C’est Voltaire qui a dit : « Comme le despotisme est l’abus de la royauté, l’anarchie est l’abus de la démocratie. » C’est l’une des principales leçons du procès des acteurs de la société civile nigérienne en conflit avec la loi des finances 2018. Ceux-là qui voudraient abuser de notre processus démocratique en voulant s’arroger des prérogatives qu’ils n’ont pas. Comment admettre qu’un groupuscule ose proférer un ultimatum à un gouvernement légitime de retirer sa loi ou de dégager ?
En effet, c’est à la suite de cette imposture que d’aucuns, dans une posture anarchiste, clament à cor et à cri qu’il n’y a pas de démocratie au Niger. Nous sommes sous l’empire de la dictature. Ce qui est assez curieux, c’est quand ces coupeurs de cheveux en quatre chantent ces litanies sur des plateaux de télévision et dans les journaux. Un plumitif de la place vient d’apporter de l’eau au moulin à la tendance avec cette manchette : « Issoufou Mahamadou le monarque en solo » !
Et la justice est également prise à partie. Tant qu’elle ne rend pas une décision attendue par quelques-uns, elle ne serait pas indépendante. L’attitude du mauvais perdant se systématise dans notre pays parce que certains voudraient user et abuser de la démocratie en rusant avec les lois de la République. De proche en proche, si l’on n’y prend garde, ces illuminés mèneront en bateaux les démocrates sincères.
Pourtant, les Journées d’actions citoyennes (JAC) contre la loi des finances 2018 s’inspirant du mouvement historique de la lutte contre la vie chère de 2005 étaient autorisées à plusieurs reprises. Sauf qu’à un certain moment, très remontés, les leaders de ce mouvement insurrectionnel ont voulu innover en rapportant les heures de la manif de 16h à minuit. Avant la date fatidique du 25 mars, après avoir rejetés bruyamment les bons offices des leaders des associations islamiques, les leaders de la faction de la société civile, en conflit avec la loi 2018, ont cru devoir proférer un ultimatum au régime : ‘’retirez votre loi ou dégagez’’. Entre temps, le régime en place avait bien compris les velléités insurrectionnelles de ces agitateurs. La suite est connue : l’autorité de l’Etat est mise en branle. Le mouvement est réduit à sa portion congrue. La justice en arbitrage.
C’est justement cette réaction du pouvoir face à une insurrection que d’aucuns considèrent comme la négation de la démocratie au Niger.
Mais ce que certains anarchistes feignent d’ignorer, c’est que « La démocratie consolide la domination plus fermement que l’absolutisme », écrivait Herbert Marcuse dans ‘’L’homme Unidimensionnel’’. En effet, à la différence de la dictature, en démocratie on contraint le citoyen indélicat à être libre c’est-à-dire, à respecter l’ordre républicain car, comme dirait Jean Rousseau, c’est en obéissant à la lui qu’on obéit à soi-même. Ce qui nous situe à mille lieues de l’anarchie qui est par essence la négation des libertés et de la stabilité. Si seulement ceux qui parlent de dictature ou de monarchie aujourd’hui se rappelaient de l’ère Kountché, ils comprendront qu’ils exagèrent. Ce n’est pas une différence de degré qui sépare la dictature du régime démocratique. C’est une différence de nature. Ceux qui entretiennent cette confusion des genres doivent se ressaisir. Ils doivent être proactifs comme condition sine qua non pour parfaire notre processus démocratique.
Nous vivons aujourd’hui comme un cauchemar la démesure de certains de ces acteurs de la société civile dans une autre vie de démolisseur de la démocratie. Si c’est cette ‘’salade sans gout’’ qu’ils rêvent servir de nouveau aux Nigériens alors le juge doit les reprendre comme ceux-là qui ont appelé le président Issoufou à faire tazarce en dépit de tout ce que cela a couté récemment à notre pays.
Disons-le tout net, un pays ne saurait se développer dans l’instabilité chronique. La vocation de la société est loin d’être une menace pour la démocratie. Bien au contraire. C’est pourquoi nous partageons ce trait d’esprit de John Dos Passos : « Je n’ai pas assez de foi dans la nature humaine pour être anarchiste. »
EMS