La privatisation de la Société Nationale des Eaux (SNE) est intervenue en 2001 dans l’optique du choix libéral outrancier du gouvernement de l’époque, dirigé par le Sieur Hama Amadou. C’est ainsi que la nouvelle société dénommée Société d’Exploitation des Eaux du Niger (SEEN) a été cédée à des actionnaires privés que sont : la Société française Véolia avec 51%, les privés nigériens 34%, le personnel 10% et l’Etat du Niger 5%. Parmi les privés nigériens, Omar Hamidou Tchiana dit Ladan détient 24%. C’est lui qui crie aujourd’hui sur tous les toits que le Président Mohamed Bazoum voudrait le spolier de son droit à la propriété. De quoi s’agit-il exactement ?
Il faudrait rappeler que la Société Nationale des Eaux (SNE) a été privatisée sous le format d’un contrat d’affermage signé en 2001 pour une première période de 10 ans (2001-2011) puis une seconde période de 2011 à 2021. A la faveur du libéralisme ambiant, les autorités de l’époque avaient mis en avant l’idée que si on voudrait une meilleure efficacité dans les secteurs publics comme l’eau et l’électricité, il faudrait simplement privatiser. C’est justement cette doctrine qui a accouché cette réforme bizarre où l’Etat s’est retrouvé avec seulement 5% d’actions dans la nouvelle Société des eaux du Niger. Il est issu de ce processus, deux (2) sociétés : la SEEN (Société d’Exploitation des Eaux du Niger) et la SPEN (Société du patrimoine des eaux du Niger).
Dans le langage des experts des marchés publics, « l’affermage est le contrat par lequel le contractant s’engage à gérer un service public, à ses risques et périls, contre une rémunération versée par les usagers. Le concédé, appelé fermier, reverse à la personne publique, une redevance destinée à contribuer à l’amortissement des investissements qu’elle a réalisés. La rémunération versée par le fermier en contrepartie du droit d’utilisation de l’ouvrage est appelée la surtaxe ».
Dans cette réforme, il était également entendu que le privé doit prendre une place importante. L’Etat, pour sa part, doit plutôt développer des métiers pour faire en sorte que la question de l’accès à l’eau aux populations puisse être réglée.
Le président Bazoum dit « halte » à l’injustice
La privatisation de la SEEN dure 20 ans aujourd’hui, mais à l’épreuve des faits, nous sommes à mille lieues de la réalisation de l’objectif initial. Certes, en matière de la qualité de l’eau et du prix, la SEEN est bien cotée en Afrique mais là où le bât blesse, c’est qu’il y a une criarde disparité en terme d’accès et du prix entre le monde urbain et rural. L’injustice se traduit par le fait qu’il y a une eau potable dans les centres urbains, alors que le monde rural est marginalisé, exclu du processus.
En termes clairs, dans la ville où les citoyens ont plus de moyens, les gens achètent l’eau à 127 fcfa le m3 pour la 1ère tranche contre 500 à 1000 fcfa le m3 selon les localités. Voilà le vrai débat. Le Président Bazoum pense que ce n’est pas normal et c’est injuste de continuer à perpétuer cette iniquité à l’endroit de l’écrasante majorité des Nigériens. Pour le Chef de l’Etat dont le programme électoral fait de l’eau une priorité comme la sécurité et l’éducation, le moment est venu pour rectifier le tir. Il est donc question de mettre en avant la souveraineté de l’Etat comme au temps où cette réforme bancale a été opérée sur injonction de l’Etat souverain.
C’est une aberration le fait que la SPEN et la SEEN n’ont pas le droit d’intervenir dans le rural qui est exclu du périmètre contractuel, apprend-on. Cette marginalisation du rural est le résultat des priorités décidées en 2001 et il faut certainement y travailler et corriger cette anomalie comme le souhaite le chef de l’Etat. La nécessité d’une relecture du contrat s’impose du fait que la SEEN est un acteur majeur et les réformes que souhaite impulser le président Bazoum concerne ce secteur. C’est dire que dans une vision intégrée de la réforme en cours, il y a la nécessité d’évaluer notamment sur le plan de la gouvernance, l’organisation et des compétences.
