini est responsable de l’Unité de coordination de l’Alliance Sahel (UCA). Il vient de diriger une mission de l’Alliance Sahel au Niger. Dans l’entretien qui suit, il fait le point de cette mission après un échange fructueux avec la Ministre du Plan, Mme Kané Achaitou Boulama en présence des membres et observateurs de l’Alliance.
Niger Inter : Vous venez de tenir une réunion de travail avec la ministre du Plan. Pouvez-vous nous dire en substance sur quoi vous avez échangé ?
Jean-Marc Gravellini : L’Alliance Sahel est un groupe de partenaires au développement initié en 2017 par la France, l’Allemagne, l’Union Européenne, la Banque mondiale, la BAD et le PNUD, rejoint rapidement par le Danemark, le Luxembourg, l’Italie, l’Espagne, la Grande Bretagne et les Pays Bas. L’Alliance Sahel compte donc aujourd’hui 12 membres, ainsi qu’un certain nombre d’observateurs, parmi lesquels figurent les Etats-Unis, la Fondation Gates, la Norvège et la Finlande.
L’Alliance Sahel n’est pas une nouvelle institution, mais un groupe dont les membres ont décidé de travailler ensemble avec les autorités des pays du G5 Sahel, dont font partie les autorités nigériennes, pour faire en sorte que l’aide au développement soit plus efficace, plus rapide, plus fluide et avec davantage de résultats au profit des populations. Nous avons donc passé au nom de l’Alliance Sahel deux jours au Niger pour faire le point avec les autorités sur nos activités.
Niger Inter : A la Conférence des partenaires et bailleurs de fonds pour le financement du Programme d’investissements prioritaires (PIP) du G5 Sahel en décembre 2018, il y a beaucoup d’annonces dont celles des membres de l’Alliance Sahel. Qu’en est-il précisément de ces annonces ?
Jean-Marc Gravellini : les membres de l’Alliance Sahel se sont en effet engagés en décembre à financer le Programme d’investissements prioritaires (PIP) du G5 Sahel à hauteur d’un milliard trois cent millions (1,3) d’euros. À l’intérieur de ce PIP, il y a ce que les chefs d’Etats ont défini comme le Programme de développement d’urgence (PDU) et qui cible des zones géographiques, principalement frontalières, plus fragiles avec un objectif d’accès à l’eau et un objectif de rapidité de réalisation des projet. Le programme concerne les secteurs de l’hydraulique villageoise, de l’hydraulique pastorale, de l’irrigation ou encore celui de la résilience des populations, à savoir tout ce qui contribue à améliorer les conditions de vie et les revenus des populations. Il y a aussi un pilier du PDU visant à renforcer la cohésion sociale par l’atténuation des conflits. Ce programme a été défini par le G5 Sahel lors de la Conférence de Nouakchott en juillet 2017, et a fait l’objet d’une annonce de 266 millions d’euros de la part des membres de l’Alliance Sahel en décembre à Nouakchott.
Le Niger bénéficie aujourd’hui des premières réalisations de ce programme au Nord de Tillabéry et à l’Ouest de Tahoua avec les actions des opérateurs en partenariat avec la Haute autorité pour la consolidation de la paix (HACP). Il y a également le PROSEA qui est un programme nigérien de développement d’accès à l’eau potable soutenu par la coopération luxembourgeoise et le Danemark. D’autres projets sont en cours de signature et devraient bientôt se déployer comme le programme des « trois frontières » financé par l’Agence française de développement.
Niger Inter : à bien comprendre votre intervention on pourrait dire que vous avez des préalables dans la mise en œuvre de vos projets…
Jean-Marc Gravellini : Non il n’y en a pas car comme l’a dit la ministre du Plan, nous n’avons plus le temps. L’Alliance Sahel a vocation de couvrir l’ensemble du territoire nigérien avec environ 1,7 milliard d’euros de projets en cours de réalisation, mais surtout de l’argent disponible à dépenser dans le cadre de ces projets. L’objectif de l’Alliance c’est d’aller plus vite dans la mise en œuvre de ces projets. Pour cela nous travaillons avec les autorités nigériennes pour accélérer les moyens de la mise en œuvre des projets, notamment les procédures acceptées par tous pour mettre les ressources à la disposition.
Sur le plan sécuritaire, la ministre a rappelé la nécessité pour l’Alliance Sahel d’appuyer le développement des zones fragiles malgré l’insécurité et de réfléchir aux solutions pour y parvenir. Nous avons également évoqué la question des appuis budgétaires qui consistent à accompagner les réformes envisagées par le gouvernement du Niger dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, de la santé etc. Ces appuis budgétaires contribueront à améliorer les performances du budget de l’Etat.
Niger Inter : Un des reproches fait à l’Alliance Sahel c’est justement le fait que certains de ses membres ne financent pas le domaine de la sécurité en tant que tel alors qu’au départ de la création du G5 Sahel c’est la question sécuritaire qui était à la base. Comment expliquez-vous cette situation ?
Jean-Marc Gravellini : Les deux composantes sécurité et développement sont en effet intimement liés au niveau du G5 Sahel, mais l’Alliance n’a pas vocation de travailler sur la défense et les dépenses militaires. Elle travaille sur la sécurité intérieure mais il faudrait probablement faire davantage. Fondamentalement, l’Alliance Sahel travaille dans le domaine de développement.
Niger Inter : En termes d’apports du PIP et du PDU quel est votre dernier message sur l’intervention de l’Alliance Sahel ?
Jean-Marc Gravellini : L’Alliance a été initiée il y a bientôt deux ans à l’occasion d’un sommet entre la France et l’Allemagne en juillet 2017. Sous l’impulsion de la ministre du Plan du Niger nous avons travaillé en étroite collaboration avec le Secrétariat permanent du G5 Sahel ; Ce travail a abouti à la signature en octobre dernier d’un protocole de partenariat et aux engagements sur le financement du PIP. Aujourd’hui le grand défi après cette réunion avec la ministre du Plan, c’est de faire en sorte que tout ce qui a été décidé soit réalisé, se concrétise sur le terrain. Il s’agit du côté du Niger de lever les derniers obstacles.
Enfin, je souhaite ajouter que le secrétariat de l’Alliance Sahel est dans un processus de structuration. Après avoir été financé par la France depuis sa création, le relais va être repris par l’Union européenne et l’Allemagne, et ses bureaux vont déménager dans les semaines qui viennent de Paris à Bruxelles.
Propos recueillis par EMS et Abdoul Aziz Moussa