Interview exclusive du président de l’UFPR Mahmoud Sallah à cœur ouvert !

Après leur rencontre avec le Chef de l’Etat, Mahmoud Sallah, le président de l’Union des forces patriotiques pour la refondation (UFPR) et ses camarades, ont annoncé face à la presse, leur reddition sans condition. Pour davantage éclairer la lanterne de ses lecteurs, votre journal est allé à la rencontre de ce chef rebelle qui entend désormais inscrire son combat dans la République. Dans cette interview exclusive, Mahmoud Sallah a passé au peigne fin les contours du processus et les enjeux de leur décision de déposer les armes.

Niger Inter Hebdo : Après trois ans dans le maquis, l’Union des forces patriotiques pour la refondation (UFPR), un mouvement politico-militaire que vous dirigez, a décidé de déposer les armes et de revenir dans la République. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Mahmoud Sallah : Pour répondre à cette question, il faut rappeler d’abord le contexte dans lequel l’Union des Forces Patriotiques pour la Refondation (UFPR) a été créée. Elle a été créée en août 2020 par un groupe de camarades dont je fais partie. C’était à un moment où le climat sociopolitique était très compliqué. La corruption et la mauvaise gouvernance était au plus haut niveau. Nous avons comme but principal de lutter contre ces fléaux. Juste après sa création, le Président Issoufou Mahamadou avait engagé comme médiateur le Président tchadien, feu Idriss Déby. On était en discussion quand le Président est retrouvé mort au front. Après l’élection du Président Bazoum et le passage de témoin, le Président avait continué à nous tendre la main. Il avait toujours envoyé des médiateurs pour discuter avec nous, pour savoir nos conditions, ce que nous voulons. Cela a continué jusqu’à ce que finalement, nous décidions d’entendre raison, d’attraper la main tendue du Président. Il y a eu des pressions de tous les côtés. Nous-mêmes, nous avons décidé cette fois, de tendre la main, parce que nous nous sommes donnés un temps d’observation de la situation du pays. Je ne dis pas que les raisons qui nous ont motivé à prendre les armes ont disparu, mais la situation s’est améliorée et le Président, dans son discours d’investiture, a d’ailleurs été très clair sur la question de la lutte contre la corruption et l’injustice.

Il avait pris l’engagement devant le peuple et c’était un engagement solennel, de lutter contre la corruption, l’injustice et l’arbitraire et nous lui avons accordé du crédit à ce qu’il a dit, le connaissant aussi, c’est un homme de principe, c’est un homme qui tient à honorer ses engagements. Aussi, avec les actions qu’il a posées dans la lutte contre la corruption, nous avons dit que le Président est certainement sur la bonne voie et ce n’est pas à nous de lui compliquer davantage sa mission.

Il faut dire que le Niger est entouré par des foyers de tensions, dans la région de Diffa, dans la région de Tillabéri, au centre du pays, à Maradi et à Tahoua. Ce n’est pas à nous d’aggraver, parce que nous voulons que les choses changent, nous voulons qu’il y ait une amélioration sur tous les plans. Donc, quand le Président lui-même initie et entreprend de lutter contre la corruption, de s’investir dans la recherche de la paix, la sécurité, alors, nous notre devoir en bons citoyens, c’est d’accepter sa main tendue et de rentrer au bercail.

Il nous avait rassuré qu’une fois arrivé, il prendra les dispositions pour que nous soyons en sécurité, pour que nous nous pardonnions et travailler ensemble, chacun dans la mesure de ses possibilités de contribuer au développement du pays, au bien-être social. Nous sommes satisfaits depuis qu’on l’a rencontré et on ne s’est pas trompé de décision. Il a voulu savoir nos conditions, nous, on a dit non, nous sommes venus sans condition parce que nous estimons que le plus important est que le Niger se porte bien, que la situation sécuritaire s’améliore et que la lutte contre la corruption s’accentue.

