Société civile : L’effondrement de la pensée !

« … le Mali est aujourd’hui le pays le plus prospère de l’UEMOA », ce sont-là les propos tenus par un acteur de la société civile, bien connu au Niger sur les questions économiques et financières, dans un élément vidéo qu’il a enregistré. L’UEMOA, il faut le rappeler, c’est l’union économique et monétaire ouest africaine. Elle regroupe 8 pays dont le Sénégal et la Côte d’Ivoire, utilisant le Franc CFA comme monnaie commune. Et à en croire cet activiste, c’est le Mali qui est le pays le plus prospère de tous ces Etats de l’UEMOA.

Mais l’activiste ne donne point des éléments de références mesurables en termes de PIB par tête d’habitant. Il ne donne non plus aucun aperçu sur le niveau du budget annuel du Mali en comparaison avec celui des Etats de l’UEMOA.

Aucun indicateur non plus sur les produits industriels fabriqués par le Mali et qui alimentent les marchés de la sous région. Pour dire nettes les choses, il n’a procédé à aucune analyse comparée entre les pays, se contentant juste d’estimer que le Mali est le plus prospère.

Cette prospérité du Mali pourrait avoir un lien avec le retour de la coopération avec la Russie ? Sans doute que les estimations de ce soi-disant « économiste » ne concernent que les maliens de Bamako et ne prennent point en compte les dizaines de milliers de maliens réfugiés au Niger et dans d’autres pays de la sous région. Curieusement, tous ces réfugiés ne courent pas vers cette prospérité malienne.

Un autre aspect évoqué par l’activiste, qui brosse dans sa vidéo, une analyse des choses, c’est l’aspect sécuritaire. Sur ce point, il souligne une grande avancée dans la coopération militaire entre le Mali et la Russie. « Si le Mali tient encore debout, c’est grâce à la Russie qui lui donne tout l’arsenal et la technologie militaire », souligne-t-il. En filigrane de son analyse, c’est de l’image de la Russie qu’il s’agit et qu’il présente comme une chance et une réelle opportunité pour le Mali, le Burkina et sans doute qu’il voudrait bien voir le Niger tomber aussi dans l’escarcelle de la Russie.

Là-aussi, problème d’analyse. Pas de chiffres. Aucune estimation du montant de ce que coûte la milice privée Wagner à l’économie malienne. Pêle-mêle, l’activiste confond les époques, quand il parle de la Russie et de l’Union soviétique. La Russie, ce n’est pas l’union soviétique, la Russie en Afrique et en particulier au Mali, c’est un grand business autour de Wagner. Notre « économiste » devrait se procurer les chiffres pour la consommation des abonnés de son site.

Il y a aussi un point qui pourrait déranger la réflexion de l’activiste. C’est la situation sécuritaire du Centrafrique, le premier pays africain où Wagner a mis les pieds. Il ne dit rien sur les performances de la Russie en Centrafrique. Et c’est les centrafricains eux-mêmes qui en parlent et le Président centrafricain Taoudera est présentement en pourparlers avec les pays occidentaux dans la recherche d’une nouvelle coopération militaire devant, non pas les succès des russes, mais plutôt leur échec.

Le Président centrafricain discute ainsi avec les américains mais il est aussi en train de reprendre langue avec la France. Pourquoi ? Parce que la Centrafrique est aussi très prospère avec les russes ? Non, parce que l’Afrique a un problème avec ses intellectuels, avec ses universitaires et avec sa société civile.

Le grand problème des élites, des intellectuels ou de la société civile, c’est le fait qu’il n’y a pas de pensée honnête. Il n’y a pas de réflexion méthodique ou scientifique. Les acteurs de la vie publique travaillent avec des humeurs et des petits calculs d’opportunité pour eux-mêmes. Et ils finissent par pousser les décideurs à opérer des mauvais choix qui vont vite être regrettés, ensuite on sort pour aller dans une autre subjectivité.

Le cercle vicieux dans lequel évoluent toutes les décisions engageant le destin de la communauté est entretenu par ces réflexions défectueuses. Il y a là comme une sorte d’effondrement de la pensée ou de la réflexion. Et cela est lié à un principe cher aux économistes : « la fausse monnaie chasse la vraie ». Le silence de ceux qui savent donner la parole à toutes sortes d’apprentis en sorcellerie. Et c’est dans ce sens qu’actuellement, on entend toute sorte de théories et réflexions qui sont en cours au Niger sur la bonne efficacité de la nouvelle « monnaie AES », sur le grand boom économique au sein de l’espace « économique AES » ou sur Wagner. Et toutes ces théories ne sont jamais portées par des personnalités universitaires autorisées en la matière.

Ibrahim Elhadji dit Hima