Avec un parcours politique riche d’expériences, une bonne connaissance des hommes et une maitrise de l’histoire, le Premier ministre de la transition malienne, Choguel kokala Maïga se présente comme une sorte de gardien de la ligne politique, pas seulement de la transition politique au Mali, mais aussi de l’évolution et débats en cours dans cet espace commun de l’Alliance des Etats du Sahel qui se compose du Burkina Faso, du Mali et du Niger.
Une stature que lui confèrent la profondeur et la pertinence de ses discours, à telle enseigne que, assez souvent, ses interventions sont très attendues par les milieux d’opinions. Jeudi 24 octobre dernier, dans une sorte d’avertissement ou en tout cas, d’éclairage politique, le Premier ministre malien mettait en garde contre les opportunistes, les manipulateurs et les agents de l’étranger.
Ils sont les principaux parasites des transitions en cours dans la sous-région du Sahel, particulièrement au Niger où la question du choix de l’agenda de la transition, sa durée ainsi que sa mission sont encore à clarifier.
Pour éviter certaines erreurs, telle est la côte d’alerte émise par Choguel Maïga qui a évoqué les oppositions expressément entretenues entre civils et militaires par les esprits parasites des discours du genre « vous savez, les militaires sont meilleurs que les civils « , a rappelé le Premier ministre malien. C’est un discours récurrent qu’on entend assez souvent: « les militaires sont meilleurs que les civils, les militaires sont plus efficaces que les civils, les militaires doivent rester au pouvoir… Cela n’est que la première étape de la ruse des manipulateurs ». Et Choguel Maïga de rappeler comment on crée la division au sein des militaires, on crée des oppositions au sein de l’organe de la transition militaire. « C’est comme ça qu’on a divisé le Soudan » a-t-il rappelé. Une mise en garde du Premier ministre malien qui a un retentissement tout particulier au Niger.
Débat sur la transition
Au Niger, le débat sur la transition fait rage et de plus en plus, des acteurs de la société civile ou des anciens militants des partis de l’opposition, reconvertis dans la société civile appellent ouvertement le CNSP à tourner le dos à son programme initial pour s’engager résolument dans une nouvelle option, celle du rejet de la démocratie, celle de la marche sans retour, celle de l’exclusion systémique d’un pouvoir civil.
Toute la semaine dernière a été marqué d’un discours singulier, celui de certains acteurs du Front patriotique pour la souveraineté (FPS) qui appellent les militaires au pouvoir à renoncer à toute idée de la durée de la transition et à toute idée du retour à la démocratie. Des appels récurrents des activistes, surtout des anciens militants du parti de l’opposition Lumana qui prennent à contre-pied les intentions premières du Conseil National pour Sauvegarde de la Patrie (CNSP). Cette volonté des acteurs à imprimer une nouvelle marche à l’équipe d’une transition ne vise que deux finalités: l’opportunisme de certaines personnes qui veulent vivre au crochet de l’appareil de la transition et pour certains acteurs tapis à l’ombre, il s’agit de piloter une transition pour qu’elle sombre dans une crise et un effondrement propice à sa remise en cause. C’est pourquoi Choguel Maïga a tiré la sonnette d’alarme pour éviter certaines erreurs.
Les erreurs du passé
De Baré Maïnassara au tazartché de Tandja Mamadou, le Niger a connu son lot d’erreurs dans les parcours des transitions. Baré Maïnassara avait de bonnes intentions de conduire à bon terme une transition politique pour restituer le pouvoir. Le Niger a connu une situation politique conflictuelle entre un Président de la République Mahamane Ousmane et son Premier ministre Hama Amadou au cours d’une cohabitation politique qui a menacé la stabilité et la cohésion nationale. Ce qui a occasionné l’irruption de l’armée sur la scène politique et s’emparer du pouvoir. La transition de Baré Maïnassara devrait rétablir l’ordre et faire une réadaptation des institutions nationales en adéquation aux réalités du Niger. C’était sans compter avec les manipulateurs et opportunistes qui se sont emparés du débat pour imprimer à la transition de Baré, une nouvelle orientation qui a conduit le Niger à un échec tragique.
En 2009, le Président de la République Tandja Mamadou devait quitter le pouvoir aux termes de ses deux mandats, après avoir mis sur pieds un certain nombre de chantiers de construction nationale. Là encore, les manipulateurs et opportunistes vont s’agglutiner autour de la bonne fin des deux mandats de Tandja pour lui imprimer une autre trajectoire : le tazartché. Trajectoire qui plongera le pays dans l’une de ses pires crises politiques.
L’avertissement de Choguel Maïga quand il appelle à évier certaines erreurs a une résonance toute particulière au Niger qui a connu des moments difficiles du fait justement de ces opportunistes qui ont toujours fait irruption sur les transitions pour proposer un autre agenda.
Les meilleurs soutiens à une transition, ce ne sont pas ceux qui lui proposent une nouvelle feuille de route, mais ceux qui la soutiennent dans la mission qu’elle s’est elle même donnée. Tel semble être le sens du message de Choguel Maïga dans son fort message à la vigilance.
Ibrahim Elhadji dit Hima
Niger inter hebdo – N° 171 du 05 novembre 2024