L’Etat du Niger « ne peut plus renouveler le contrat d’affermage » pour la Société d’Exploitation des Eaux du Niger (SEEN) qui arrive à terme le 31 décembre 2022. C’est ce qu’indique une lettre du ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, adressée au Directeur général de la SEEN, le 13 octobre dernier. Après un peu plus de 20 ans, l’Etat du Niger a souverainement décidé que le contrat d’affermage avec la SEEN ne peut plus être renouvelé par tacite reconduction. C’est dire que toutes les options sont désormais sur la table.
Dans sa correspondance, le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, Adamou Mahaman, s’est référé au contrat d’affermage du service public de la production, du transport et de la distribution d’eau potable en zone urbaine et semi urbaine, signé entre l’Etat, la SPEN (Société des patrimoines des eaux du Niger) et la SEEN, le 20 mars 2001, tel que modifié par ses avenants n°1 à 8 (le « Contrat d’Affermage »), lequel arrive à échéance le 31 décembre prochain. « Nous avons eu l’occasion d’évoquer avec vous la possibilité et les conditions d’un éventuel renouvellement de ce contrat, conclu initialement pour dix années, et déjà renouvelé et prorogé pour une durée totale de plus de 22 années », rappelle la lettre du ministre de l’Hydraulique.
« Néanmoins, après analyse du cadre législatif et règlementaire applicable, nous avons l’honneur de vous notifier la décision de l’Etat du Niger de ne plus renouveler le contrat d’affermage », ajoute la lettre.
Le contrat d’affermage est défini dans le langage des experts du marché public comme « le contrat par lequel le contractant s’engage à gérer un service public, à ses risques et périls, contre une rémunération versée par les usagers. Le concédé, appelé fermier, reverse à la personne publique, une redevance destinée à contribuer à l’amortissement des investissements qu’elle a réalisés. La rémunération versée par le fermier en contrepartie du droit d’utilisation de l’ouvrage est appelée la surtaxe ».
La SEEN invitée à se préparer aux opérations à conduire
Ainsi, dans la perspective de la fin de celui de l’Etat, de la SPEN et de la SEEN, le Ministère de l’Hydraulique invite le Directeur général de la SEEN à se préparer « aux opérations qui sont à conduire à ce titre ». Pour mémoire, poursuit la même lettre, « nous vous prions de noter que le Contrat d’Affermage prévoit » plusieurs opérations à la date d’expiration. Il s’agit de retourner à l’autorité affermante et/ou à la SPEEN, gratuitement et sans frais pour elle, l’ensemble des terrains, équipements et ouvrages définis à l’article 6 du contrat, en état normal d’entretien et de fonctionnement. Toujours au rang des opérations à la date d’expiration du contrat, le rachat au fermier par l’autorité affermante du matériel d’exploitation (biens de l’article 7.2) ainsi que les approvisionnements nécessaires à l’exploitation normale du service affermé (Art 11.1).
« Nous vous remercions en conséquence de nous transmettre le fichier de votre matériel d’exploitation à jour, pour inventaire contradictoire », ajoute la même source. En outre, l’autorité affermante pourra acheter en totalité ou en partie, les biens mobiliers et immobiliers affectés par le fermier au service affermé et définis à l’article 7.1 du Contrat d’Affermage. « En vue d’une telle faculté, nous vous remercions de fournir à l’autorité affermante la liste des biens que vous souhaitez céder (art 11.2). Quant aux compteurs, ils seront rachetés par l’autorité affermante ou la SPEN en fin d’affermage à leur valeur nette comptable (art 11.4).
« Enfin, nous vous rappelons qu’en application de l’article 90 du Contrat d’Affermage, l’autorité affermante dispose du droit de prendre, durant les six derniers mois de l’affermage, toutes mesures pour assurer la continuité du service affermé, et notamment toutes mesures utiles pour faciliter le passage de l’affermage au régime nouveau d’exploitation », conclu la lettre du ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement, tout en assurant le Directeur général de la SEEN de le tenir informé « dans l’hypothèse où de telles mesures concerneraient votre société ».
En agissant ainsi, l’Etat du Niger est dans son rôle et c’est sa souveraineté qu’il a juste exprimée. Cette courageuse décision mérite le soutien de tous quand on sait qu’une écrasante majorité de nigériens n’ont pas encore accès à l’eau potable.
22 ans de contrat, ça suffit
Pour mémoire, la Société Nationale des Eaux (SNE) a été privatisée en 2001. C’est ainsi que la nouvelle société (SEEN) a été cédée à des actionnaires privés que sont la Société française Véolia avec 51%, les privés nigériens 34%, le personnel 10% et l’Etat du Niger 5%. Parmi les privés nigériens, Omar Hamidou Tchiana dit Ladan détient 24%, lequel s’est répandu sur les réseaux sociaux pour se constituer en victime de la rupture dudit contrat, décidé par les autorités nigériennes au nom du peuple nigérien. On comprend désormais les raisons des agitations de Ladan Tchiana qui ne s’est jamais soucié des déboires des nigériens dans l’accès à l’eau potable. Tandis que les populations de certaines grandes villes du pays, dont la capitale, sont obligées de parcourir des kilomètres ou de veiller la nuit pour pouvoir se procurer du précieux liquide, lui se la coule douce du fait de ses actions dans le capital de la SEEN. C’est cette injustice que le président de la République, Mohamed Bazoum, qui a fait de la question de l’accès à l’eau pour les populations nigériennes dans son programme de gouvernance, une véritable préoccupation, veut désormais réparer.
Après évaluation, les autorités du Niger ont considéré que le contrat d’affermage avec la SEEN en l’état, n’est pas conforme aux intérêts socio-économiques actuels du Niger. Du reste, un contrat a toujours une durée de vie précise, il n’a pas vocation d’être éternel. Celui de l’Etat du Niger avec la SEEN a 22 ans. Et après évaluation, les autorités compétentes ont décidé de ne plus renouveler par tacite reconduction ce contrat d’affermage. C’est dire que toutes les options sur la table. C’est cela l’esprit de la lettre du ministre de l’hydraulique. Autant dire que 22 ans de contrat sans une réelle amélioration de la vie des consommateurs, ça suffit !
Almoustapha ABOUBACAR
Niger Inter Hebdo N°85 du mardi 25 Octobre 2022