Tentative de coup d’Etat du 31 Mars 2021 : Foire d’empoigne entre putschistes !

Le procès des putschistes prévenus sur la tentative de coup d’Etat du 31 Mars 2021 se poursuit normalement. A la 3ème semaine des auditions des prévenus, accusés et témoins, les principaux acteurs ont livré leurs secrets. « On sait à 80% ce qui s’est passé », dira le Colonel-major Hamadou Djibo à la barre. Mais ce qui a caractérisé les dernières audiences de la semaine écoulée c’est surtout la foire d’empoigne entre les deux cerveaux qui ont reconnu être porteurs du projet de putsch avorté, à savoir le Capitaine Gourouza Sani Saley et le Lieutenant Abdrahamane Morou. A bien d’égards, les soldats ont fini par se contredire en cherchant à divertir le tribunal. « Il vaut mieux être le dindon de la farce que la farce du dindon », disait Yvan AUDOUARD.

Sur le déroulement du procès, il faudrait faire une mention spéciale au tribunal militaire, les commissaires du gouvernement et les avocats de la défense qui jouent bien leurs partitions de sorte qu’on vit une ambiance à mille lieues de la comédie du procès en Guinée Conakry qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux.

La semaine passée, à la demande du Commissaire du gouvernement, des scellés comportant des pièces à conviction (balles réelles, clés USB, chaussures du capitaine Gourouza tachetées de sang, téléphones, …) ont été présentées. Mais les avocats de la défense avaient contesté la légalité du procédé par lequel ces pièces ont été obtenues. Le tribunal a finalement accédé à la requête des avocats en rejetant les scellés.

Toutefois, il importe de préciser qu’on aura compris que ces pièces à conviction n’étaient plus nécessaires, du moment où à la question de savoir si c’étaient des balles à blanc qui ont été utilisées (comme l’a soutenu le colonel major H. Djibo), l’artificier ou l’armurier de la Base aérienne 101 a dit qu’ils n’ont pas des cartouches à blanc. « Nous ne sommes pas un centre d’instruction, nous ne disposons que des balles réelles ». Et le passage des recrues du capitaine a précisé dans les détails la nature des armes sorties pour la prétendue ‘’mission de sécurisation de l’investiture du nouveau président’’. En effet, tour à tour, les dépositaires des armes, les tireurs, les chauffeurs de la Base 101 ont dit qu’ils avaient sorti des munitions, des armes lourdes Ak47, des 12.7, des 14.5 avant de se rendre à l’assaut du palais présidentiel.

L’ordre militaire au centre du débat

En cette 3ème semaine, la phase d’auditions des prévenus a achoppé au sacro-saint principe militaire ‘’commandement/obéissance’’. En effet, les soldats ont tendance à dire qu’ils sont soumis d’obéir aux ordres de leurs supérieurs. Ce principe fonde la force de l’armée, dit-on. L’Adjudant Mahamadou Halidou dit ‘’étudiant’’ a même osé dire au président du tribunal qu’il est tenu par l’ordre de sa hiérarchie, il n’a que faire de la constitution lorsqu’il lui a été rappelé qu’il n’est pas tenu de respecter un ordre manifestement illégal. Tour à tour, les officiers et sous-officiers ont mis en avant l’idée qu’ils étaient liés par le respect du commandement. Même certains officiers de la Base 101 informés du projet du coup d’Etat par Gourouza ont justifié leur participation par l’obéissance à l’ordre de leur Commandant de compagnie qui se trouve être le Capitaine Gourouza. Au sein de la même compagnie, les sapeurs-pompiers qui devraient empêcher aux avions d’atterrir ou de décoller, ont également soutenu qu’ils ont obéit à l’ordre de leur chef. Ce dernier dit agir aussi par obéissance au Capitaine Gourouza. C’était la même chanson a cappella : ‘’j’ai obéi à l’ordre de mon chef’’.  D’ailleurs pour apporter de l’eau au moulin de ses clients, Me Salim Maiga a fait observer au tribunal que la révision du code militaire qui prend en compte la notion de l’ordre manifestement illégal n’est intervenue qu’en 2022 alors que  les prévenus étaient en prison. Une élégante manière de demander aux juges d’être regardant sur le contexte. Mais une chose est sûre, il y a des prévenus informés (une minorité peut-être) formellement sur le projet du coup d’Etat. Même s’ils ne reconnaissent pas les faits, le Capitaine Gourouza et le Lieutenant Abdrahamane qui ont reconnu leur forfaiture, ont bien voulu faire la part des choses en disant clairement à qui ils ont avoué distinctement leur mission de déstabilisation des institutions. D’ailleurs Gourouza a demandé pardon à tous ceux qu’il a mis abusivement dans cet imbroglio. Gageons que le tribunal fera la part des choses en condamnant les vrais responsables du projet avorté.

