Tribune :  Forum de BAMAKO : Devoir de Mémoire

 

Les sanctions infligées au Mali par la CEDEAO ont donné à redire aux maliens et à tous ceux qui soutiennent la posture de la junte malienne. A travers cette contribution, Monsieur Salifou Labo Bouché, ancien fonctionnaire à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), fait un rappel historique du forum de Bamako sur la démocratie et la bonne gouvernance.

La Diplomatie bilatérale est utile pour nos Etats lorsque les intérêts des deux camps sont respectés. Il est possible qu’au tout début de l’acceptation de ces relations, les rapports de forces n’étant pas les mêmes, une des parties peut se sentir laissée longtemps après. Ainsi, une révision des accords est nécessaire et utile afin que les droits nationaux et internationaux des parties soient sauvegardés. Ceci est aussi valable dans le cadre de la coopération multilatérale qui concerne plusieurs Etats.

Beaucoup de pays, dont le nôtre, sont membres avec d’autres, de plusieurs organisations régionales et internationales créées et voulues par les premiers responsables appelés « Pères fondateurs » des indépendances. Des successeurs sont arrivés pour gérer les pays. Chacun fait ce qu’il peut en son temps et, tous venus d’une manière ou d’une autre, ont annoncé de bonnes intentions à œuvrer pour le développement du pays et pour le bien-être des populations.

Ainsi, les décisions prises au nom du pays représenté doivent être respectées par ceux qui assurent la gestion présente administrative du gouvernement, l’Etat étant une continuité.

A cet effet, je voudrais, par devoir de mémoire, rappeler certaines dispositions de la Déclaration de BAMAKO, adoptée le 3 novembre 2000 par les Ministres et chefs de délégation des Etats et gouvernements des pays ayant le français en partage lors du « symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophones ».

Ce rappel doit nous interpeler tous. Il doit nous guider à une introspection. Je vais sans rien imposer, sans s’opposer à aucune idée que tous les citoyens sont en droit faire mettre à la disposition de ceux qui le souhaitent les quelques lignes de la Déclaration de Bamako. Cela pourra nous rafraichir le cœur et la mémoire, nous du Sahel qui vivons sous le soleil sec et qui respirons l’air du désert rude que la nature nous impose. Cela pourrait être une très modeste contribution au débat en cours entre frères du Sahel.

C’est lors du VIIème Sommet de la Francophonie, réuni en septembre 1999 à Moncton, au Nouveau-Brunswick (Canada), que les chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ont décidé, selon la recommandation émise à Bucarest par la Conférence ministérielle de la Francophonie lors de sa 12ème session, d’organiser en l’an 2000 un Symposium international sur le « Bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone », devant permettre d’approfondir leur concertation et leur coopération autour de l’Etat de droit et de la culture démocratique. Ce symposium s’est tenu, sous le haut patronage de S. E. Monsieur Alpha Oumar Konaré, Président de la République du Mali, à Bamako du 1er au 3 novembre 2000, en présence de près de 400 participants venus des pays membres totalisant aujourd’hui 88 Etats et gouvernements.

Auparavant, dès novembre 1999, à Paris, la 14ème session de la Conférence ministérielle de la Francophonie avait approuvé les orientations générales proposées pour la préparation de ce symposium. Les Ministres avaient convenu que ce dernier ne devrait pas se limiter à un bilan, mais aboutir également à des propositions concrètes, afin de mieux faire de la consolidation de la paix, de la démocratie et de l’Etat de droit, le premier axe d’intervention prioritaire de la Francophonie multilatérale, conformément au Plan d’action de Moncton. La préparation du Symposium de Bamako devrait être l’occasion d’un vaste mouvement de sensibilisation et de mobilisation de l’ensemble des acteurs et de protagonistes du processus démocratique dans l’espace francophone, impliquant non seulement les Etats et les gouvernements, mais aussi les partis politiques, les syndicats, les médias, les organisations non gouvernementales et toutes les composantes de la société civile. Cela veut dire que tout le monde a accepté librement de s’embarquer dans cette réflexion dont le lieu privilégié a été Bamako, placée sous le Haut Patronage du Président du Mali.

