Le procès des présumés putschistes de la tentative du coup d’Etat manqué du 31 Mars 2021 se poursuit normalement. Après deux semaines, on en sait davantage sur les contours de cette conspiration. Le tribunal est attendu probablement cette semaine, après la réquisition des commissaires du gouvernement et les plaidoiries des avocats de la défense pour prononcer la sentence. Certains seront condamnés avec des peines plus ou moins lourdes selon leur degré de responsabilité, d’autres seront acquittés pour n’avoir rien fait ou abusivement utilisés par les auteurs et leurs commanditaires. « Pour manipuler les gens à travers les réseaux sociaux, il fallait coute que coute établir un lien entre le Général Tchiany, Issoufou Mahamadou et moi », dira le Capitaine Gourouza à l’audience du jeudi 2 Février 2023. Notre récit de la deuxième semaine de ce procès on ne peut plus historique.
A titre de rappel, nous rapportions dans notre précédente édition qu’à l’occasion de l’audition du Lieutenant Abrahamane Marou, la question d’écouter le chef d’état-major des Armées (CEMA) et un Directeur de publication d’un journal de la place s’était posée. Le CEMA pour avoir été cité par certains accusés et le Directeur de publication d’un hebdomadaire pour avoir pris une avance de deux millions de Fcfa aux fins de publication d’informations à lui confiées.
Mais pour que cela soit, il faudrait que la défense exerce un pourvoi en cassation du jugement du tribunal militaire de ne pas faire comparaitre d’autres témoins en dehors de ceux déjà retenus.
A la date du mercredi 25 janvier 2023, les auditions des acteurs principaux dans cette affaire ont déjà eu lieu à savoir : le capitaine Sani Gourouza, le Lieutenant Abdrahamane Morou, le Colonel-major Hamadou Djibou, le Général Seydou Badjé, l’Adjudant Amadou Boureima et les autres, le Commissaire de Police Cissé Ousmane et Me Djibo Ibrahim, pour ne citer que ceux-là.
La mystérieuse rencontre entre Gourouza et le Lt Marou
Le Capitaine Gourouza Sani Saley et le Lieutenant Abdrahamane Marou sont les bras armés du complot et attentat à la sureté de l’Etat qui a été mis en œuvre la nuit du 30 au 31 Mars 2021. Les deux officiers frondeurs ont constamment et courageusement reconnu les faits pour lesquels ils sont poursuivis à la différence des autres accusés ou prévenus. Le jeudi 26 janvier, le commissaire du gouvernement avait demandé au Capitaine Gourouza de raconter sa journée du 27 mars 2021 relativement aux évènements en question. L’ex Commandant de la Base 101 a dit que ce 27 mars, il avait reçu un coup de fil du marabout Abdrahamane l’invitant de venir chez lui pour le présenter à un haut gradé de l’armée. A son arrivée, le marabout lui présenta le Lieutenant Abdrahamane Marou. Après les salutations, les deux présumés conspirateurs ont échangé entre eux. Et à travers cet échange, le Lt Abdrahamane a dit à Gourouza qu’il est envoyé par le Colonel-major Hamadou Djibo qui le sollicite pour un projet de déstabilisation des instituions. Pour s’assurer de la véracité des propos du téméraire de Lieutenant, le Capitaine lui proposa d’aller à la rencontre du Colonel-major Hamadou Djibo. Ce qui fut fait. Une fois avec ce dernier, le Capitaine Gourouza demanda au Lt A. Marou de raconter ce qu’il a dit chez le marabout. Ce qu’il a fait sans hésiter et le colonel-major a confirmé la véracité du récit du Lieutenant. Gourouza a demandé alors au Colonel-major de quels soutiens ou moyens disposerait-il ? Il lui répondit qu’il compte sur les forces spéciales d’Almahaou, le Camp Agali de Dosso et certains éléments au sein de la garde présidentielle.
C’est ainsi que le dimanche 28 mars, le Lieutenant Abdrahamane est allé en civil au bureau du Capitaine Gourouza avec ses trois hommes de confiance, des officiers de la base 101. A cette rencontre, Gourouza a demandé clairement à ses hommes leur soutien et malgré les dénégations de ces officiers face au tribunal militaire, Gourouza a dit qu’ils ont bel et bien accepté. Il s’agit notamment de l’adjudant Adamou Seyni, de l’adjudant-chef Abdou Haladou et Mahamadou Halidou dit ‘’étudiant’’.
Les auditions de ces hommes et d’autres sous-officiers de la base 101 ont donné tous les détails sur la sortie des munitions, le recrutement des tireurs, la préparation des véhicules et leurs chauffeurs jusqu’à l’assaut du palais présidentiel qui s’est soldé par une débandade. Certains ont fui et d’autres sont restés jusqu’à leur arrestation. A la question de savoir si ce sont des balles à blanc qui ont été utilisées, l’artificier de la base 101 et ses officiers ont dit qu’ils n’ont que des balles réelles. Après ce témoignage du Capitaine, confirmé par le Lieutenant A. Marou, le commissaire du gouvernement avait confondu le colonel-major Hamadou Djibo qui continue de plaider non coupable.
