Monsieur,Salifou Labo BOUCHE, ancien ministre de la communication

Signature de la Déclaration de la Montagne de la Table au Niger : Salifou Labo BOUCHE témoigne…

 

 

 

 

 Monsieur Salifou Labo Bouché fut ancien ministre de la communication et des nouvelles technologies de l’information et chargé des relations avec les institutions de la République du Niger. A travers l’entretien qui suit, il fait un témoignage sur le processus de la signature de la Déclaration de la Montagne de la Table (DTM) et de l’institutionnalisation de la journée nationale de la liberté de la presse.

Niger Inter Hebdo : Vous êtes ancien Ministre de la Communication. La grande famille de la presse nigérienne vient de célébrer, le mardi 30 novembre dernier, la journée nationale de la liberté de la presse. Quel souvenir gardez-vous de cette date pour avoir contribué à la matérialisation de cet acquis pour la presse nigérienne ?

Salifou Labo BOUCHE : Je dirais merci à Niger inter Hebdo qui me donne cette possibilité de répondre à des questions pertinentes liées à la grande famille de la presse nigérienne que je considérais d’ailleurs, un moment donné, comme étant un peu la mienne aussi, même si je n’étais que de passage. J’ai eu effectivement la belle opportunité de travailler avec la presse, avec les responsables des médias, donc avec des journalistes et je vous avoue que je ne le regrette pas étant donné que je n’ai laissé que les amis. Nous y avons travaillé dans un respect mutuel pour aider le pays à avoir une presse libre, indépendante qui respecte les règles d’éthique et de déontologie de la profession. C’est exact, je fus le Ministre qui avait la responsabilité d’organiser la date fatidique de la journée du 30 novembre, désormais sacrée « Journée nationale de la liberté de la presse au Niger».

Aussi, je garde un souvenir mémorablement agréable de cette journée et surtout de cette cérémonie solennelle et grandiose, présidée par Elhaji Issoufou MAHAMADOU, en ce moment Président de la République du Niger. Cette manifestation a rassemblé des personnalités du Niger et aussi d’ailleurs, venues témoigner de la signature concrète de la Déclaration de la Montagne de la Table (DTM), le 30 novembre 2011, dans un palais de congrès rempli. Ce souvenir est resté encore vivace dans mon esprit puisque le bon monde des médias était présent, du public comme du privé, pour fêter collectivement ce moment qui confirma la liberté de la presse. Il faut aussi rappeler que la DTM a été adoptée en juillet 2007 au Cap en Afrique du Sud par l’Association mondiale des journaux et des Editeurs de médias d’information (WAN-IFRA), le Forum des Editeurs Africains (TAEF), ainsi que par le Word Editors Forum (WEF). L’objet est d’œuvrer à l’abolition des lois sur la diffamation criminelle et l’injure et de replacer la liberté de la presse au cœur des discussions. La Maison de la presse du Niger a joué son rôle, un rôle positivement actif dans ce sens.

Niger Inter Hebdo : Pouvez-vous également rappeler à nos lecteurs comment ce processus avait abouti ?

Salifou Labo BOUCHE : Oui! Les choses de la vie ont fait que j’avais la gestion du Ministère de la Communication et des Nouvelles technologies de l’Information, Chargé des Relations avec les Institutions de la République. Le processus a abouti sans hésitation parce que le Président Issoufou Mahamadou est un Homme de conviction qui a toujours honoré les engagements pris. En effet, j’ai été approché par M. Boubacar Diallo qui était à l’époque Présdent de la Maison de la Presse. Ce dernier est venu me faire un rappel.. Les deux candidats à la Présidence de la République, arrivés en tête des élections, ont fait la promesse de signer la DTM et, M. Issoufou dès le 5 mars 2011 a pris l’engagement entre les deux tours conformément à la promesse faite. L’autre candidat qui était Seyni Oumarou a d’ailleurs promis aussi. Il s’agit donc pour M. Issoufou Mahamadou, élu Président de la République, d’honorer cet engagement. Il a pris service le 7 avril 2011 avec la prestation de serment. Le gouvernement a été formé le 21 avril 20011. Profitant d’une audience qu’il m’a accordée, le Président de la République a donné son accord pour signer officiellement la DTM, le 30 novembre à Niamey, en marge de la réunion internationale du SEFOR rassemblant plusieurs gens de la presse. Il m’a alors donné toutes les instructions nécessaires relatives à la mise en œuvre effective de cette décision. Pour ceux qui ne le savent pas encore, le Président Issoufou ne refuse pas et ne dit pas « NON » à toutes les sollicitudes. Lorsque la question est compliquée, la réponse est souvent « on verra », le temps de chercher la solution.

