Considérée comme un phénomène social, la stigmatisation des femmes souffrant d’infertilité se décrit comme la mise à l’écart de celles-ci, car jugées par leurs proches, sur leur état d’incapacité à concevoir ou à faire d’enfants. Comment peut-on expliquer ce traitement discriminatoire à l’égard de la femme ? Et que faire pour remédier à cela ?
Au regard des réalités africaines, l’opinion conçoit difficilement qu’un couple, nommément l’homme et la femme mariés, ne puissent pas avoir d’enfant. Cette incapacité de concevoir, imputée à tort uniquement à la femme, crée, du coup, un sentiment de mépris également synonyme de discrimination vis-à-vis de celle-ci. Dans ses propos lors d’une journée de formation au profit des journalistes, le 8 octobre 2019, l’ex Première Dame, également présidente de la fondation Guri Vie Meilleure, et Ambassadrice de Merck Foundation, Aïssata Issoufou, ne disait-elle pas que « dans nos sociétés, quand l’enfant vient à manquer dans un couple, c’est le drame. Et la femme est le plus souvent tenue pour responsable de la stérilité dans ce couple, à la fois par son mari, sa belle-famille et par son entourage ». Une situation que les spécialistes de la fertilité qualifient d’absurde, puisque ne reposant sur aucune base médicale ni scientifique. Selon Dr Lawali Chekarao Mahamadou Moudi, gynécologue à la Maternité Issaka Gazobi à Niamey, il existe deux types d’infertilité que sont l’infertilité primaire et l’infertilité secondaire. Le premier c’est quand le couple n’a jamais eu d’enfant, tandis que le second intervient quand un couple n’arrive plus à avoir des enfants, après en avoir fait un.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ceux-ci préfèrent l’utilisation du terme « infertilité » en lieu et place de la « stérilité », pour désigner l’état d’incapacité pour un couple de faire des enfants. Car, d’après les explications du gynécologue-obstétricien, Professeur Nayama Madi de la maternité Issaka Gazobi à Niamey, lorsqu’on parle d’infertilité, cela peut ouvrir la voie à un couple marié, à avoir d’enfant grâce à la médecine. Les traitements ou la fécondation extra-utérine à l’instar de FIV (Fécondation in Vitro) par exemple. Par contre, la stérilité ne laisse au couple aucune chance de pouvoir procréer.
Responsabilité partagée
Il est à noter que seuls les centres de santé compétents en la matière sont aptes à déterminer si l’homme ou la femme est infertile. C’est en cela qu’il s’avère imprudent de porter des jugements de valeur sur X ou Y, rien qu’en se basant sur des préjugés complètement absurdes. Suivant l’explication du Professeur Nayama Madi gynécologue-obstétricien à Niamey, la femme n’est pas seule responsable. « Une étude récente du groupe interafricain de recherche et d’application sur la fertilité, a mis en évidence le partage des responsabilités dans le problème d’infertilité. Femmes et hommes sont en cause dans 40% des cas chacun. Et dans les 20% des cas restants, les deux personnes du couple ont des difficultés à concevoir », a t-il expliqué. Et à Docteur Lawali Chekarao Mahamadou Moudi, gynécologue à Maternité Issaka Gazobi à Niamey, d’ajouter que « si les causes de cette infertilité sont principalement liées aux infections sexuellement transmissibles, les hommes sont concernés aussi bien que les femmes ». Ce qui démontre, à suffisance, que la question de l’infertilité d’un couple ne se résout point uniquement sur le simple avis du profane. Les spécialistes de la santé sont les plus à même de pouvoir déterminer l’infertilité primaire ou secondaire d’un homme et d’une femme, soient-ils mariés. Même après avoir exploré toutes les voies possibles en médecine et qu’il s’est avéré médicalement que le couple en question ne pourra aucunement avoir d’enfant, le gynécologue obstétricien Dr Lawali Chekarao Mahamadou Moudi invite, à la fois, le mari, la famille et la société à ne pas stigmatiser la femme au foyer. Mieux, il faut que, tous, ils apportent à celle-ci le soutien moral, en guise de réconfort. « Après tout, ce n’est pas la fin de la vie », a t-il lancé. Pour reprendre le propos de professeur Nayama Madi, « l’infertilité, en soi, n’est pas une fatalité ».
