Départ des derniers soldats français du Niger : Une bonne affaire pour des puissances plus conciliantes avec les militaires au pouvoir à Niamey

Le 22 décembre 2023 est une date qui marquera à jamais l’histoire de la marche du Niger vers la plénitude de sa souveraineté. Ce jour que d’aucuns diront fatidique, a vu les derniers soldats français quitter la base qu’ils occupaient depuis près d’une décennie à Niamey. Avec ce départ définitif des militaires français du sol nigérien, une nouvelle ère s’ouvre au Niger, pays dont les populations ne supportent plus de voir des militaires étrangers se promener avec armes et bagages sur leurs terres, de voir leur sécurité être  »garantie » par des forces étrangères et non par leurs propres forces, bien que celles-ci soient bel et bien capables de le faire.

Le 22 décembre 2023, comme tant attendu par les nigériens, les derniers soldats français de l’ancienne Force Barkhane ont pris leur vol à destination de la France ou, peut-être, le Tchad, leur pays de transit depuis le début de leur désengagement forcé du Niger.

La Base Aérienne Projetée (BAP) comme l’appelle l’armée française, Escadrille ou Base Aérienne 101 de Niamey, selon les militaires nigériens et les populations locales, est désormais sous la seule autorité des Forces Armées Nigériennes (FAN), ou du moins sous la seule autorité du Niger tout court.

Avant de partir, les éléments de la Force Barkhane l’ont officiellement rétrocéder au Niger au cours d’une cérémonie solennelle.  Sous l’œil vigilant du Général de Brigade, Moussa Salao Barmou, Chef d’état-major des Armées du Niger, tout s’est impeccablement bien déroulé. Le Général Moussa Salao Barmou a tenu à être sur place à la Base Aérienne de Niamey, tant l’événement est historique, tant il tient à l’honneur du Niger, sa patrie.

Tout a commencé le 26 juillet 2023, lorsque des militaires nigériens ont pris le pouvoir à Niamey et déposé le président de l’époque, Mohamed Bazoum de son fauteuil. A leur tête, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, alors Commandant de la Garde Présidentielle.

L’irruption au pouvoir du Général Tiani a provoqué alors des manifestations populaires spontanées de soutien à l’armée et des réactions de désapprobation dans les rangs des dirigeants de la CEDEAO, de l’UEMOA et de la communauté internationale, notamment la France qui trouve inacceptable qu’un changement anticonstitutionnel se produise à la tête d’un État africain sans que ses services de renseignement ne soient au courant des préparatifs.

La France, très remonté par la situation, refuse de reconnaître les nouvelles autorités du Niger et menace d’intervenir pour rétablir l’ordre constitutionnel et remettre le président déchu, Mohamed Bazoum, sur son fauteuil. Pareil pour la CEDEAO qui met le pays sous embargo, ferme ses frontières et bloque ses avoirs que gère la BCEAO.

La population nigérienne, pour sa part, voit en la CEDEAO, la BCEAO et l’UEMOA, des simples instruments politiques manipulés par la France. Elle fait bloc derrière les militaires au pouvoir et met la pression sur les soldats français retranchés au niveau de leurs bases de Niamey et de Oualam. Entre temps, les autorités militaires dénoncent les accords de défense qui lient le Niger avec la France depuis les indépendances et plusieurs autres accords touchant les liens économiques et commerciaux entre les deux pays.

Le combat citoyen des nigériens finit par payer

Le président français, Emmanuel Macron, mis dos au mur, décide de faire partir ses soldats dans leur ensemble du Niger avant fin décembre 2023. Le retrait des troupes françaises du Niger clôt ainsi, près d’une décennie de leur présence au Sahel au nom de la lutte contre le terrorisme. Une présence qui n’a pas, à proprement parler, été bénéfique au Niger, car n’ayant pas pu empêcher le terrorisme de s’étendre et provoquer des milliers de morts et de personnes déplacées.

Le peu de résultats de l’opération militaire Barkhane a fini par accentuer le sentiment anti-français chez les nigériens. Face à la présence militaire française qu’ils rejettent et la réaction virulente du président français qui menace d’intervenir pour remettre par la force le président Bazoum dans ses fonctions et rétablir ainsi l’ordre constitutionnel, ces derniers se sont farouchement mobilisés à coups de manifestations permanentes jusqu’à obtenir le retrait définitif des soldats français de leur pays.

Dans la foulée, la France a fermé son ambassade à Niamey, ambassade qui, depuis les évènements du 26 juillet 2023, ne fonctionnait plus, surtout après le départ forcé de son locataire, Sylvain Itté. Ce dernier avait, on se rappelle, été maintenu pendant plus d’un mois comme ambassadeur de France au Niger malgré qu’il fut déclaré persona non grata par les autorités militaires en place à Niamey.

De son côté, le président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, à la tête du pays depuis le 26 juillet 2023, a fini par se faire accepter grâce à une diplomatie agissante, comme la seule autorité légitime du Niger.

La CEDEAO, l’ONU, les États-Unis et bien d’autres pays n’ont plus d’autres interlocuteurs au Niger que le CNSP et son chef. Le Bénin qui était vent debout pour qu’une attaque militaire soit diligentée par la CEDEAO contre le Niger est revenu à de meilleurs sentiments et lui fait des appels du pied.

En rappel, une semaine plutôt, le ministre allemand de la défense était à Niamey afin de renforcer la coopération militaire allemande avec le Niger. La France contrainte à partir, d’autres acteurs plus conciliants prennent sa place. Russie, États-Unis, Allemagne, Turquie, Chine, pour ne citer que ceux-là, chacun cherche à sauvegarder ses intérêts sans ingérence aucune dans des affaires qui ne regardent que les nigériens.

Bassirou Baki