« Le Bénin a rédigé de ses propres mains, des dispositions qui ne lui permettent, en tous les cas de figures, d’empêcher que le brut nigérien puisse couler et aller sur la mer et être présenté sur le marché international ». C’est ce qu’a déclaré le Premier ministre du Niger, Ali Mahamane Lamine Zeine, dans un point de presse animé le samedi 11 mai 2024, suite à la déclaration du président béninois, Patrice Talon, pour confirmer et expliquer l’interdiction d’embarquer du pétrole nigérien via le port de Sémè kraké au Bénin.
Face à la presse, le Premier ministre de transition, rapporté par l’ANP, a ajouté que toutes les règles internationales disent qu’on ne peut pas empêcher un pays de l’hinterland d’avoir accès à la mer. « C’est une chose sur laquelle nous pensons que c’est aux béninois d’en tirer les leçons », a-t-il indiqué
Pour rappel, dans le cadre de l’exploitation de son brut via le port de Sémè, le Niger a signé une série d’accords avec le Bénin. Plus d’une dizaine, apprend-on, dont un accord bilatéral entre la République du Niger et le Bénin, un autre accord bilatéral entre la République du Bénin et la Chine et même un accord tripartite (Niger, Bénin, Chine). Il s’est agi d’encadrer, de la conception jusqu’à la naissance du pipeline Niger-Bénin. « Mais tous ces accords ont été violés par les autorités béninoises », a dénoncé le Premier ministre de transition qui s’est par la suite prononcé sur la fermeture des frontières nigériennes avec le Bénin et sur la rentrée au Niger de manière frauduleuse des céréales provenant du Bénin.
Patrice Talon confirme et explique
Deux jours avant la sortie médiatique du Premier ministre du Niger, le président du Bénin, Patrice Talon s’est prononcé sur l’interdiction d’embarquer du pétrole nigérien via le port de Sémè kraké. Dans sa déclaration, le président béninois, rapporté par RFI, « affirme avoir pris des initiatives d’apaisement et de normalisation des relations entre les deux pays via des messages et des émissaires ». Et au président béninois de déplorer que ces initiatives « soient restées sans réponse et sans suite ».
Il faut dire que c’est la fermeture des frontières nigériennes avec le Bénin, bien qu’elles soient ouvertes du côté béninois, après la levée des sanctions économiques de la CEDEAO, qui est à la base de la brouille entre les deux autorités. Le président béninois ne comprend pas alors cette décision des autorités nigériennes.
Autre raison pour justifier l’interdiction d’embarquer du pétrole nigérien reste l’absence de communication entre les deux pays: « Ils ne nous ont pas saisi officiellement de leur volonté d’envoyer des bateaux chargés, ce sont les entreprises chinoises qui nous informent des intentions des autorités nigériennes, les Etats n’échangent pas entre eux via des prestataires privés », a déclaré le président béninois. Cette manière de faire, « c’est de l’informel », a-t-il relevé, soulignant « qu’on ne peut pas nous voir comme des ennemis et vouloir notre collaboration et nos moyens ».
Une décision cavalière
Les raisons évoquées par le président béninois pour justifier sa décision sont très légères en ce sens que depuis les évènements du 26 juillet, les relations entre les deux pays se sont détériorées après la fermeture des frontières béninoises avec le Niger mais aussi face à l’engagement de Patrice Talon d’appliquer strictement les sanctions issues de la décision de la conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO sur le Niger. Pour autant, le Bénin a fait cavalier seul pour fermer ses frontières avec le Niger. En outre, malgré l’existence d’un accord entre les deux pays, Patrice Talon a pris sa décision qu’il a notifiée à la Chine et non au Niger. Comme pour impliquer la Chine d’intercéder entre les deux pays. En agissant ainsi à un moment où le Niger attend beaucoup de ses ressources pétrolières, il vient une fois de prouver sa volonté de jouer la carte de l’impérialisme.
En somme, ce durcissement de ton ne va pas pour arranger les relations entre les deux pays. Les autorités du Niger et du Bénin ont le devoir de trouver un terrain d’entente pour l’intérêt des communautés vivant de part et d’autre dans les deux pays frères et amis depuis la nuit des temps.
Almoustapha Aboubacar