La solution idéale
Pour briser le fardeau de la stigmatisation liée à l’infertilité du couple, il n’y a pas meilleure solution que de recourir à la médecine. Selon le gynécologue obstétricien, Dr Lawali Chekarao, « l’ignorance est le principal facteur de l’infertilité du couple », et, en même temps, à la base de la stigmatisation. Une ignorance à double sens, c’est-à-dire du couple, d’une part, et de la communauté, d’autre part. Si l’homme et la femme mariés méconnaissent les traitements médicaux possibles pour faire des enfants, cela peut être vrai de la société et de la communauté, qui ne maîtrise rien sur la question de l’infertilité.
D’après les explications du gynécologue-obstétricien, « près de 60% des causes de l’infertilité du couple sont liées aux infections ». Chez la femme, il parle de « pathologie utérine », où les fibromes occupent une grande place. Ensuite, les trompes bouchées, causées par les infections, l’endométriose (présence de cellules endométriales en dehors de l’utérus), qui entraîne aussi l’infertilité. Il cite également les perturbations endocriniennes telles le diabète, le problème thyroïdien, les malformations utérines où on peut avoir un double utérus ou un petit utérus, les problèmes ovariens entraînant une perturbation du cycle de la reproduction. Hormis ces pathologies précitées, le spécialiste ajoute « l’âge de la femme », car, a t-il indiqué, « la femme devient de moins en moins fertile quand son âge avance ».
Chez l’homme, en dehors des causes liées aux infections sexuellement transmissibles, Dr Lawali Chekarao précise que c’est beaucoup plus « un problème de spermatozoïdes chez l’homme marié ». Ainsi « soit le spermatozoïde est produit mais n’arrive pas à excréter ou soit les testicules n’arrivent pas du tout à produire des spermatozoïdes ». À toutes ces pathologies, « si la cause de l’infertilité est liée, il faut un traitement adéquat », déclare Dr Lawali Chekarao. C’est pourquoi, selon ce dernier, il existe de plus en plus une prise de conscience des couples quant à la nécessité de se référer aux spécialistes en la matière, notamment les gynécologues. Celui-ci l’explique d’ailleurs par « la confiance en la médecine moderne qui s’explique par l’échec du traitement traditionnel ». C’est à juste titre que la médecine moderne propose un traitement adéquat, pour guérir le mal puis augmenter le coefficient de fécondité chez la femme aussi bien que chez le mari. L’on peut citer la myomectomie, pour enlever le fibrome de l’utérus, déboucher les trompes bouchées afin de permettre à la femme de concevoir. Toutefois, Dr Lawali Chekarao précise : « avant d’arriver à tout ça, on traite les infections ».
L’apport de l’État
Généralement, les traitements de l’infertilité reviennent cher. Le soutien de l’État ne peut qu’être la bienvenue. Comme l’affirment les gynécologues obstétriciens, il faut débourser assez d’argent avant d’arriver au bonheur, c’est-à-dire avoir « des enfants ». C’est pourquoi Dr Lawali Chekarao fait savoir que « ce n’est pas tout le monde qui ose, sauf les plus nantis ». Même s’il arrive qu’un couple se lance dedans, « il s’arrête en chemin, par manque de moyens financiers ». Lui qui, grâce au soutien de la fondation Merck, avait bénéficié d’une formation de trois mois en Inde, dans la spécialisation en traitement de l’infertilité, lance un cri du cœur à l’endroit du gouvernement nigérien, afin qu’il « subventionne » les traitements ainsi que les médicaments pour permettre à un grand nombre de couples d’en bénéficier, et non pas seulement les plus nantis, qui ont la facilité d’« aller à l’étranger, comme en Tunisie, pour se faire traiter, et avoir un enfant ». En faisant ainsi, l’État pourra aussi contribuer à briser la chaîne de la stigmatisation des couples infertiles, pour le bien-être surtout de la femme.
Koami Agbetiafa
Niger Inter Hebdo N°17