Farce ou incohérence de Gourouza et Lt Morou

 Dans un jeu de ping-pong, les deux ex officiers des Forces armées nigériennes (FAN) ont fini par intoxiquer l’opinion publique. Comment faire avaler l’idée que l’ex Président Issoufou Mahamadou aurait financé un coup d’Etat contre lui-même en dépit du fait que le Président élu soit de l’establishment ? Cette option ne ressemble pas du tout à la posture du fin stratège Issoufou Mahamadou. Même ses adversaires les plus coriaces n’ont pas franchi le Rubicon pour apporter de l’eau au moulin de la diversion des putschistes qui savent que leurs carottes sont cuites. C’est pourtant cette théorie du complot que le Capitaine Gourouza et le Lieutenant Abdrahamane Morou ont voulu qu’on retienne. Une stratégie de défense ? Ça a tout l’air.

 Sur les deux prétendus milliards d’Issoufou, le Capitaine Gourouza a dit en substance que cela relève de l’imagination du Lieutenant Abdrahamane qui a cru aux rumeurs depuis sa prison de Koutoukalé. « Pour manipuler les gens à travers les réseaux sociaux, il fallait coute que coute établir un lien entre le Général Tchiany, Issoufou Mahamadou et moi », dira le Capitaine Gourouza à l’audience du jeudi 2 Février 2023. En attendant que Abdrahamane renseigne le tribunal sur son rapport avec la DGSE comme promis, Gourouza pense que s’il y a traitrise c’est bien du côté du Lieutenant qu’il faut chercher la défaillance.

 En effet, sur le terrain de l’assaut du palais présidentiel, le Capitaine Gourouza Sani Saley et ses éléments venaient de la Corniche Yantala en passant vers le Haut commandement de la gendarmerie alors que le Lieutenant Abdrahamane Morou et ses hommes avaient pris position du côté du Ministère des affaires étrangères. Dès leur arrivée sur les lieux, selon le Lieutenant et ses compagnons d’infortune, ils ont commencé à tirer sur le mur dudit ministère et en l’air dans l’optique d’effrayer les éléments de la garde présidentielle, a dit le Lt A. Morou. C’est justement pendant ces hostilités que l’Adjudant Adamou Seyni a reçu un appel de Gourouza leur demandant de ‘’décrocher’’. Ce qui après coup conforte la thèse de la théorie du complot soutenue par le lieutenant Abdrahamane. Pour corroborer son argumentaire, le Lieutenant se demande pourquoi la garde présidentielle (GP) n’aurait pas tiré sur le Capitaine Gourouza qui était face à la puissance du feu ? Et le Lieutenant d’affirmer que Gourouza serait en relation avec le Général Tchiany, raison pour laquelle les hommes du redoutable Tchiany n’avaient pas dégainé. En réponse au Lieutenant Abdrahamane, le Capitaine Gourouza a dit que face à la mort, abandonné par ses hommes et conscient que les soutiens promis par le Lieutenant et le Colonel-major à savoir d’Almahaw, du Camp Agali de Dosso et même de la garde présidentielle ne venaient plus, il a décidé de sauver sa peau en demandant également à ses hommes qui étaient avec le Lieutenant de faire autant. Sur la balle reçue au pied, le Capitaine pense qu’elle serait probablement celle d’un de ses éléments pris de panique. Et le Capitaine Gourouza de revenir à la charge en disant qu’il faut chercher la traitrise du côté du Lieutenant qui lui a confié lui-même qu’il avait des accointances avec la DGSE. Qui croire des deux putschistes ? Le tribunal appréciera.

A l’audience du mardi 7 Février, tous les prévenus, accusés et témoins ont été auditionnés à l’exception de cinq personnes en fuite. Ces dernières seront jugés par contumace selon l’ordonnance du tribunal. La partie civile représentée par l’Agence judiciaire de l’Etat a demandé 50 millions pour les dommages et intérêts subséquents à l’usage des véhicules, carburant, munitions et armes lourdes en dehors du service. Selon un consensus obtenu entre avocats de la défense et les commissaires du gouvernement, l’audience reprendra le jeudi matin avec les réquisitions du ministère public et à partir du lundi prochain les plaidoiries de la défense. Vivement que les vrais auteurs du complot et attentat à la sureté de l’Etat soient condamnés à la hauteur de leur turpitude et les innocents acquittés…selon l’intime conviction des juges du tribunal militaire.

Elh. M. Souleymane

Niger Inter Hebdo N°100