Aussi, il convient de rappeler que, le Conseil permanent de la Francophonie (CPF), réuni à Alexandrie les 24 et 25 septembre 2000, a décidé en particulier de confier à un groupe ad hoc de rédaction le soin de donner leur forme définitive aux documents du Symposium, les projets de Déclaration et de Programme d’action. Ce groupe, placé sous la présidence de Madame Madina Ly-Tall, Représentant personnel du Président du Mali au CPF, s’est réuni à Paris et plusieurs fois à Bamako. Le 2 novembre, Madame Ly-Tall, à l’issue des travaux de ce groupe, a déposé le projet de Déclaration de Bamako, qui a été enrichi par tous les pays membres. Le 3 novembre 2000, sous la présidence de Monsieur Modibo Sidibé, Ministre des Affaires étrangères et des Maliens de l’extérieur de la République du Mali, ce texte a été approuvé, après amendements, ainsi que celle du projet de Programme d’action, annexe à la Déclaration de Bamako. C’est donc à Bamako, sur le sol malien que la Francophonie est désormais doté d’un texte normatif sur la démocratie, à l’issue d’un processif inédit, associant les Etats, gouvernements, parlementaires, maires, experts, universitaires, représentants des organisations non gouvernementales, de la société civile et des médias, au service de la démocratie. Ceci a été rendu possible par les Responsables actifs de la Francophonie multilatérale, notamment son Secrétaire général Monsieur Boutros Boutros-Ghali avec son équipe et S. M. Alpha Oumar Konaré, Président du Mali et ses différents représentants qui ont fait un travail de qualité et qu’il ne faut pas enterrer pour résoudre des problèmes personnels. Il convient de rendre un hommage à ces dignes fils du Continent qui ont posé des actes aussi pour la sauvegarde de la solidarité, de la dignité humaine par le dialogue.

En cas de rupture de la démocratie ou de violations massives des droits de l’Homme, il a été décidé de condamner publique publiquement le pays concerné, d’exiger le rétablissement de l’ordre constitutionnel ou l’arrêt immédiat de ces violations. Le Conseil de la Francophonie peut aussi prendre des mesures suivantes :

– recommandations en matière d’octroi de visa aux autorités de fait du pays concerné et réduction des contacts intergouvernementaux,

– suspension de la coopération multilatérale francophone, à l’exception des programmes qui bénéficient directement aux populations civiles et de ceux qui peuvent concourir au rétablissement de la démocratie,

Proposition de suspension du pays concerné de la Francophonie. En cas de coup d’Etat militaire contre un régime issu d’élections démocratiques, la suspension est décidée. D’autres pays ont déjà eu des sanctions dans ce sens, sans affolement, sans invectives, car « qui aime bien châtie bien » si cela peut corriger un membre de la famille.

Nos devons respecter la dignité humaine. La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par les Nations Unies le 10 décembre 1948 est un code de conduite fait pour tout pays : dans son préambule, il est stipulé que le respect des droits de l’homme et de la dignité humaine « constitue le fondement de la liberté de la justice et de la paix dans le monde » et c’est un code de conduite international : « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ». Cependant chaque pays est libre de se choisir une voie à respecter. Chaque pays ne doit pas aussi nier les règles établies par ceux que nous réclamons comme « Pères fondateurs ». Les actes qu’ils ont posés, les traités qu’ils ont signés peuvent être revisités de commun accord pour leur dignité, leur crédibilité et cela va assurer la dignité des décideurs en place.

Ces quelques mots sont venus pour juste un rappel historique de ce que les organisations régionales et internationales font pour nous aider et qu’il convient de respecter. Le Conseil de l’Entente, la CEDEAO, l’UEMOA, le CILSS, l’UA, l’OIF et aussi les Nations Unies, pour ne citer ceux-là, jouent des rôles utiles que nos pays ont librement consentis et acceptés. Ne plus les respecter c’est renier tous ces pays membres, toutes ces personnalités qui ont mis leur temps et leur talent pour le bien être de nos populations. Il faudra retenir que, des directives sont prévues pour éviter et corriger les crises. Tout est sensé trouver une solution ensemble. Mais il faut que tous reviennent à de meilleurs sentiments afin de résoudre, par le dialogue, ces problèmes qui nous concernent tous : l’insécurité, la paix, la santé, l’éducation, les conflits, la pauvreté qui, au lieu de nous rendre plus solidaires, nous divisent et cela fait le grand bonheur de nos ennemis connus ou cachés.

Le pouvoir est sacré. C’est un don de Dieu qui donne à qui il veut, une partie de ses prérogatives qu’il faut obtenir dans la légitimité et l’exercer avec équité, justice et légalité.

Il faut craindre deux aspects, tout soldat qui prend le pouvoir, quel qu’en soit le motif, il court des risques énormes pour lui-même et pour son pays. Le pays s’arrête et recule dangereusement par sa faute. Quant au cerveau avec son équipe, il va vers la perte de soi-même, vers la déchéance. Son plaisir ne sera que de courte durée et il finira mal, très mal, parce que les outils qu’on lui a confiés ont été utilisés autrement. C’est donc un détournement d’objectif, un abus de confiance qui ne pardonne jamais même si l’Amnesty acquise de manière forte est venue laver les auteurs et co-auteurs. Dieu ne pardonne pas la forfaiture. Le coup d’Etat est une malédiction, une malédiction punie par les Hommes et plus tard par Dieu. En tout cas, on n’a pas besoin de citer des exemples. Ils sont nombreux. L’on prend le pouvoir, les civils viennent profiter et chacun trouve une position qu’il n’aurait jamais eu et après on vous abandonne seul avec les soucis, les cauchemars, l’exil, la prison, l’errance si ce n’est la folie douce ou l’assassinat tôt ou tard.

A bon entendeur salut !

Salifou Labo Bouché

Niger Inter Hebdo  N°54 du mardi 08 février 2022