Faux pique-nique au jardin du colonel-major
Le mode opératoire des comploteurs grands et petits dans cette affaire, c’était de manipuler les consciences. Le comportement trouble de l’adjudant-chef Amadou Boureima dit ‘’Papa’’ dans cette affaire en dit long sur la malhonnêteté de certains hommes qui sont prêts à vendre ou jeter en pâture leurs semblables pour parvenir à leur fin. Cet officier qui servait à Maradi comme chef du cercle messe, était le chef d’orchestre de la fameuse réunion au jardin du colonel-major Hamadou Djibo. Il a abusé des hommes de sa classe, ses amis et connaissances en l’invitant au jardin pour un pique-nique pour certains et pour un mariage pour d’autres. Le notaire Me Djibo Ibrahim fait partie de ses victimes. Le juriste a transporté avec sa voiture certains invités au jardin et il a donné à titre de prêt 200 000 F à l’adjudant-chef Amadou Boureima pour le traitement de sa maman malade. Bref, Me Djibo Ibrahim connait certes le colonel-major Hamadou Djibo et sa famille mais à l’audition il semble dire n’être informé de rien sur le coup d’Etat. Il serait une victime collatérale, tout comme un vendeur de miel qui était simplement venu récupérer son argent avec un de ses clients au lieu de la réunion. Il doit se défendre devant le tribunal militaire pour être à ce lieu avec des mauvaises personnes. Mais c’est après cette réunion au jardin du colonel-major que l’adjudant-chef Papa a dit avoir distribué 3 téléphones avec puces à trois de ses amis. A la barre, il a insisté qu’il a abusé de ses amis pour apporter son soutien au Colonel-major afin de réussir sa mission comme chef du bureau des opérations (BO). Mais ce qui est curieux, un des bénéficiaires a dit que dès qu’il a entendu les premiers tirs au palais présidentiel, son reflexe c’était de détruire la puce et le téléphone reçu pour les renseignements. Par cette indélicatesse, le procureur l’a copieusement confondu en relevant la contradiction. En effet, pourquoi celui qui dit ignorer le putsch se mettait à détruire son téléphone et sa puce s’il ne se reprochait rien ? Ce qui est curieux, le colonel-major a certes reçu les invités individuellement mais il dit être mis devant les faits accomplis dans son jardin, à savoir qu’il ne les avait pas invités. Il a précisé que l’adjudant-chef Amadou Boureima dit Papa est très zélé et ne serait pas normal en ce sens qu’il est à fois chef du cercle messe, il vend les services des marabouts y compris au colonel-major selon les dire de Papa lui-même. Au tribunal de dénouer ce puzzle sur cette rencontre inouïe au jardin du colonel-major.
La chimère de deux milliards
Dans notre précédente édition, nous avons fait cas de la confusion entretenue entre le Capitaine Gourouza et le Lieutenant Abdrahamane qui s’accusent mutuellement de corruption. Gourouza aurait pris un pactole de deux milliards comme avance pour déjouer le coup d’Etat, selon le Lt Abdrahamane ! Et Gourouza, pour sa part, dit que le Lieutenant lui aurait confié avoir eu 300 millions avec l’ancien Président Issoufou Mahamadou par le biais du DG/DGSE Laoual Cheffou Koré qui l’aurait amené chez Issoufou.
Si le Lieutenant Abdrahamane a confirmé ce qu’il a dit à Gourouza (les 300 millions), ce dernier a donné une autre version de cette chimère de 2 milliards. En effet, selon le Capitaine Gourouza, il avait dit à son codétenu, le Lieutenant que s’ils sortaient de prison, il allait faire de lui un milliardaire. Et ce, à cause de ses liens avec un américain qui l’a aidé à asseoir une entreprise qui pourra générer des milliards.
Mais le Lieutenant a eu des rumeurs que le Capitaine aurait pris deux milliards avec Issoufou. Et comme il a constaté le train de vie luxueux de son compagnon d’infortune qui a même fait des réalisations dans son village, il a cru à ce ragot. Il avait plusieurs fois dit qu’il défiait Gourouza de porter plainte contre lui s’il n’avait pas pris 2 milliards avec Issoufou. Le vendredi 26 Janvier, Gourouza après avoir raconté sa version sur les 2 milliards, a dit qu’il était auparavant déconseillé de porter plainte par les avocats qui lui auraient conseillé de ne pas suivre le Lieutenant. Mais Gourouza a décidé désormais de porter plainte pour diffamation. Et à l’occasion d’une de ses auditions, le Capitaine Gourouza a dit avec humour que si j’ai pris l’argent avec Issoufou pour faire échouer le coup d’Etat, alors le putsch a échoué, le Président du tribunal doit libérer tout le monde dans ces conditions, a martelé le Capitaine Gourouza. En un mot comme en mille, c’est dire que l’histoire de deux milliards n’est qu’une chimère, une histoire à dormir debout. « Pour manipuler les gens à travers les réseaux sociaux, il fallait coute que coute établir un lien entre le Général Tchiany, Issoufou Mahamadou et moi », dira le Capitaine Gourouza à l’audience du jeudi 2 Février 2023.
Le procès se poursuit 2023 avec la suite de l’audition des éléments de la base 101 qui étaient sur le théâtre de l’attaque du palais présidentiel par des aventuriers, manipulateurs narcissiques et une vingtaine de faux marabouts, à en croire l’interrogatoire de certains prévenus. Hier à la suspension de l’audience, le président du tribunal a dit qu’il ne reste plus que 7 prévenus à auditionner sur les 58.
(Affaire à suivre).
Elh. M. Souleymane
Niger Inter Hebdo N°99