Le phénomène de la consommation de drogue chez les jeunes dans la commune urbaine d’Agadez prend des proportions très inquiétantes. Cette situation a d’ailleurs fait l’objet d’un coup de cœur des femmes de la région, lors du dernier forum d’Agadez sur la paix et la cohésion sociale, au regard des menaces que la consommation et l’abus de drogue peuvent engendrer sur l’éducation et la paix sociale dans la région. Une crainte que partage Akomili Mohamed, Directeur général du Groupe scolaire Akomili et Conseiller spécial du Président de Conseil Régional d’Agadez.
D’après plusieurs sources, le trafic de drogue de par les frontières du Niger, d’Algérie et de la Libye a favorisé l’ampleur de ce phénomène dans la ville d’Agadez où la jeunesse en pâtit. Dans la capitale de l’Aïr, la consommation de drogue qui est connue comme étant l’apanage des hommes et des jeunes garçons, est devenue un véritable danger pour les jeunes filles. Et c’est ce qui inquiète le plus les autorités. ‹‹ Maintenant, ce sont les jeunes filles et garçons qui s’adonnent à la consommation de drogue, une situation qu’on ne peut même pas comprendre et lorsque vous allez à la prison civile, il y a plus de filles que de garçons ››, alerte Monsieur Akomili Mohamed, DG du groupe Akomili.
La pratique est profondément ancrée au sein de la jeunesse à telle enseigne que les parents commencent à s’inquiéter de l’avenir de leurs enfants. Selon Monsieur Iro Sani de l’Association Nigérienne de Défense des Droits de l’Homme (ANDDH) à Agadez, ‹‹ ce qui est plus inquiétant, c’est que la consommation de drogue a gagné une bonne partie des jeunes filles du collège, voire du primaire ››.
Dans un milieu où la vente de la chicha ou narguilé a pignon sur rue, cela nonobstant le fait que la commercialisation de ce produit est prohibée au Niger d’après l’arrêté d’octobre 2017 du ministère du commerce. C’est cela qui favorise le phénomène de la consommation de drogue chez les jeunes, comme l’explique Mohamed Ibrahim, un parent d’élève que nous avions rencontré dans la capitale de l’Aïr. ‹‹ Ce produit illicite se vend au vu et au su de tous, comme de petits pains ››, nous a-t-il confié.
Pour l’acteur de la société civile Iro Sani, c’est d’abord la responsabilité des parents en premier, puis de l’État qui doit s’engager davantage dans la lutte contre ce phénomène qui est en train de consumer à petit feu la jeunesse d’Agadez.
Dans une tournée qu’il a faite au nom de l’ANDDH ( Association Nigérienne de Défense des Droits de l’Homme) en collaboration avec les FDS et d’autres acteurs sociaux de la région, dans le cadre de la sensibilisation sur la cohésion sociale dans 11 quartiers de la commune d’Agadez, l’épineuse question de la consommation de drogue a été soulevée à plusieurs reprises par les parents. Un fléau qui compromet l’éducation des enfants, mais en même temps, leur avenir.
‹‹ Les conséquences sont graves sur l’éducation des enfants ››, s’inquiète Mohamed Ibrahim, parent d’élèves.
Et à Sani Iro de renchérir que cela est arrivé au point où ‹‹ au collège, des élèves avec du couteau menacent leurs camarades et même les professeurs, créant du coup un climat d’insécurité dans les établissements et dans les salles de cours ››.
Hormis le fait que des filles de 14 à 15 ans sont impactées par le phénomène, il se susurre même que des femmes au foyer sont aussi tentées par la consommation de drogue.
Dans les quartiers Tawayan Sarki et Founnemey réputés comme étant des points d’approvisionnement en produits stupéfiants, la drogue s’achète aussi comme de la cigarette. Il y en a pour toutes les bourses, ‹‹ la cocaïne, le hachich, les comprimés et autres stupéfiants ››, a fait savoir Iro Sani de l’ANDDH d’Agadez. À Tawayan Sarki par exemple, ces produits illicites se vendent généralement en pleine journée, tandis qu’à Founnemey où s’anime un marché nocturne, les gens viennent se ravitailler la nuit pour aller fumer après.
Une menace grave sur l’éducation
Comment peut-on expliquer cette manie des jeunes vers la consommation de drogue, un produit d’ailleurs illicite et dont les conséquences sur la santé ne sont que nuisibles? Que dire alors de ce fléau qui est en train de gagner les jeunes filles et les femmes au foyer qui en font aussi leur péché mignon? Une véritable préoccupation de Monsieur Akomili Mohamed, DG du groupe scolaire Akomili à Agadez, qui pense déjà à créer un centre de désintoxication dans la région, afin d’aider les jeunes, surtout en milieu scolaire à sortir de ce calvaire.
De l’avis de plusieurs jeunes scolaires interrogés, la pauvreté, le chômage, l’oisiveté ou encore le suivisme sont souvent avancés comme raisons qui les poussent à s’adonner à la drogue.
‹‹ Le fléau est aussi lié à la délinquance juvénile qui gagne les jeunes, à cause du problème d’insécurité créé en Libye et qui a favorisé le trafic de drogue, la circulation des armes et la débauche ››, a ajouté Iro Sani.
Le comble, l’on assiste déjà à des actes de violence dans les établissements scolaires ainsi qu’au décrochage scolaire entre jeunes, comme l’indique le directeur général du groupe scolaire Akomili.
‹‹ Une fille peut dire à ses parents qu’elle va à l’école, alors qu’elle a passé toute la journée chez ses copines qui consomment la drogue. Malheureusement, les parents ne savent pas ce qu’elles font ››, s’indigne Iro Sani, ajoutant que la consommation de drogue est source de délinquance juvénile, de la prostitution et de la débauche.
À notre humble avis, il urge que les autorités régionales d’Agadez agissent afin d’endiguer ce phénomène qui est en train de compromettre sérieusement l’éducation de la jeunesse. En évoquant le sujet lors du forum régional d’Agadez sur la paix, la sécurité et la cohésion sociale, le Président de la République Mohamed Bazoum a justement interpellé les FDS ainsi que les autorités régionales à œuvrer de concert, tout en luttant de façon holistique, contre le fléau.
Koami Agbetiafa
Niger Inter Hebdo N°72 du mardi 19 juillet 2022