Niger Inter Hebdo : Outre les raisons que vous venez d’évoquer, est-ce que l’UFPR n’était pas en situation de faiblesse, de peur d’être écrasée par l’armée nigérienne qui, depuis un certain temps, est montée en puissance, qui vous amené à déposer les armes?

Mahmoud Sallah : Certes, l’armée nigérienne est en train de monter en puissance et elle est en train d’obtenir des résultats tangibles sur le terrain et nous en sommes très fiers. D’ailleurs, nous avons toujours dit que nous n’avons rien contre l’armée nigérienne, nous avons plutôt des revendications politiques. Aujourd’hui, avec les efforts de l’armée, en plus de ce que le Président est en train de faire comme efforts pour améliorer le bien-être des citoyens, pour renforcer la sécurité, pour booster le développement, nous avons opté pour la paix. C’était fondamentalement ces raisons qui nous ont amenés à rallier et déposer les armes.

Dire que nous étions en position de faiblesse, n’est sans doute pas vrai. Mais quel qu’en soit Alpha, une rébellion est toujours moins lotie, dispose de moins de moyens qu’une armée qui a des capacités illimitées en matière de ressources humaines, en matière de financement, en matière de moyens logistiques. Ce n’est pas à comparer. Mais dire que c’est par faiblesse, non je ne suis pas d’avis. Nous avons souverainement et en toute lucidité, après observation de la situation du pays et globalement de tout ce qui se passe sur la situation politique et sécuritaire du pays, de répondre à l’appel du Président de la République.

Niger Inter Hebdo: A la naissance de votre mouvement, nombreux sont les nigériens qui pensent que l’UFPR agit pour le compte de certains intérêts nationaux et étrangers. Est-ce vrai que derrière ce mouvement, il y a des mains invisibles ? Pourquoi ils en voulaient à l’Etat du Niger ?

Mahmoud Sallah : Non, la décision de créer l’UFPR était une émanation de la volonté de nos camarades, membres fondateurs. Il faut rappeler que moi personnellement, avant d’aller à l’UFPR, j’avais séjourné ici à la prison à plusieurs reprises. Juste après ma libération, nous avons décidé avec des camarades, de la création de l’UFPR. Les citoyens sont libres de penser ce qu’ils veulent. Pour une raison ou une autre, c’est vrai, il y a des gens qui ont applaudi et il y a des gens qui ont dénoncé. On comprend tout cela. S’il y avait une main étrangère dans la création ou dans le financement de l’UFPR, l’État aurait senti. Et d’ailleurs, l’État a les capacités illimitées, il dispose de renseignements pour savoir si effectivement, il y a une main invisible ou non. En ce qui nous concerne, on sait que nous n’avons jamais bénéficié de soutien de qui que ce soit. En dehors des camarades avec qui nous étions sur le terrain, aucune autre force n’est impliquée dans cette initiative. Les gens peuvent spéculer, dire souvent des choses invraisemblables, infondées. Dans tous les cas, chacun est libre de sa pensée, mais nous, à notre connaissance, il n’y a pas de main invisible, sinon on serait plus dynamique. Toutefois, il faut dire qu’au niveau de la frontière du triangle Niger-Libye-Tchad ou Niger-Libye-Algérie, il y a beaucoup de forces non étatiques, des milices des forces armées d’autres nations, d’autres États qui sont présentes, avec qui, il est vrai, à un moment donné, nous avons peut-être eu des contacts relationnels. En dehors de cela, il n’y a pas de main invisible derrière nous.

Niger Inter Hebdo : En prenant les armes, vous disiez combattre la mal gouvernance, l’injustice et la corruption. Aujourd’hui que vous les déposer, est-ce à dire que l’Etat a remédié à toutes ces tares que vous dénoncez ?

