Islam et mendicité : Deux questions à Imam Ben Salah sur la mendicité

Cheikh Ben Salah Hamouda Ali est l’imam de la Mosquée Zoun’Nourayn à la Cité Chinoise. Ancien ministre des affaires religieuses et ancien Directeur du collège franco-arabe CEG5 de Niamey, Cheikh Ben Salah est également prédicateur. Dans l’entretien qui suit, il renseigne sur le statut de la mendicité en islam.

Niger Inter Hebdo : La mendicité est un phénomène social qui prend de l’ampleur dans nos sociétés. En tant que prédicateur pouvez-vous nous dire si cette pratique a un fondement islamique ?

Imam Ben Salah Hamouda Ali : Il a été, un jour, rapporté au messager d’Allah(SAW) le cas d’un homme jeûnant le jour, veillant en prières nocturnes la nuit, consacrant entièrement sa vie à la pratique religieuse.

Qui donc s’occupe-t-il de ses besoins essentiels, avait-il demandé ?

Son frère, lui fut-il répondu.

Son frère est mieux que lui, trancha-t-il.

S’il en est ainsi pour celui qui consacre sa vie à Dieu, que dire alors de ceux-là qui en ont fait de la mendicité une profession ?

« Le pauvre, selon la définition donnée par le messager lui-même, n’est point celui qui tend sa main aux passants pour avoir une bouchée puis deux, une datte puis deux, mais celui qui n’a vraiment rien de quoi subsister, que les autres ne remarquent pas pour lui faire de l’aumône et qui tient lui-même à ne pas mendier ». Rapporté par Ahmad.

En Islam, il est interdit de tendre la main pour mendier quand on a à manger pour vingt-quatre heures ; quiconque le fait se réveillera le jour de la Résurrection le visage sans chair. Le messager d’Allah a également prévenu que la fontaine de toutes les miséricordes, le Seigneur de l’Univers, ne portera pas le regard sur ceux-là qui sont toujours à la charge des autres, vivant à leurs crochets, ne fournissant aucun effort pour profiter de cette subsistance offerte de droit par leur Créateur. {Il n’est point de créature sur terre qui n’attende de Dieu sa pâture et dont Dieu ne connaisse le repaire et le lieu de sa mort, car tout est consigné dans un livre explicite} Chapitre 11, Houd, verset 6.

 Niger Inter : Comment justement selon vous éradiquer islamiquement la mendicité ?

Imam Ben Salah Hamouda Ali : L’Islam ne permet de tendre la main que dans trois cas :

   – un pauvre complètement démuni

   – un endetté insolvable

   – un homme engagé à s’acquitter de la ‘’la diyya’’ ou le prix du sang.

Pour toute autre situation, l’Islam, par la zakât, a créé un mécanisme de prise en charge. Pour que ce mécanisme soit opérationnel, certaines mesures s’imposent :

   – c’est à l’Etat de collecter la zakât

   – la zakât doit être répartie entre ceux qui en ont vraiment besoin, en premier lieu, entre les pauvres et les indigents, même si on doit tenir compte des six autres bénéficiaires de l’aumône légale tels que mentionnés au verset 60 du Chapitre9, at-Tawba

   – dans sa part de zakât, l’infirme, ou toute personne dans l’incapacité de travailler, (vieillard, aveugle, invalide etc…) a droit à de quoi subsister pour toute l’année. Cette part, pour des questions pratiques, peut être répartie en mensualités, comme c’est le cas pour les retraités et les pensionnaires

   – sans être dans le complet dénuement, les nécessiteux, commerçants soient-ils, agriculteurs ou ouvriers, ont leur part de zakât en vue de les aider à améliorer leur situation et à participer à la prospérité générale de la Communauté.

Les occasions, pour inciter et même parfois pour obliger le musulman à venir en aide à son prochain, sont nombreuses :

   – Un homme jure solennellement de faire telle chose, ou de ne pas le faire, puis change d’avis. Il est alors obligé de faire nourrir dix pauvres, pendant un jour, de ce qu’il mange lui-même en famille habituellement.

   – Dans l’incapacité d’accomplir le jeune du Ramadan, pour maladie ou pour vieillesse, le musulman est tenu, en compensation, de faire nourrir, pour chaque jour omis, un pauvre.

   – Un pèlerin manque à une obligation rituelle au cours de son hadj, il doit expier sa faute en immolant une bête dont la viande est exclusivement réservée aux pauvres.

   – Une aumône légale destinée aux nécessiteux  s’impose à la fin du jeune du mois béni de Ramadan.

   – Elle s’impose aussi, pour qui en a les moyens, à l’avènement de la fête du sacrifice consacrant la fin du Hadj par l’immolation d’une bête dont une partie de la viande est destinée aux pauvres.

   – Telle personne est incapable de subvenir à ses besoins ; l’Islam impose à son voisin fortuné de lui venir en aide, de même qu’il impose au fils d’entretenir son père, et à celui-ci de dépenser, si la situation l’exige, pour son fils.

En outre, l’Islam a institué le système des Waqfs qui concerne des biens et des revenus immobiliers affectés à telle descendance, à tel secteur social, à telle mosquée, à différents actes charitables…

Propos recueillis par Elh. M. Souleymane

Niger Inter Hebdo N°60 du Mardi 22 Mars 2022