Editorial : quid de nos mentalités au Niger ?

En suivant un débat sur la télévision nationale (RTN), portant sur la consommation des produits locaux, l’idée d’un nécessaire changement de mentalités était constante au niveau des panélistes comme des citoyens qui ont téléphoné. Conscient de cette réalité, l’ancien Président de la République, Issoufou Mahamadou, a prôné pendant ses deux mandats, la Renaissance culturelle. « En effet, on constate que notre pays s’enfonce dans une situation d’arriération prononcée comme l’illustrent le recul de l’éthique du travail notamment dans la fonction publique, le développement d’une mentalité d’assistés, notre rapport avec le temps, notre comportement par rapport aux biens publics, aux questions démographiques et à l’école, particulièrement s’agissant de la scolarisation des filles », a diagnostiqué Issoufou Mahamadou en son temps.

 

Dans ‘’KOUNTCHE PAR SES PROCHES’’ d’Amadou Ousmane, le Lt-Colonel Mallam Oubandawaki témoignait : « Les Nigériens ne savent pas ce qu’ils veulent. Un jour, pour leur président, il leur faudra utiliser un lasso, parce que personne n’en voudra. Mallam ! Tu vois ce Palais des Congrès qui est en ce moment en construction ? Certains Nigériens disent que ce sont des dépenses de prestige. L’histoire me donnera raison, car des Sommets de Chefs d’Etat ou des Conférences internationales importantes ont lieu dans certains pays au détriment du Niger, du seul fait qu’il n’a pas d’infrastructures d’accueil dignes de ce nom ». Ces propos de feu Kountché prouvent, s’il en est besoin, que la résistance, le refus du changement, voire du progrès face à certains grands projets ne date pas d’aujourd’hui.

Pourtant, l’histoire a donné raison à l’homme du 15 Avril 1974 en administrant un cinglant désaveu aux esprits rétrogrades qui voyaient comme un luxe, le fait de doter la capitale du Niger d’un Palais des Congrès. Ce dernier ne fait-il pas aujourd’hui la fierté du Niger comme ce stade de 35 000 places qui porte le nom du général ?

Les échangeurs, les Hôtels haut standing à Niamey ont fait l’objet de médisances, tant aujourd’hui certains ne voient pas la vision qui est derrière ces infrastructures pour les générations futures. Le peuple n’a pas de pain, par conséquent toute réalisation futuriste ne tient pas la route. Mais là aussi, nul doute que ce sont des décennies après qu’on réalisera qu’un ingénieur à la tête du pays a réalisé un grand rêve en dotant le pays des ponts et chaussées comme voies de développement. Comme Kountché aujourd’hui à propos du Palais des Congrès, ces échangeurs et autres infrastructures (de luxe aujourd’hui selon quelques-uns) seront perçus comme des œuvres d’un visionnaire.

Le changement de mentalité, un impératif catégorique

Le Niger serait-il un pays de paradoxes ? La notion de temps et sa gestion n’est pas un souci chez nous. Une cérémonie ou un rendez-vous qu’il soit officiel ou non, les gens prennent goût à venir 30 minutes à une heure après l’heure convenue.

L’entretien de notre environnement immédiat devient de plus en plus un casse-tête, une préoccupation nationale tant l’indifférence et l’insouciance caractérisent nos comportements. Du fait de l’irresponsabilité, l’insalubrité de nos centres urbains engloutit nos ressources sans succès en menaçant notre santé et cadre de vie.

Face aux biens publics, la gabegie, la mal gouvernance, la corruption tirent vers le bas le pays entier où pourtant tout est prioritaire. Au niveau de l’administration centrale, le gaspillage, les abus et usages privés des moyens de l’Etat constituent une criarde réalité. La tendance, c’est que tout le monde attend tout de l’Etat. L’entretien des routes dans les quartiers, nos écoles et centres de santé, c’est une affaire de l’Etat. Le nigérien devient de plus en plus indifférent et défaitiste.

Il était question récemment d’auditer les Organisations non gouvernementales (ONGs) de développement où semble-t-il aussi, avec la complicité des nôtres, les fonds mobilisés ne parviennent guère aux populations cibles au nom desquels les TDR (Termes de référence) des projets ont été élaborés et soumis aux bailleurs.

Sur le plan politique, être à l’Opposition est synonyme de nihilisme tant les mauvaises attitudes des opposants sont contre productives. Ne rien voir et peindre tout en noir est la règle de l’Autre, qui n’attend que l’échec de l’adversaire aux commandes pour le remplacer. Le sens de l’Etat n’est pas la norme la mieux partagée chez certains qui prétendent pourtant diriger le Niger au sommet.

S’agissant du monde associatif ou corporatiste, le patriotisme et le sens de l’intérêt général désertent également les consciences. L’enseignant, l’agent des impôts, le douanier ou le médecin mettent en avant plus leurs prébendes à eux au détriment des intérêts du pays donc des populations qu’ils sont censés servir.

Sur les réseaux sociaux, cette merveille du siècle, les nigériens, au lieu d’être proactifs, passent leur temps à s’autodétruire par joutes et invectives via des plateformes interposées. La même tendance s’observe au niveau des médias traditionnels : une presse essentiellement d’opinion qui fait peu de cas des vraies questions de développement du Niger.

On le voit, les défis de notre pays sont énormes mais sur toute la ligne, tout se passe comme si des tares congénitales nous empêchent d’avoir la pleine conscience pour agir et ainsi inverser la tendance. Et pourtant, personne ne fera notre bonheur à notre place.

Elh. M. Souleymane

Niger Inter Hebdo N°89 du Mardi 22 Novembre 2022