à Dakar, SEM Issoufou Mahamadou accueilli à la passerelle par son homologue, SEM Macky Sall.

Billet : Et si Macky Sall se mettait à l’école d’Issoufou et Buhari ?

Au Sénégal, la situation sociopolitique est on ne peut plus chaotique. Et pour cause : le silence assourdissant du Président Macky Sall relativement à la question d’un éventuel 3ème mandat. La récente condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme, pour « corruption de la jeunesse » dans le procès du présumé viol sur la masseuse Adji Sarr, constitue la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. L’heure est grave au pays de la téranga en ce sens qu’il y a eu non seulement des morts, mais des pertes matérielles à l’occasion des manifestations des partisans de Sonko. Même l’Université Cheikh Anta Diop, une fierté nationale n’a pas échappé aux actes de vandalisme. Des voix s’élèvent de plus en plus, tant au Sénégal que dans le reste du monde, pour appeler les sénégalais à la retenue et à Macky Sall de clarifier sa position et de cesser également son petit jeu qui consiste à instrumentaliser l’appareil judiciaire dans le but de disqualifier ses opposants dans l’optique des élections présidentielles de 2024.

Dans une posture anachronique, le Président Macky ne semble pas apprendre les leçons de l’Histoire. Sa boulimie du pouvoir le fait penser qu’il peut réussir à tripatouiller la Constitution là où Me Abdoulaye Wade a échoué. Amnésique, il oublie également le sort d’un certain Blaise Compaoré ou Alpha Condé face à leurs peuples. Tout Président de l’Union Africaine qu’il est, Macky refuse d’ouvrir les yeux pour comprendre la trajectoire irréversible tracée par Nelson Mandela, Ellen Johnson Sirleaf, Issoufou Mahamadou et Muhammadu Buhari. D’ailleurs, parlant de l’alternance au Niger, Ousmane Sonko disait récemment que le Président Issoufou, après ses deux mandats, « vit tranquillement chez lui », une façon de dire qu’il existe bel et bien une vie après la présidence.

On se rappelle, à l’ouverture de la 5ème législature du Parlement de la CEDEAO, en tant que Président en exercice de la CEDEAO, le 9 mars 2020, alors Chef d’Etat du Niger, le Président Issoufou a déclaré : «… le temps des hommes qui s’autoproclament providentiels et donc irremplaçables, des hommes qui cherchent à s’incruster à vie au pouvoir, tire à sa fin. Cela se traduira par des alternances plus fréquentes et par une respiration démocratique qui consolident les institutions démocratiques dont nos peuples ont tant besoin. Cela nous permettra de faire l’économie des crises comme celles que nous connaissons actuellement en Guinée Conakry et en Guinée Bissau ».

Cette posture du Président Issoufou est d’autant compréhensible qu’au Niger, en 2018, deux acteurs de la société civile de l’Association UJND (Union des jeunes nigériens pour le développement) ont été interpellés à Zinder par la police judiciaire pour avoir appelé le président Issoufou à briguer un 3ème mandat.

L’on se souvient qu’à la visioconférence sur le Mali, ce débat a été posé par le Président de la Guinée-Bissau. Dans son allocution d’ouverture du 57ème Sommet de la CEDEAO, le lundi 7 septembre 2020, en parlant de la gouvernance démocratique, Issoufou Mahamadou déclarait : « Les crises multiformes qui secouent notre espace commun nécessitent d’y consolider les institutions démocratiques. Celles-ci doivent être capables d’y faire face. Elles doivent être capables de garantir la paix, la sécurité, la stabilité et le progrès économique et social conformément aux promesses de nos différentes constitutions et aux dispositions du protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance. Les démocraties, pour réussir, ont besoin d’institutions fortes ».

A l’échelle du continent, les Chefs d’Etats vont-ils justement considérer la tentation du 3ème mandat comme un recul démocratique et une imposture aux antipodes de la bonne gouvernance ? A quand une résolution contre un 3ème mandat dans l’espace CEDEAO ?

Pour toute fin utile, il est grand temps pour le Président Macky Sall de se ressaisir. Le temps est compté pour lui. Le Président Issoufou est libre comme un poisson dans l’eau. Le Président du Nigeria, Mahammadu Buhari, vient de lui emboiter le pas. Au Sénégal, il n’y a pas 36 solutions : Macky Sall est tenu de sortir par la grande porte en respectant la plus grande démocratie en Afrique. Ce faisant, il aura rendu un grand service à son pays et à lui-même.

Tiemago Bizo

Niger Inter Hebdo N°113 du mardi 6 juin 2023