J’ai profité d’une mission à Paris effectuée du 17 au 24 septembre à l’invitation de l’OIF, pour entre autres, rencontrer à WAN IFRA, Alison Meston, Directrice de la liberté de la presse et ses collègues pour, non seulement, lui faire part de l’accord de la signature de la DTM, mais aussi faire l’ébauche de l’organisation de la cérémonie et préciser les membres de la délégation. Pour mémoire, la délégation se composait de Erik Bjerager Président de Word Editors, Amadou Kanouté Consultant, Alison Meston, Cheriff SY du Burkina Faso Président du Forum des Editeurs africains qui a présidé le Parlement de transition et qui a été jusqu’à une date récente, Ministre de la Défense du Burkina Faso. Boubacar Diallo, Président de la Maison de presse, était le relai au Niger.

Il faut rendre à Issoufou ce qui appartient à Issoufou. Il a signé la DTM le 30 novembre 2011. La promesse est donc tenue. Avec cette signature, le Niger a gagné en crédibilité car, nous avons occupé des rangs honorables dans le classement de la liberté de la presse sur le plan mondial. Ainsi, de 104è sur 173 pays en 2010, le Niger est arrivé 29è, devançant ainsi plusieurs pays occidentaux. L’Etat a dès lors respecté la loi relative à la dépénalisation des délits par voie de presse. Les journalistes ne vont plus en prison à cause de leur opinion. La liberté de la presse est devenue une réalité au Niger. Le 30 novembre de chaque année est célébrée en tant que journée nationale de la liberté de la presse.

Niger Inter Hebdo : Avec le recul quelle est votre lecture de la presse nigérienne tant écrite qu’audiovisuelle ?

Salifou Labo BOUCHE : La presse est libre au Niger, très libre même. Il arrive même que certains acteurs dépassent la limite. Certains organes sont attirés par des lecteurs qui préfèrent la sensation, la délation, les critiques non fondées pour mieux vendre ou pour faire rehausser l’audimat. Etant donné que, ce qui se dit ou qui s’écrit, sort souvent de la pure subjectivité, le temps pour la lecture est utilisé autrement car, cela n’attire par certains lecteurs. Avec les résumés de la revue de presse on a tout et tout de suite on a la physionomie de notre presse, de nos journalistes. Il serait important, puisque la convention collective est en cours de signature, de réglementer aussi la publicité. Ainsi, les responsables des médias auront les moyens de faire face avec honneur et dignité aux charges de leurs entreprises qui sont également créatrices d’emplois. Ainsi nous n’auront plus de tracs, plus de dilatoire, plus d’invectives, plus de commandes contre les personnes qu’on n’aime pas. La profession sera mieux respectée.

Aussi, je me permettrais de féliciter mon jeune frère, le Ministre Zada qui a réussi à faire signer la Convention collective aux responsables des médias et l’encourage à profiter du moratoire (une transition), afin que le processus soit effectif et profitable à toutes les parties, employeurs comme employés. C’est le Niger qui gagne.

Niger Inter Hebdo : Avez-vous un conseil aux acteurs des médias pour un « secteur de presse responsable et de développement » comme l’a suggéré le chef de l’Etat Mohamed Bazoum  à l’occasion de la 8ème édition de la journée de la liberté de la presse au Niger?

Salifou Labo BOUCHE : S’agissant des conseils, je serais du même avis que le Président Bazoum principalement sur une presse responsable et de développement. Chaque citoyen doit se considérer comme individuellement et collectivement responsable. J’insisterais sur le fait qu’une organisation judicieuse de l’entreprise de presse est nécessaire. Ce métier doit être fait par de vrais professionnels qui l’ont appris dans des centres agréés de formation. L’amateurisme et l’opportunisme ne marchent pas dans ce métier noble qu’il convient d’exercer avec le savoir, la conscience et la science qu’il faut dans les règles de l’art, dans le respect de l’éthique et la déontologie de la profession. Souvent c’est par la faute de certains acteurs que la justice est tenue de faire son travail. Le journaliste doit chercher et donner la vraie information, une nouvelle vérifiée et non inventer sur la base des rumeurs infondées qui poussent les victimes à traquer les coupables.

Je suggèrerais également de diversifier les offres, de créer des émissions, de trouver des contrats permanents de partenariat notamment d’annonce ou de publicité afin que les charges fixes et incompressibles trouvent des mécénats fiables. Les journalistes doivent se nourrir de leur travail. Ainsi, ils ne seront plus tentés de faire ce qui n’est pas honorable pour ce métier qui joue un rôle important à la démocratie et à la bonne gouvernance. La presse est le 4ème pouvoir après l’exécutif, le législatif, le judiciaire et joue le rôle de régulateur.

Il convient aussi de placer le Niger au Centre de nos intérêts. Le Niger nous a tout donné, aimons-le, protégeons-le, faisons en sorte qu’il avance, qu’il se développe afin que la génération présente et future en profitent.

Au Niger, nous avons une presse libre, les acteurs doivent militer et contribuer à conserver et améliorer cet acquis certainement obtenu avec difficulté.

Propos recueillis par Elh. M. Souleymane