Mahmoud Sallah : C’est vrai, à la base, c’était pour dénoncer la mauvaise gouvernance, l’injustice et la corruption que vit notre pays. C’est vrai qu’aujourd’hui, on ne peut pas dire que nous déposons les armes parce qu’il n’y a plus tout cela ou que le gouvernement a remédié à tous ces problèmes. Ce qui est clair, il y a une situation qui est là, il y a une volonté affichée et manifeste du Président de la République à combattre la corruption et l’injustice. C’est un fait et le Président a pris des engagements devant le peuple nigérien, lors de son discours d’investiture. Nous avons suivi ce discours avec intérêt et nous a beaucoup intéressés. Le plus important est qu’il ait cette volonté de combattre la corruption. C’est vrai, la corruption est un phénomène qui est profondément ancré dans la société nigérienne. Généralement, nous nous contentons de dénoncer les hommes politiques, mais non la société en général. Pourtant, la corruption est dans tous les secteurs. Donc, pour combattre et lutter contre la corruption, je pense qu’il faut du temps et travailler aussi pour un changement de mentalité. Il faut également sensibiliser les gens à renoncer à un certain nombre de comportements. Sur le plan de la gouvernance, nous constatons aussi de progrès notables. Le fait qu’au Niger, pour la première fois, un Président démocratiquement élu passe le témoin à un autre Président démocratiquement élu, c’est un évènement majeur que les Nigériens n’ont jamais connu. Il faut saluer cette avancée. Aujourd’hui, en raison de cet acte, l’ancien Président du Niger, Issoufou Mahamadou, est applaudi dans la sous-région et même au-delà des frontières d’Afrique. Il est récompensé pour cela, on lui reconnaît ses valeurs. Donc, je pense qu’il y a des progrès, mais il faut chercher constamment à améliorer la situation, on ne doit pas cesser de mener des actions dans ce sens. C’est petit à petit que l’oiseau fait son nid, et un pas après un autre, plaise à Dieu, nous pensons que le Président de la République, Mohamed Bazoum, va essayer d’aller plus loin dans la lutte contre la corruption, l’assainissement des finances publiques et dans la recherche de la paix. Et d’ailleurs, nous-mêmes nous avons l’intention et la volonté de contribuer à cela, si nous avons des petites expériences ou des connaissances, nous mettrons à sa disposition, mais aussi de créer les conditions pour qu’il ait plus de justice sociale au Niger.

Les priorités sont nombreuses, on est d’accord et nous avons des moyens limités. Maintenant, il faut créer les conditions pour que tout le monde travaille, pour que les citoyens cultivent l’esprit de travail et c’est dans le travail que le Niger sera libre. Un peuple qui ne travaille pas est un peuple qui est appelé à échouer encore et encore. La faute ne revient pas seulement aux hommes politiques, il faut que nous les citoyens de ce pays, de toutes les régions, à tous les niveaux, que nous participions aussi au changement de mentalité et lutter ensemble contre ces phénomènes-là. Parce qu’aujourd’hui, si nous avons une mentalité tendant à soutenir le Président de la République dans les actions qu’il entreprendra, je crois fermement que le Président allait au-delà de nos espérances.

 

Niger Inter Hebdo : Votre reddition fait-elle l’unanimité ? N’y a-t-il pas d’autres parmi vous qui s’y opposent ?

Mahmoud Sallah : Il y a eu des concertations à l’UFPR sur une longue période. Les débats ont évolué depuis un an, est-ce qu’il faut déposer les armes ou est-ce qu’il ne faut pas déposer les armes. Dans le cas où nous déposons les armes, quelles seront les conditions ? Finalement, on s’est entendu de répondre à l’appel du Président et de déposer les armes sans condition. Dans notre groupe, il n’y a aucune dissidence. Nous, les camarades sommes tous d’accord, unis et solidaires dans cette décision. Le plus important étant la paix.

 

Niger Inter Hebdo : Vous et vos lieutenants étaient reçus par le président de la République. Quelle garantie avez-vous donné au Chef de l’Etat et à la nation toute entière que votre reddition est irréversible ?

