Le 10 novembre 1987 décédait l’ex Chef d’Etat nigérien, le général Seyni Kountché. 30 ans après, ses partisans et admirateurs continuent de célébrer sa mémoire comme un Chef d’Etat patriote et dévoué à la cause nationale. Pourtant l’histoire retient qu’il a régné ‘’en maitre absolu de l’Etat et des forces armées, concentrant entre ses mains les trois fonctions les plus importantes du pays puisqu’il était Chef de l’Etat, ministre de l’intérieur et ministre de la défense’’.
Mais l’histoire retient également que Kountché a su instaurer la bonne gouvernance avec tolérance zéro contre la corruption et l’impunité. « Les agents ne commettaient pas de vol, de corruption ou de détournement de biens publics, parce qu’ils savaient que le Chef de l’Etat ne tolérait pas tout ceci’’, renseigne un sociologue. C’est justement le défi que les régimes démocratiques n’ont pas su relever à savoir la lutte contre le détournement des deniers publics et l’impunité.
Il faut simplement retenir que chaque dirigeant est fils de son temps. Et qu’il serait indécent de le faire croire au messie, ou de vouloir jeter en pâture les autres chefs d’Etat passés ou actuels.
Chacun a dû faire ce qu’il pouvait, en tenant compte des conjonctures ou contraintes du moment, des opportunités ou offres de son temps. Un simple exemple : le président Diori est venu au pouvoir alors que le pays ne disposait de rien. Il fallait tout construire, tout inventer, y compris l’Etat lui-même. Il fallait créer la fonction publique, des industries, des banques, des écoles, des centres de santé etc. Il fallait créer des richesses ; il fallait savoir préserver nos intérêts dans le concert des nations. Il fallait, il fallait etc. Au début des années 1980, beaucoup de ces acquis du régime Diori (sociétés d’économie mixte) ont été démantelés par les régimes héritiers.
Le général Ali Saibou qui a succédé à Kountché a été l’auteur de la décrispation politique, qui a permis de lancer le pays sur les rampes de la démocratie, après une dizaine d’années de dictature militaire. Les présidents Mahamane Ousmane, Ibrahim Mainassara Baré, Mamadou Tandja et Issoufou Mahamadou ainsi que les chefs d’Etat Daouda Malam Wanké et Djibo Salou ont géré en tenant compte des défis de leur temps : programme d’ajustement structurel (PAS), rébellions armées, crises économiques et financières, mondialisation, changement climatique, terrorisme…Autant de défis nouveaux à prendre en charge dans un contexte de démocratie balbutiante.
Autant, il ne sied pas de déifier un personnage politique, autant il ne faut surtout pas jeter la pierre à qui que ce soit. La construction de l’Etat est un défi permanent.
Certes Kountché fut un modèle de rigueur dans la gestion et du sens de l’Etat mais dans un contexte où il n’a personne pour contester n’importe quelle décision qu’il voudrait prendre au nom du Niger. Ce qui est à mille lieues du contexte démocratique où le projet d’une loi de finances soumise à l’examen des députés nationaux pourrait provoquer émeutes et troubles à l’ordre public ! Kountché saura-t-il s’accommoder avec une société civile iconoclaste et souvent malveillante ? Qui osera dire à Kountché que son projet de loi de finances ne passera pas ? Autant de questions inhérentes au contexte et qui exigent d’avoir le sens de la répartie pour relativiser certains propos excessifs tendant à vilipender notre processus démocratique.
Nous le disons tout net : tout n’est pas rose sous Kountché tout comme tout n’est pas mauvais chez les autres chefs d’Etat du Niger. Il faut de tout pour faire un monde, dit-on. L’histoire retiendra de chacun quelque chose en bien ou en mal. C’est une loi cosmique. ‘’Les hommes passent quels qu’ils soient mais le pays reste et demeure et c’est le pays qu’il faut considérer’’.
Elh. M. Souleymane
Niger Inter Hebdo N°88 du mardi 15 Novembre 2022