Dans Jeune Afrique : Bazoum se félicite de « la relative paix politique » pour faire avancer le pays

La question sécuritaire au plan national et régional, les transitions militaires en cours au Mali, au Tchad et en Guinée, l’instabilité en Libye et le processus électoral dans ce pays n’ont pas été les seuls sujets au centre de l’entretien que le président de la République, Mohamed Bazoum, a accordé le 6 octobre dernier, à une équipe de journalistes de Jeune Afrique.  Des questions d’ordre politique, social et économique, étroitement liées à la vie de  la nation, étaient également au menu de cet entretien.

Ainsi, au plan politique, le Chef de l’Etat s’est réjoui de « la relative paix politique » qui prévaut actuellement, après l’épisode malheureux des troubles postélectoraux, survenus au lendemain de la proclamation des résultats du second tour de la présidentielle du 21 février 2021. « Pour l’essentiel, nous sommes en état de paix politique et je m’en réjouis », a laissé entendre le Chef de l’Etat. « Mais tout n’est pas encore soldé », a reconnu le président de la République. Pour l’heure, a indiqué le Chef de l’Etat, « 90 personnes sont toujours détenues dans le cadre des troubles électoraux, parmi lesquelles une demi-douzaine de politiques et les autres sont des ma­ni­fes­tants inculpés pour voies de fait ». Toutes seront jugées et « je presse le ministre de la Justice d’ac­cé­lé­rer le cours de celle-ci afin qu’elles soient jugées le plus ra­pi­de­ment possible », a rassuré le président de la République.

S’agissant de l’opposant Hama Amadou, a dit le président Bazoum, « je constate, comme chacun, qu’il a adopté un com­por­te­ment raisonnable et qu’il ne se livre pas à des dé­cla­ra­tions politiques ». Hama Ama­dou a été emprisonné à la suite des troubles postélectoraux ayant suivi la proclamation des résultats provisoires du 2ème tour de la présidentielle. Quelques temps après, il a été autorisé à se rendre en France pour se soigner.

Et depuis six mois, il n’est plus revenu au pays pour regagner sa maison d’arrêt. « On m’a présenté un bulletin médical indiquant que Hama Ama­dou était malade et que le meilleur cadre pour le soigner était celui que lui offrait son médecin parisien », a expliqué le Chef de l’Etat, soulignant avoir « aussitôt donné mon accord, sachant qu’à l’issue de son traitement, il s’est engagé à se remettre à la dis­po­si­tion de la justice ». Jusqu’à cette date, Hama Amadou continue son « séjour sanitaire » en France. Depuis, « j’ai bien d’autres choses à faire que de suivre quo­ti­dien­ne­ment l’évolution de son état », a déclaré Mohamed Bazoum. Déjà au sein de l’opinion, les gens ont présagé que Hama Amadou ne reviendra pas de sitôt, une fois qu’il ait reçu l’autorisation d’aller se soigner en France. L’homme n’est d’ailleurs pas à son premier coup d’essai. C’est un fait connu de tous.

Abordant la question de la tentative du coup d’Etat échoué, intervenue dans la nuit du 30 au 31 mars 2021, à quelques jours de la cérémonie d’investiture du président élu, Mohamed Bazoum, le Chef de l’Etat a déclaré que l’affaire n’est pas totalement close. « Il reste encore trois sous-officiers en cavale ». Ils sont recherchés et tous seront jugés comme par le passé, dans un « procès équitable et public », a promis le Chef de l’Etat.

Sur ce point, le président de la République a précisé que « les coups d’Etat au Niger ont toujours été l’œuvre d’une petite minorité d’officiers plus ou moins politisés, mais non représentatifs de l’ensemble des forces armées ». L’armée nigérienne elle, dans son ensemble, a dit le Chef de l’Etat, est « une armée républicaine, l’une des plus pro­fes­sion­nelles de la région ». Puis, intervient dans cet entretien, la question relative à la rocambolesque affaire de l’audit des comptes du ministère de la Défense Nationale, réalisé en février 2020, qui a mis en exergue, des dé­tour­ne­ments massifs évalués à près de 76 milliards de francs CFA, soit 116 millions d’euros. D’abord, « c’est un chiffre exagéré », a dit le président Bazoum. En tout état de cause, a expliqué le Chef de l’Etat, « l’enquête de la justice est presque achevée et le rapport contenant ses conclusions sera rendu public sous peu », ajoutant qu’il y aura, « bien sûr, des conséquences judiciaires pour toutes les personnes in­cri­mi­nées ». Des explications qui réconfortent les nigériens quant à la volonté du président de la République à œuvrer pour que toute la lumière soit faite sur ce dossier brulant. Une intervention du Chef de l’Etat qui coupe également l’herbe sous les pieds de ceux qui racontent à tout bout de champ, que cette affaire a déjà été classée dans le but de protéger des amis politiques qui seraient impliqués dans le dossier.

