Qui parmi nous n’a-t-il pas vécu l’amère expérience de voir une de ses démarches administratives retardées, voire ajournées, à cause d’un agent de la fonction publique absent ou en retard à son poste de travail ? ou par manque d’efficacité ? Nombreux sans doute. Cette situation est, en effet, le reflet d’une administration gangrénée par un laxisme ambiant, et dont l’impact positif sur l’environnement économique, social, écologique, sanitaire ou encore culturel reste quasi-inexistant et la qualité de service rendu à l’usager, médiocre. Autrement dit, une administration en pleine déliquescence !
Au Niger, la conception de l’administration a été fortement ébranlée depuis l’avènement de la démocratie et le pluralisme politique, dans les années 90. La faute principalement aux pièges des alliances des partis politiques pour prendre les commandes du pays. Une alliance scellée par la répartition des postes, souvent stratégiques. Répartition qui se fait évidemment aux dépens de la compétence, qui reste de loin le premier critère de nomination, y compris pour le choix des Ministres. En d’autres termes, « la politisation à outrance de l’administration reste malheureusement au centre du système politique de récompenses et d’alliances. Elle n’est pas une question d’opportunité ou de tactique : elle est systémique » (J.P. Olivier de Sardan, 2016). Au grand dam de l’article 62 de la Constitution.
Résultat, « l’administration publique n’est pas suffisamment structurée et organisée pour répondre aux défis de développement du pays. L’architecture gouvernementale, qui répond aux contraintes politiques [évoquées précédemment] limite l’efficacité de l’action de développement. En particulier, les enjeux dans le secteur rural et de l’éducation s’accommodent mal à la fragmentation institutionnelle de ces vingt dernières années. L’administration agit davantage comme un frein qu’un accélérateur pour le développement du secteur privé » (Stratégie de Développement Durable et de Croissance Inclusive, 2017).
La politisation à outrance engendre des conséquences dommageables pour le pays
Comme évoqué précédemment, la répartition des postes de responsabilité se fait souvent au détriment de la compétence. Et cela n’est pas sans conséquence sur la gestion efficace du pays. En voici quelques-unes :
– La faible consommation des crédits budgétaires qui est imputable parfois au manque de professionnalisme des agents censés les dépenser. Ce qui a pour conséquence des retards, voire la non mise en œuvre de certaines politiques publiques. Dans ces conditions, il sera donc difficile, voire impossible de satisfaire les attentes, sans doute pléthoriques, des usagers
– La corruption: Malheureusement dans le pays, la corruption est souvent liée avec les élections et l’exercice du pouvoir. Or, il n’est un secret pour personne que la corruption aggrave la pauvreté et creuse les inégalités en détournant les fonds destinés aux soins de santé, à l’éducation et à d’autres services essentiels. Des millions de personnes, partout dans le Niger, subissent les effets néfastes de la corruption. Personne n’est épargné par ce fléau qui sape les institutions démocratiques et ralentit le développement économique.
– Fragiliser les Institutions : Le fait de nommer aveuglement des personnes incompétentes et ignorant les lois et règlements du pays a conduit à réduire presque à néant les efforts considérables faits depuis l’indépendance pour doter le Niger d’Institutions à la fois fortes, crédibles mais aussi et surtout opérationnelles. Sans Institutions fortes et crédibles, l’Etat de droit sera toujours une illusion comme le président Issoufou ne cesse de le clamer.
Ces conséquences, quoique non exhaustives, coutent des milliards de FCFA au pays chaque année. C’est presque autant d’argent en moins pour les secteurs sociaux tels que l’éducation ou la santé. On comprend mieux pourquoi, depuis près de 27 ans, le pays peine à quitter la « queue » du classement IDH.
Heureusement que cette situation n’est pas une fatalité. Comme en témoigne les timides évolutions récentes. Selon nos informations, le chef de l’Etat Issoufou Mahamadou a clairement instruit les autorités de nomination de tenir compte impérativement du critère ‘’profil/emploi’’. Conscient que « l’administration est le point cardinal de toutes les politiques de développement ; celui duquel partent toutes les dynamiques et celui vers lequel évidemment elles aboutissent », le gouvernement semble faire ce dernier temps de la compétence l’un des critères premiers de nomination. Grâce à certaines de ces nominations, l’Etat tenterait de rompre avec certaines pratiques « du passé » afin que l’administration du pays soit une « Administration de développement, afin de mieux assumer son rôle de locomotive, vecteur de compétitivité et de performance ». En effet, cette recherche de la performance passe par « une administration de qualité capable de porter les innovations majeures comme la souplesse des procédures et l’orientation qu’il faut donner aux actions unités de programmes. C’est cette culture d’un genre nouveau qui fera de notre administration un élément dynamique et compétitif » (Dr Adamou Issoufou, 2017).
Comme l’a souligné Dr Adamou Issoufou dans l’un de ses travaux, l’administration étant une structure qui doit faire face à des défis permanents et ponctuels, « la bonne marche de l’ensemble dépend de sa capacité à mobiliser rapidement les ressources [humaines, matérielles et financières] nécessaires et à la hauteur des défis à relever ». Dans ces conditions, le passage des stratégies sectorielles à des programmes d’action concrets efficaces exige la construction d’une véritable administration de développement fondée sur le mérite et le souci d’efficacité. Enfin, pour hisser le pays au rang des grandes nations, le pays a besoin d’un leadership politique constamment engagé pour le travail et le progrès.
Au regard des antivaleurs promues depuis le début de notre processus démocratiques, l’activiste des réseaux sociaux, Dr Djamila Ferdjani a vu juste en déclarant : « Le plus grand drame de la politisation de l’administration est qu’elle transforme la méritocratie en médiocratie, avec des conséquences néfastes sur la marche du pays ». Vivement pour une véritable modernisation de l’administration tant prônée par les autorités de la 7ème République !
Adamou Louché Ibrahim
Analyste économique
@ibrahimlouche
Niger Inter Magazine N°13