C’est dans cette optique que le président de la République a instruit le gouvernement de reprendre le contrat et de remettre toutes les options sur la table pour savoir ce qui a marché et ce qui n’a pas marché afin de corriger. Le souci majeur du Chef de l’Etat est de voir réduire la disparité entre monde rural et urbain en matière de prix et d’accès à l’eau potable. En substance, le Chef de l’Etat voudrait avoir un meilleur contrôle et un meilleur suivi des orientations politiques en matière d’hydraulique. C’est un rappel, pour le mandat du président Bazoum, l’eau fait partie de ses priorités. L’hydraulique vient avant l’éducation et après la sécurité. Il faudrait que les choses soient claires pour tous : dire que toutes les options soient mises sur la table revient à dire que dans l’optique du président Bazoum, c’est y compris la reprise totale de toutes les actions par l’Etat. Autrement dit, si l’évaluation de la situation de la SEEN le recommande, l’Etat pourrait congédier tous les actionnaires pour être seul maitre à bord au nom de la souveraineté nationale.
Ladan Tchiana prêche pour sa paroisse
« Africa Intelligence révèle le complot de Mohamed Bazoum et Veolia pour me faire quitter la Société d’Exploitation des Eaux du Niger (SEEN), dont j’ai acquis des actions en 2001, suite à une offre publique de vente », écrit LadanTchiana sur Facebook, dans une posture de victimisation. Et l’opposant mu par la volonté de puissance réactive accuse le président Bazoum de vouloir instrumentaliser le gouvernement et l’Assemblée nationale : « pour me priver de mon droit à la propriété, car pour lui, les opposants n’ont aucun droit sauf celui d’aller en prison » (sic). C’est de cette façon individualiste et parcellaire, pour ne pas dire égocentrique, qu’Omar Hamidou Tchiana caricature l’instruction du président de la République pour une nouvelle lecture du contrat entre le Niger et ses partenaires de la SEEN. Après vérification, on se rend compte que Ladan Tchiana est allé très vite en besogne. Mais qu’on ne se méprenne pas : pour asseoir sa souveraineté, l’Etat du Niger pourrait remercier tous les actionnaires de la SEEN y compris Veolia qui a 51%. Ladan Tchiana pourrait donc souffrir de cette mesure qui vise une meilleure desserte de la majorité de nos concitoyens en eau potable et au meilleur prix.
Si Omar Hamidou Tchiana, alias Ladan Tchiana doit perdre ses dividendes entant qu’actionnaire, il n’y a pas lieu à s’apitoyer sur son sort. Pour le moment, rien n’a été décidé. Les agitations de Tchiana traduisent juste les récriminations de quelqu’un qui voudrait alerter l’opinion sur une éventuelle injustice parce qu’il prétend désormais être l’opposant principal du président Bazoum.
Il est dans une posture de victimisation. Pire, il est allé jusqu’à commander un article de presse, juste pour préserver ses subsides à la SEEN au détriment du peuple nigérien. Il ne faut pas se leurrer, Ladan Tchiana pourrait perdre ses actions totalement ou partiellement par une sorte d’effet collatéral. Mais il importe de savoir que Tchiana n’est pas dans le viseur du Président de la Réplique, SEM Mohamed Bazoum. C’est plus profond que cela. En tant qu’homme politique, en principe l’opposant Omar Tchiana est censé faire la politique pour servir le peuple et non se servir. Il serait donc malséant de sa part de s’opposer à une initiative tendant à faire justice au même peuple qu’il aspire diriger au sommet. C’est dire que Ladan Tchiana doit plutôt féliciter le président Bazoum qui détient son mandat du peuple nigérien et qui a décidé de réévaluer ce contrat avec la SEEN. Après 20 ans de mise en œuvre d’une réforme, il importe de faire un état des lieux sans complaisance sur la réforme de ce secteur très stratégique pour le Niger. A notre humble avis, il n’y a donc pas lieu de tergiverser entre les intérêts de tout un peuple face à ceux d’un individu particulier….quel qu’il soit.
Tiemago Bizo
Niger Inter Hebdo N°80 du mardi 20 Septembre 2022