Répondant à la question selon laquelle le gouvernement formé par le Premier ministre Ouhoumoudou Mahamadou n’a pas tenu compte du respect de la parité, Bazoum Mohamed, sans démagogie, a reconnu cet état de fait. « Il s’agit-là du triste reflet de la condition de la femme nigérienne, et la com­po­si­tion de mon gou­ver­ne­ment, hélas, traduit l’inégalité du rapport des forces actuel entre les hommes et les femmes, encore largement considérées comme mineures », a-t-il dit.

Et pour être honnête avec vous, dira le Chef de l’Etat, « je n’ai pas pu faire abstraction de ces pesanteurs et de leur traduction dans le champ politique lors de la formation de mon gou­ver­ne­ment ». Toutefois, a promis Bazoum, « je fais  le pari que les choses changeront, et elles changeront par l’éducation en faisant retenir les filles à l’école le plus longtemps possible, afin qu’elles ne quittent pas le système éducatif à l’âge de 12 ou 13 ans pour se marier très jeunes ». C’est d’ailleurs « une clé essentielle pour combattre les in­éga­li­tés de genre et maîtriser notre croissance dé­mo­gra­phique, car une jeune fille sco­la­ri­sée jusqu’a l’âge de vingt ans, ce sont, en moyenne, trois grossesses évitées », a martelé le Chef de l’Etat.

Interroger sur ses relations actuelles avec l’ancien président de la République, Issoufou Mahamadou, le président Mohamed Bazoum les a qualifiées des « relations naturelles entre frères, camarades et amis », ajoutant que « je ne serais pas ici si le président Is­sou­fou n’avait pas confiance en moi, et c’est parce que cette confiance existe qu’il a œuvré à ce que je lui succède à l’issue de l’élection pré­si­den­tielle ». Mieux, a expliqué le président Bazoum, « il n’y a aucune différence entre Issoufou et moi et si différence il y a entre lui et moi, elle ne porte que sur le style. Rien d’autre. Et comme lui, j’exige l’application des consignes que je donne à mes collaborateurs, je vérifie toujours, et je veille à ce que des comptes soient rendus ».

Au plan économique, c’est la question de l’exploitation pétrolière, en ces temps où le marché de l’uranium est en déclin, qui a le plus, retenue l’attention de Jeune Afrique. Pour le président Bazoum, « l’uranium est un minerai ingrat, dont la va­lo­ri­sa­tion coûte cher et qui rapporte peu ». Par contre, soutient-il, « le pétrole, lui, nécessite beaucoup moins d’in­ves­tis­se­ments, ce qui fait qu’il est plus profitable aux pays qui savent le gérer ». Et sur ce plan, rassure le Chef de l’Etat, « le Niger gagnera davantage d’argent avec le pétrole qu’avec l’uranium et le reste est une affaire d’honnêteté, de bonne gouvernance et de bonne marche des ins­ti­tu­tions ». Par chance, se félicite Bazoum, « nous possédons toutes les trois valeurs ».

Raison pour laquelle d’ailleurs, il est difficile de trouver le nom d’un des Chefs de l’Etat qui m’ont précédé avec de l’argent caché dans des paradis fiscaux. « En ce qui me concerne, la question ne se pose pas. Je ne vois d’ailleurs pas où je trouverais l’argent nécessaire pour aller le cacher dans des paradis fiscaux, à moins de voler dans les caisses de l’État, ce qui est to­ta­le­ment contraire à mon éthique » a déclaré le président Mohamed Bazoum qui fait de la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics, un des impératifs de sa gouvernance à la tête de l’Etat du Niger.

Oumar Issoufa   

Niger Inter Hebdo N°40