Mahmoud Sallah : Plaise à Dieu, nous avons pris l’engagement devant Dieu et devant les hommes de déposer les armes et nous avons donné notre parole au Président de la République, nous avons pris l’engagement d’œuvrer pour la paix et sans paix, rien n’est possible. On ne peut pas progresser sans la paix. Nous n’avons aucun intérêt de récidiver tant que nous avons à la tête du pays, des dirigeants qui ont les mêmes convictions que nous. Le Niger, c’est un pays des opportunités pour quelqu’un qui a de l’initiative, qui a l’esprit d’entreprendre. Je pense que toutes les possibilités sont ouvertes. Notre intérêt c’est de veiller, d’œuvrer à ce que la paix devienne une réalité et de sensibiliser surtout les jeunes à œuvrer pour la paix et de travailler. Je profite de votre journal pour dire aux autorités qu’elles doivent surtout créer des emplois pour la jeunesse parce que le chômage est de plus en plus en train de gagner du terrain. Il est vrai, c’est aussi lié au fait que l’État dépense énormément dans la sécurité, mais ce n’est pas pour cette raison qu’on oublie l’aspect emploi. La jeunesse a besoin d’emploi, il faut créer pour qu’elle reste solidaire, pour qu’elle reste attachée à la République. Moi, je pense que c’est très important. Nous pensons que le Président créera les conditions pour que tous les citoyens se sentent en sécurité, en paix dans le pays. D’ailleurs, il y a un de mes compagnons qui a dit : « s’il y aurait quelqu’un qui va essayer le maquis, c’est lui-même qui l’empêcherait ». Donc c’est clair notre état d’esprit. Nous croyons aux engagements du Président de la République et d’ailleurs, quand nous l’avons rencontré, il nous a donné beaucoup de conseils et nous a promis de sa disponibilité à écouter tous les Nigériens. Et cela va permettre de consolider davantage les choses.

Niger Inter Hebdo : Comment comptez-vous aider l’Etat à asseoir la sécurité dans le septentrion nigérien ?

Mahmoud Sallah : Dans le septentrion nigérien, nous sommes prêts à apporter notre contribution partout où c’est nécessaire sur l’étendue du territoire national. Que ce soit à Tillabéri, à Maradi, à Tahoua et à Diffa, si nous pourrons être utiles, nous sommes disposés à l’accompagner, à soutenir ses initiatives dans le cadre de recherche de la paix et nous l’accompagnerons, plaise à Dieu. C’est un engagement que nous avons pris. Aussi, il faut surtout sensibiliser la jeunesse, c’est très important, parce que généralement, la jeunesse est vulnérable et elle se laisse tenter par des aventures malheureuses. Notre responsabilité est de sensibiliser la jeunesse et d’ouvrir les yeux de cette frange de la société sur les dangers qui se trouvent derrière toutes ces tentatives de déstabilisation du pays.

La volonté du Président est totale. Sa volonté de lutter contre l’insécurité est totale et engagée. Il est engagé plus que jamais à créer les conditions du développement et de l’épanouissement de la jeunesse, parce que sans cela, il n’y aurait pas de paix. Le Président lui-même est conscient de tout cela, il nous a rassuré qu’il entend œuvrer dans ce sens.

Niger Inter Hebdo : quel est votre mot de la fin ?

Mahmoud Sallah : Nous remercions le Président de la République d’avoir privilégié le dialogue pour la paix. C’est Dieu qui élève, aujourd’hui, c’est lui qui est à la tête du pays et dans tous les cas, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Nous sommes disposés et nous l’accompagnerons. Nous prions Dieu pour qu’il l’aide à reconquérir la paix sur toute l’étendue du territoire et que Dieu nous donne les moyens de faire développer notre patrie, parce que c’est le plus important. Entre nigériens, on doit se parler, on doit échanger, on doit faire la paix parce que le Niger est notre bien commun, c’est pour nous tous. C’est dans l’union que nous pourrons réaliser de grandes choses. Artisans de paix, désormais, nous sommes.

Interview réalisée par Oumar Issoufa et Abdoul Aziz Moussa