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Sécurité : Barkhane amorce son retrait

La France va réduire les effectifs de l’Opération Barkhane, dans les mois à venir. L’annonce officielle devrait en être faite, lors du « sommet du bilan des engagements de Pau », qui se tiendra en février prochain, à N’Djamena, au Tchad.

 Beaucoup d’arguments motivent cette décision : le coût humain et financier de l’opération, les interrogations de l’opinion française à son sujet et ses résultats incertains. Pour les partenaires du G5 Sahel, que sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, il s’agit d’une mauvaise nouvelle ou d’un nouveau défi.

Le 13 janvier 2020, à Pau, une commune du sud-ouest de la France, le président français et ses pairs du G5 Sahel avaient créé un nouveau cadre de coopération militaire. Ce nouveau partenariat reposait sur quatre piliers :

– un premier pilier, stratégique et militaire, qui recentrait les opérations sécuritaires dans la région des trois frontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger ; il s’agit de la zone où se concentrent les attaques, notamment celles de l’État islamique au grand Sahara (EIGS) du Malien Iyad Ag Ghali ;

– un deuxième, qui a trait à la formation des armées des cinq pays ;

– un troisième, qui stimule le retour de l’État et des administrations sur l’ensemble des territoires ;

– un dernier concernant le développement du Sahel.

C’est aussi à l’occasion de cette rencontre que le président français avait décidé de porter de 4 500 à 5 100 les effectifs de Barkhane. En février prochain, se tiendra, à N’Djaména, au Tchad, un sommet du bilan de ces engagements de Pau.

Coût humain et financier

Sans attendre les conclusions de ce sommet, la France a, d’ores et déjà, annoncé la diminution des effectifs de l’Opération Barkhane, qui consisterait à rappeler les six cents militaires envoyés en renfort, à la suite des décisions de Pau. Les autorités françaises alignent, pour cela, des arguments justificatifs en béton. Le 2 janvier dernier, deux soldats de cette force anti jihadiste, dont une femme, sont morts dans l’explosion d’un engin artisanal (IED), au passage de leur véhicule. Auparavant, le 28 décembre 2020, trois autres militaires périssaient dans des circonstances similaires. Ces cinq dernières pertes portent à cinquante le nombre de soldats français morts, depuis le début de l’intervention de l’ancienne puissance coloniale dans le Sahel, en 2013. Ce coût humain émeut beaucoup l’opinion française. La France déclare dépenser un milliard d’Euros par an, pour la sécurité du Sahel. Les deux coûts donnent le tournis aux responsables politiques français, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition. Les résultats de cet engagement les laissent perplexes, au regard des deux formes de sacrifices et d’efforts.

Résultats incertains

Dans une coïncidence dramatique, le jour même où le cinquantième mort était atteint, les villages nigériens de Tchombongou et Zaroumdarèye, dans le département de Ouallam, région de Tillabéry, près de la frontière nigéro-malienne, étaient attaqués par des individus armés à moto, qui ont massacré plus d’une centaine de civils. En plus, « l’état » du pays le plus soutenu dans le G5, le Mali, est l’objet d’inquiétudes diverses : « Plus on aide le Mali, plus il s’enfonce. On a l’impression de revenir à la situation de 2012, puisque l’armée a repris le pouvoir, le pays reste coupé en deux et l’État n’est toujours pas présent au nord », se lamente un chercheur français. Le même Mali a libéré plus de deux cents jihadistes, en plus du paiement d’une forte rançon, sans obtenir une quelconque trêve, de la part des groupes terroristes. Depuis un an, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont enregistré tant de victimes d’attaques qu’on en oublierait les succès tactiques indéniables de Barkhane contre l’EIGS, l’élimination de chefs jihadistes et la coopération renforcée avec les armées locales, lors de vastes opérations contre les groupes terroristes. Ces éclats militaires peinent, cependant, à produire des effets politiques aussi bien en France que dans l’opinion des pays du G5 Sahel. L’échéance électorale en France, qui se profile en 2022, amène le président Emmanuel Macron à parer à d’éventuelles critiques de ses adversaires, en repensant le niveau d’engagement de son pays au Sahel. L’autre versant est que le rival de l’EIGS, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GISM), a profité de l’affaiblissement de celui-ci pour prospérer. Un dangereux jeu de balancier, en défaveur des populations sahéliennes. Qu’elles soient attaquées par l’un ou par l’autre, elles endurent des souffrances identiques.

La réduction des effectifs de l’opération Barkhane et la diminution de l’engagement français au Sahel peuvent avoir deux lectures. Elles sont inquiétantes, quand on considère que, déjà, l’armée française estimait insuffisants ses 5 100 soldats qui devaient couvrir le vaste espace sahélien. Le général nigérien Oumarou Namata, commandant de la Force conjointe du G5 Sahel, estime que la réduction du format de Barkhane serait « prématurée » et « hasardeuse », pour le G5 Sahel. Pour une certaine opinion, qui appelle les États du G5 Sahel à renforcer leurs armées nationales respectives, afin d’être à même d’assurer, seuls, la sécurité de la sous-région, il s’agit, juste, d’un grand défi.

André Marie POUYA